Najib Cherfaoui : “Tanger Med 3 s’avère indispensable”

Najib Cherfaoui
Expert maritime
Après Tanger Med 1 et 2, déjà saturés, en raison de la très forte activité de transbordement sur le port marocain de la Méditerranée, il s’avère nécessaire de construire une nouvelle plateforme pour suivre le rythme de l’activité. Dans cette interview, le professeur Najib Cherfaoui, expert maritime, aborde cette problématique et revient sur l’évolution d’autres grands chantiers portuaires du Maroc, à l’image de Dakhla Atlantique et du chantier naval de Casablanca.
Comment se porte le secteur maritime et portuaire au terme du premier semestre et quelles sont ses perspectives pour le reste de l’année ?
En s’en tenant à l’activité de l’Agence nationale des ports (ANP), on constate qu’à l’issue du premier semestre 2025, le trafic des conteneurs a dépassé la barre des 750.000 boîtes (evp) et devrait finir l’année avec la réalisation de 1,5 million de conteneurs : ce chiffre signifie que l’économie du Maroc est robuste, dynamique et en pleine croissance.
Je dis robuste car le conteneur est un vecteur multimodal porteur d’une grande variété de marchandises, ce qui explique l’insensibilité par rapport aux fluctuations de l’une d’entre elles. Pour ce qui est du trafic global, l’ANP pourrait boucler l’année 2025 sur un total de 110 millions de tonnes de cargaisons chargées/déchargées.
On parle de l’éventualité d’un nouvel élargissement de Tanger Med… Qu’en est-il réellement ?
Aujourd’hui, Tanger Med (capacité plafond de 11 millions de boîtes evp) est la juxtaposition de Tanger Med 1 (Quatre millions evp) et de Tanger Med 2 (Sept millions evp). En 2025, il est admis que Tanger Med soit saturé. En conséquence, la construction d’un nouveau port s’avère indispensable. Ainsi va germer l’urgence de «Tanger Med 3» dont les missions de reconnaissance topographiques se sont déroulées exactement au début de l’actuel été.
En travaillant selon le critère d’évolutivité, on peut compresser le temps et préparer l’avenir. S’ils avaient opté pour un port évolutif, Tanger Med aurait traité en 2025 au moins vingt millions de boîtes par transbordement, ce qui l’aurait placé au 9e rang mondial, devant Los Angeles, Hong Kong ou bien encore Rotterdam.
Comment évoluent les chantiers de Dakhla Atlantique et de Nador West Med ?
En 2016, avec le démarrage des travaux de «Dakhla Atlantique», le Maroc répond d’abord à un besoin de desserte nationale. Actuellement, le chantier est exactement à mi-parcours et les délais seront tenus. Par ailleurs, il convient de souligner que plusieurs circonstances internationales ont conféré à «Dakhla Atlantique» le statut de ressource maritime planétaire.
Ainsi, les événements de la mer Rouge ont incité les armateurs à opter pour le cap de Bonne-Espérance, ce qui force le passage au large de Dakhla. À cette conjonction, s’ajoute en sens inverse celle de la nouvelle route de la soie «One Belt-One Road» (2022).
Ces deux potentialités indiquent qu’il faut anticiper la saturation prévisible autour de ce pivot mondial qui a l’excellente caractéristique d’être un port évolutif. Par rapport à ce point, avec l’aide des lauréats de l’École Hassania des Travaux Publics (EHTP), j’ai personnellement déjà organisé les phases d’ajustement, de perfectionnement et d’agrandissement à effectuer pour éviter que la demande «future» ne devienne une contrainte à subir.
Le chantier naval de Casablanca peine-t-il toujours à trouver
preneur ? Pourquoi tant de rebondissements et de lenteur dans l’attribution de ce chantier ?
En lui-même, le nouveau chantier naval ne pose aucun problème : il y a actuellement plusieurs candidatures de divers horizons : Corée du Sud, France, Espagne, Italie, Bulgarie, Turquie et Hollande.
En fait, sa mise en service est conditionnée par l’allongement sur 400 mètres de la jetée Moulay Youssef – amorcé en 2020 et retardé par la pandémie de Covid 19 -, qui est actuellement bien avancé avec terminaison prévue pour 2026. Il n’y a pas à proprement parler de lenteur car il a été décidé, à juste titre, d’inclure dans les critères d’attribution la stratégie de relance du pavillon national.
Justement, la stratégie de relance du pavillon national se fait toujours attendre… Pourquoi tant de retard, là aussi ?
Il n’y a pas de retard car il n’est pas question ici de faire dans l’infographie : au plus haut sommet de l’État, la barre est fixée à un niveau très élevé. En effet, de la période 2020-2025, l’Histoire retiendra qu’en novembre 2023, l’attention s’est focalisée sur la nécessité «de réfléchir à la constitution d’une flotte nationale de marine marchande, forte et compétitive».
Visionnaire et pleine de réalisme, cette initiative implique la participation inclusive du Maroc maritime aux mouvements du monde, notamment à ceux des ports et corridors d’Afrique. Par chance, avec une poignée de lauréats EHTP, j’avais déjà achevé l’immense ouvrage dédié à la stratégie de relance du pavillon national.
Pour étudier et comprendre ce travail d’envergure, il leur faudra au moins une année. En tout cas, par rapport à l’état d’avancement de ce vaste chantier, une «annonce de cadrage» est planifiée pour le 6 novembre 2025.
Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO