Fret maritime : accalmie tarifaire à l’horizon

Alors que les tensions commerciales entre les grandes puissances s’accentuent, le fret maritime mondial fait preuve d’une étonnante résilience. Les prix se stabilisent et les chaînes logistiques s’adaptent. Dans cette recomposition stratégique, le Maroc se positionne comme un acteur logistique incontournable. Fort de ses atouts géographiques, de la montée en puissance de Tanger Med et de l’intégration croissante du port de Casablanca dans les circuits de transbordement, le Royaume pourrait tirer parti de la nouvelle donne mondiale.
Les nouvelles surtaxes douanières imposées par Washington rebattent les cartes du commerce maritime mondial. Le prix moyen d’un conteneur 40 pieds sur l’axe Chine-Europe, via la route du Cap de Bonne-Espérance, avoisine actuellement les 2.500 dollars, contre 3.500 dollars en juin dernier. Une baisse significative, mais qui reste dans la fourchette des niveaux jugés «raisonnables» par les professionnels de la logistique.
«Le système est actuellement dans un régime bien rodé. Les fluctuations liées aux tarifs douaniers n’ont pas encore provoqué de véritable onde de choc. Le marché semble dans l’expectative, dans une situation incertaine. Mais l’ère est à la stabilisation des coûts, du moins durant cette période», observe l’expert Najib Cherfaoui.
Cependant, l’une des grandes leçons de ces deux dernières années réside dans la capacité du secteur à digérer les secousses. La récente période de congestion dans les ports, causée notamment par un déséquilibre dans la répartition des conteneurs vides, semble derrière nous. Les opérateurs ont réajusté leurs délais et réorienté les flux.
«Aujourd’hui, l’approvisionnement en conteneurs est parfaitement synchronisé avec la cadence des navires. Nous sommes revenus à un délai standard de 45 jours, ce qui permet une régularité des livraisons», souligne Cherfaoui.
Valeur sûre
Contrairement à ce que pourraient laisser penser les tensions commerciales, la demande mondiale reste orientée à la hausse. Tous les indicateurs montrent une progression continue du commerce international. Pour échapper aux surcoûts liés aux droits américains, certains opérateurs ont choisi de dérouter leurs marchandises via des hubs alternatifs, comme la Thaïlande, sans pour autant freiner la dynamique globale.
«Quoi qu’il en soit, la demande ne sera pas affectée. Il y aura peut-être des décalages, mais pas de régression», assure Cherfaoui.
L’enjeu, désormais, est d’adapter les circuits en tenant compte de la nouvelle donne géopolitique. Dans cette reconfiguration, le Maroc tire habilement son épingle du jeu. Le port de Casablanca, historiquement orienté vers l’import-export direct, devient progressivement une escale de transbordement. Une évolution structurante pour l’économie maritime nationale.
«Le port de Casablanca est désormais intégré dans les routes secondaires. Pour l’année 2025, il devrait traiter 1,5 million de conteneurs 20 pieds. Ce n’était pas le cas auparavant.», note Cherfaoui.
Tanger Med, déjà positionné comme hub international, reste une pièce maîtresse du dispositif. Les navires, contraints par des changements d’itinéraires, continuent d’y faire escale, augmentant le volume traité.
Une opportunité à saisir
Néanmoins, tous les corridors maritimes ne réagissent pas de la même manière aux bouleversements tarifaires. Sur l’axe Asie–États-Unis, les prix du fret ont fortement baissé, de l’ordre de 40% ces derniers mois, principalement en raison d’une surcapacité de navires sur cette ligne. En revanche, sur la route Asie–Europe, y compris via le Maroc, les tarifs sont restés élevés, parfois même en hausse de 80% durant certaines périodes.
«Cela s’explique par la saturation de plusieurs corridors, mais aussi par les détournements d’itinéraires qui reconfigurent temporairement les flux», explique Mohamed El Jaouadi, président de l’Association des armateurs du Maroc (ARMA).
Pour les opérateurs, l’heure reste à la prudence. Si les fondamentaux logistiques sont solides, le climat d’incertitude lié à la politique commerciale américaine rend les prévisions délicates. Selon El Jaouadi, les prochaines semaines pourraient être marquées par une instabilité passagère.
«On va connaître une période de turbulences. Les taux de fret vont varier fortement, avec probablement une phase d’anarchie, mais la tendance générale devrait rester baissière à moyen terme, car les volumes vont légèrement se contracter», analyse-t-il. Concernant le Maroc, l’impact direct des mesures américaines devrait rester contenu.
«Je ne crois pas à un choc pour le Maroc. Les taux de fret resteront stables. En revanche, au niveau international, une période de déséquilibre est probable avant un retour à l’équilibre», estime El Jaouadi.
Dans ce contexte mouvant, le Maroc, grâce à sa neutralité stratégique, sa position géographique à l’intersection de l’Afrique, de l’Europe et du monde arabe, et ses investissements dans la logistique portuaire, semble avoir consolidé son rôle de plateforme fiable. Cette conjoncture internationale pourrait ainsi représenter une opportunité à saisir.
Mohamed El Jaouadi
Président de l’ARMA
«On va connaître une période de turbulences. Les taux de fret vont varier fortement, avec probablement une phase d’anarchie, mais la tendance générale devrait rester baissière à moyen terme, car les volumes se contracteront légèrement. Je ne crois pas à un choc pour le Maroc. Les taux de fret resteront stables.»
Najib Cherfaoui
Expert maritime
«Le système est actuellement dans un régime bien rodé. Les fluctuations liées aux tarifs douaniers n’ont pas encore provoqué de véritable onde de choc. Mais l’ère est à la stabilisation des coûts. Cependant, le port de Casablanca est désormais intégré dans les routes secondaires. Pour l’année 2025, il devrait traiter 1,5 million de conteneurs 20 pieds.»
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO