Le Maroc, carrefour stratégique entre l’Europe et l’Afrique : un rôle en expansion
Par Dr. Zakaria Abbas
Enseignant-chercheur en stratégie d’entreprise et commerce international Euromed Business School (EBS) – Université Euro-Méditerranéenne de Fès
Dans un contexte mondial marqué par la multiplication des accords commerciaux régionaux et la redéfinition des chaînes d’approvisionnement, le Maroc s’impose comme un acteur stratégique au carrefour des échanges entre l’Europe et l’Afrique. Avec sa position géographique privilégiée, ses infrastructures modernes et son rôle pionnier en matière d’accords commerciaux, le Royaume se distingue comme un véritable «hub» de transit et de logistique pour les entreprises et investisseurs internationaux. Mais au-delà des opportunités, ce rôle de passerelle impose également des défis à relever pour consolider les ambitions du Maroc à long terme.
Une position géographique stratégique
Le Royaume bénéficie d’une situation géographique unique : situé à moins de 14 kilomètres de l’Europe via le détroit de Gibraltar, il est un point de passage essentiel pour le commerce entre l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient. Le positionnement de Tanger Med, le plus grand port en Afrique et en Méditerranée, est particulièrement révélateur. En 2023, Tanger Med a atteint un trafic record de plus de 7,6 millions de conteneurs EVP (équivalent vingt pieds), le classant parmi les 25 premiers ports à conteneurs au monde et renforçant sa position en tant que porte d’entrée continentale.
Tanger Med et des infrastructures de pointe
Les infrastructures marocaines, notamment le port Tanger Med ainsi que les zones industrielles de Casablanca et Kénitra, sont des moteurs pour le transit de marchandises et les échanges commerciaux. Tanger Med, qui a attiré des investissements de grands groupes tels que Renault et Stellantis, joue un rôle crucial dans l’exportation de véhicules et de pièces détachées, en direction de l’Europe mais aussi du reste de l’Afrique.
En 2022, l’usine Renault de Tanger a produit près de 300.000 véhicules, dont une part significative est exportée via Tanger Med. Ces infrastructures ne se limitent pas au maritime ; le réseau ferroviaire, avec la ligne de TGV reliant Tanger à Casablanca, facilite aussi le transport rapide de marchandises et de passagers, réduisant ainsi le temps et le coût des échanges.
Une intégration économique proactive grâce aux accords commerciaux
Le Maroc a signé des accords de libre-échange avec plus de 55 pays, dont l’Union Européenne, les États-Unis, et la Turquie. Cet ensemble de partenariats permet aux entreprises installées dans le Royaume de bénéficier d’un accès privilégié à un marché global de plus d’un milliard de consommateurs.
De plus, l’implication du Maroc dans la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), effective depuis 2021, vise à renforcer les échanges intra-africains, facilitant l’exportation des produits marocains vers les marchés africains.
Le Royaume adopte ainsi une politique d’intégration économique à la fois euro-méditerranéenne et africaine, créant un pont commercial et diplomatique entre l’Europe et le continent africain.
L’attraction des investissements directs étrangers (IDE)
Les zones franches marocaines et ses infrastructures modernes font du pays un point d’ancrage pour de nombreuses multinationales. En 2023, le Maroc a attiré des IDE d’une valeur de plus de quatre milliards de dollars, concentrés dans les secteurs industriels, l’agriculture et l’énergie verte.
Par exemple, l’implantation de Siemens Gamesa pour la fabrication d’éoliennes, ainsi que les investissements dans l’énergie solaire à Ouarzazate, témoignent de l’attrait du Royaume pour les secteurs à forte croissance. Les zones franches, telles que celle de Tanger Free Zone, offrent des incitations fiscales et des facilités pour les entreprises étrangères, permettant au Maroc de se positionner comme un centre névralgique pour les investisseurs souhaitant pénétrer le marché africain.
Les défis et perspectives pour renforcer le rôle du Maroc
Malgré les succès et les avancées, le pays doit faire face à certains défis pour consolider sa position. L’un des obstacles majeurs réside dans la compétitivité et la qualification de sa main-d’œuvre. Selon la Banque mondiale, bien que le Maroc ait amélioré son score dans le rapport Doing business 2020, des efforts restent nécessaires pour simplifier davantage le cadre administratif et encourager l’innovation technologique dans les entreprises marocaines.
Par ailleurs, la transition énergétique et la durabilité deviennent des priorités pour renforcer l’attractivité du Royaume. Avec le lancement de projets tels que Noor Ouarzazate, l’une des plus grandes centrales solaires au monde, le Maroc montre son engagement en faveur d’une économie plus verte. La transition vers une logistique durable pourrait accroître la compétitivité de Tanger Med et des autres infrastructures. Le Royaume, en tant que hub stratégique, joue un rôle central dans les échanges entre l’Europe et l’Afrique, une position qu’il consolide à travers des infrastructures modernes et des accords commerciaux diversifiés.
Néanmoins, pour transformer cette position avantageuse en levier de développement durable et inclusif, le pays doit relever les défis de la compétitivité, de la qualification de la main-d’œuvre et de la durabilité. Les perspectives d’avenir pour le Maroc sont prometteuses, tant sur le plan régional qu’international, et placent le pays en position de devenir une plaque tournante incontournable pour les flux commerciaux et d’investissement entre l’Europe et l’Afrique.