Consommation : en vingt ans, le “Royaume du thé” s’est converti au café

Avec près de 75% des volumes, le Robusta est le café le plus consommé dans le Royaume, mais l’accélération des offres «premium» ainsi que le boom dans l’hôtellerie, les cafés et les restaurants sont en train de faire basculer doucement la demande vers l’Arabica et des formats différenciés. La consommation moyenne par habitant s’élève à près de 1,3 kg par an. Et les perspectives sont prometteuses, grâce notamment au boom du tourisme.
Si vous avez pris une tasse de café ce matin avant de commencer votre journée de travail, sachez qu’elle figure parmi les 2,4 milliards de tasses de café consommées chaque jour dans le monde. La conversion des jeunes Chinois au café aura été le «game changer» du marché de la boisson la plus consommée au monde juste après l’eau.
Le Maroc, l’autre pays du thé par excellence, a importé près de 58.000 tonnes de café en 2024 dont 54.508 tonnes de café vert et 3.426 tonnes de café torréfié. En valeur, cela représente 2,27 milliards de dirhams contre 1,41 milliard en 2023. Le café gagne du terrain depuis une vingtaine d’années, le parc des machines à café dans les entreprises en est d’ailleurs un des indices.
«Mais avec une consommation par habitant estimée entre 0,8 et 1,3 kg de café par an, le potentiel de croissance est énorme grâce au boom du tourisme et à la modernisation des circuits de distribution», analyse Lucien Leuwenkroon, fondateur de Top Class, franchisé Lavazza.
Selon les études internationales, les dépenses des ménages marocains en café via le retail s’élevaient à environ 13 milliards de dirhams en 2022, ce qui place le Royaume en position de marché de référence dans la région MENA. L’offre de café sur le marché marocain est à la fois riche et en pleine évolution.
La consommation reste dominée par les mélanges moulus et le café soluble, qui représentent le gros des volumes. C’est surtout le segment hors domicile qui connaît une dynamique sans précédent, tirée par la multiplication des coffee shops indépendants et des chaînes, la montée en gamme des hôtels et restaurants, et les torréfacteurs locaux contraints de coller au plus près aux attentes du consommateur.
Les professionnels soulignent aussi l’impact de la forte reprise du tourisme : elle augmente le nombre de services «out-of-home» et favorise l’émergence de formats premium (cafés de spécialité, espresso bars), ce qui a un effet multiplicateur sur la dépense moyenne par tasse.
D’où vient le café consommé au Maroc ?
Un autre phénomène très visible est l’essor des formats capsules et dosettes, relève le président de Top Class. Ils séduisent une clientèle urbaine, jeune et active. Enfin, la distribution en hypermarchés, supermarchés, enseignes spécialisées et cafés de marque prend chaque année plus de poids, et elle transforme les habitudes d’achat. Quel café consomme-t-on au Maroc ? En volume, le Robusta est largement devant avec une part de marché estimée à 70%-75% des importations contre 25%-30% pour l’Arabica.
La préférence des Marocains pour un café corsé, souvent en mélange ou soluble, explique en partie cette structure, ainsi que l’utilisation importante de robusta pour les blends, l’instantané et les cafés express à haute extraction, explique Lucien Leuwenkroon. Le Maroc est un marché 100% importateur de café. Pour le Robusta, qui représente la plus grande part des volumes consommés, les principaux fournisseurs sont le Vietnam, l’Ouganda, l’Indonésie et la Tanzanie.
Pour l’Arabica, les importations proviennent du Brésil, de la Colombie et de l’Éthiopie, selon les besoins en blends et la demande des segments premium. À cela s’ajoute du café torréfié ou transformé en provenance de l’Italie et de l’Espagne, des pays qui jouent le rôle de hub de réexportation vers le Maroc.
Le rôle clé des torréfacteurs dans le secteur
Les torréfacteurs sont au cœur de la chaîne de valeur : ils transforment la matière première, adaptent les blends aux préférences locales, garantissent la constance sensorielle pour les réseaux hôtels-cafés-restaurants et retail, et le développement de l’innovation produit (cafés aromatisés, blends premium, entre autres). Ces opérateurs sont aussi des garants qualité (contrôles, profils de torréfaction, traçabilité) et des partenaires commerciaux (packs, logistique).
Dans un contexte de prix volatils du café sur le marché international, les torréfacteurs agissent comme intermédiaires stratégiques (gestion de stocks, couverture). Cette position centrale n’empêche pas la présence de quelques «brebis galeuses» dans la profession. Des études et enquêtes industrielles ont par le passé relevé des cas d’adultération (mélange non déclaré d’Arabica et Robusta) et des étiquetages trompeurs. Des tests analytiques (chromatographie, spectroscopie, analyses isotopiques) ont permis de détecter des fraudes dans certaines gammes. Le marché est majoritairement basé sur des blends, et essayer d’optimiser le coût par l’ajout de Robusta peut être tentant pour certains opérateurs.
Toutefois, l’écrasante majorité des professionnels pratiquent des contrôles qualité stricts et investissent en traçabilité. Les analyses, les certifications et le packaging traçable constituent des éléments de différenciation des offres premium (100% Arabica) sur le marché. Pour un distributeur et une marque premium, la lutte contre la fraude passe par des contrôles fournisseurs, des audits et des analyses en laboratoire.
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO