Maroc

Immobilier : la loi 34.21 promet la fin des projets bloqués

Trente ans après l’adoption de la loi 25.90, une réforme de fond du cadre urbanistique est amorcée. Le projet de loi 34.21, fraîchement approuvé par le Conseil de gouvernement, prolonge les délais de réalisation, impose des garanties financières aux promoteurs et renforce le contrôle des collectivités locales. Objectif : sécuriser les acquéreurs, restaurer la confiance et moderniser la gestion des projets immobiliers dans un marché stratégique pour l’économie nationale.

Il aura fallu plus de trente ans pour remettre sur la table une réforme devenue incontournable. Adoptée en 1992, la loi 25.90 avait posé les bases de l’urbanisme moderne au Maroc, encadrant les lotissements, les groupements d’habitations et le morcellement foncier. Trente ans après son adoption, le constat est implacable : ce texte, fondateur à son époque, n’est plus adapté aux réalités actuelles.

Des projets figés dans l’attente d’autorisations, des quartiers livrés sans voirie ni réseaux, des investisseurs refroidis par les incertitudes juridiques : autant de symptômes d’un cadre légal désormais à bout de souffle. C’est dans ce contexte que le Conseil de gouvernement a approuvé, le 2 octobre 2025, le projet de loi 34.21. Un texte qui ne se contente pas de modifier la loi existante, mais qui ambitionne de moderniser en profondeur la manière dont le Maroc conçoit, encadre et sécurise ses projets immobiliers et urbains.

Une loi née des blocages accumulés
Afin de mieux en comprendre la portée, il faut rappeler que depuis son adoption en 1992, la loi 25.90 a encadré des milliers de lotissements et de groupements d’habitations à travers le Royaume. Mais au fil du temps, ses limites sont devenues criantes. L’un des premiers blocages réside dans le délai de trois ans imposé aux lotisseurs pour achever les équipements. En théorie, ce calendrier devait accélérer la livraison et garantir la mise en service rapide des infrastructures.

En pratique, il s’est révélé irréaliste. Les retards se sont accumulés, souvent pour des raisons indépendantes de la volonté des promoteurs : lenteurs dans les procédures d’autorisations, difficultés d’accès aux financements, hausse des coûts des matériaux ou encore contraintes liées aux raccordements aux réseaux publics. À cela, s’ajoute un autre problème majeur : l’absence de mécanismes clairs en cas de défaillance du lotisseur.

Lorsque les travaux s’arrêtent, que ce soit par abandon ou faillite, les projets tombent dans une zone grise. Les collectivités locales et les agences urbaines disposent de peu d’outils pour reprendre la main et relancer les chantiers. Résultat : des terrains viabilisés à moitié, des routes tracées mais non goudronnées, des canalisations posées mais non raccordées.

Ces lotissements inachevés se transforment en cicatrices urbaines, souvent occupées malgré tout par des familles qui doivent composer avec des infrastructures inexistantes. Le manque de garanties financières constitue un troisième verrou. Trop souvent, les acquéreurs se retrouvent dans l’incapacité de contraindre le promoteur à livrer les équipements promis. Les cautions bancaires exigées sont insuffisantes ou inexistantes, laissant les acheteurs sans recours efficace.

Cette insécurité juridique alimente une méfiance croissante des citoyens vis-à-vis du marché immobilier, avec des conséquences directes sur l’investissement. Mais ce n’est pas tout. Les blocages sont également d’ordre institutionnel. Les rôles respectifs des agences urbaines, des communes et des ministères sont parfois mal définis, provoquant des chevauchements de compétences et des conflits d’interprétation. Certaines collectivités délivrent des autorisations sans avoir les moyens de suivre techniquement l’avancement des projets, tandis que d’autres refusent de réceptionner des équipements jugés non conformes, bloquant ainsi la régularisation des titres fonciers.

Enfin, la loi 25.90 ne prévoyait pas de dispositions spécifiques pour les cas exceptionnels. Les catastrophes naturelles, comme les séismes ou les inondations, ou encore les besoins urgents de relogement social, se sont multipliées au cours des dernières années, mais le cadre légal n’offrait aucune flexibilité pour adapter les projets aux réalités imprévues. Ce vide juridique a accentué la paralysie et laissé des collectivités locales démunies face à des situations critiques.

Les principaux apports du projet de loi
Pour répondre à ces blocages, le projet de loi 34.21 introduit une série de changements structurants. Le premier concerne le délai d’achèvement des équipements, désormais porté à cinq ans au lieu de trois. Cette prolongation vise à mieux tenir compte de la complexité croissante des projets, tout en évitant la multiplication des contentieux.

La loi introduit également la possibilité de suspendre ou de retirer l’autorisation en cas d’arrêt volontaire des travaux ou de force majeure. Loin d’être une sanction automatique, ce mécanisme vise à encadrer les situations exceptionnelles (catastrophes naturelles, relogement social urgent, etc.), en permettant à l’État ou aux collectivités d’intervenir pour éviter l’abandon définitif des projets. Un autre volet central est la mise en place de garanties financières et juridiques pour protéger les acquéreurs.

Désormais, les promoteurs devront fournir des assurances ou cautions bancaires afin de sécuriser l’achèvement des infrastructures de base. Une avancée majeure pour les ménages, qui trop souvent voyaient leurs économies immobilisées dans des projets inachevés.

Le texte insiste également sur le renforcement des mécanismes de contrôle. Les collectivités locales et les agences urbaines ne se contenteront plus de délivrer des autorisations : elles auront la responsabilité de vérifier, à chaque étape, la réalisation effective des engagements en matière d’équipements — voirie, eau potable, électricité, assainissement. Ce suivi administratif renforcé vise à réduire les zones grises et à responsabiliser les promoteurs.

Enfin, le projet clarifie les rôles des institutions et introduit une disposition inédite : la possibilité de relancer des projets tombés en déchéance. Autrement dit, des lotissements abandonnés ou frappés de défaillances pourront être récupérés et achevés sous certaines conditions, ouvrant une nouvelle voie pour résorber les friches urbaines et limiter le gaspillage foncier.

Restaurer la confiance

Au-delà des aspects techniques, la réforme du projet de loi 34.21 se veut un instrument de confiance. Pour les investisseurs, elle promet plus de visibilité et moins d’incertitudes juridiques. Pour les collectivités, elle clarifie les prérogatives et renforce leur capacité d’action. Pour les citoyens, elle offre de meilleures garanties et un espoir de voir disparaître le spectre des lotissements inachevés. L’accent mis sur la transparence et la sécurité juridique n’est pas anodin.

Dans un marché immobilier parfois perçu comme opaque, il s’agit de rassurer non seulement les acquéreurs marocains, mais aussi les investisseurs institutionnels et les partenaires étrangers. En sécurisant le cadre légal, le Maroc espère attirer davantage de capitaux et fluidifier le développement urbain.

Le secteur immobilier, qui contribue à près de 6% du PIB national et emploie des centaines de milliers de personnes, ne pouvait rester prisonnier d’un cadre obsolète. La loi 34.21 n’est pas une fin en soi, mais elle constitue un pas décisif. Tout dépendra désormais de la capacité des collectivités et des administrations à appliquer les nouvelles dispositions avec rigueur et transparence.

H.K. / Les Inspirations ÉCO



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