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Appel royal à la diaspora : un enjeu stratégique pour le développement du Royaume

Par Zaid M. Belbagi
Managing partner chez Hardcastle advisory, un cabinet de lobbying basé à Londres spécialisé dans le Soft Power et le conseil politique. Il est le premier marocain à avoir achevé le programme de service étranger de l’Université d’Oxford. Il est également diplômé à la fois du Centre du Moyen-Orient d’Oxford et du département des relations internationales de la London School of Economics.

Dans son récent discours à la nation à l’occasion du 49e anniversaire de la Marche Verte, le Roi Mohammed VI a mis en avant le potentiel humain du Maroc. En vue de libérer le potentiel économique et stratégique du Royaume, Sa Majesté a annoncé deux initiatives majeures pour renforcer le rôle de la diaspora marocaine dans l’avenir du pays. Le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger sera consolidé afin de mieux représenter cette diaspora.

En parallèle, la Fondation Mohammadia pour les Marocains résidant à l’étranger sera créée pour piloter les politiques publiques relatives à la diaspora. Cette fondation jouera un rôle clé dans la consolidation de la représentation de la communauté marocaine à l’étranger et dans l’accroissement de sa participation aux discussions politiques. Elle supervisera également le Mécanisme national pour mobiliser les compétences marocaines à l’étranger afin d’encourager les projets portés par les membres de la diaspora. Situé au carrefour de l’Europe, de l’Afrique et du Moyen-Orient, le Maroc a longtemps été un carrefour de migrations.

Depuis des millénaires, le pays a accueilli des populations diverses tout en voyant de nombreux résidents partir en quête d’un avenir meilleur. À l’époque où le pays accusait un certain retard de développement, beaucoup de Marocains ont émigré pour saisir des opportunités à l’étranger.

Toutefois, le Royaume se trouve aujourd’hui à un tournant historique, alors que son importance stratégique, économique et culturelle sur la scène mondiale s’est considérablement accrue. La diaspora marocaine cherche désormais des moyens de contribuer à la croissance de la mère Patrie. Le recensement national effectué en septembre dernier a révélé que le Maroc compte près de 37 millions d’habitants.

Toutefois, ce chiffre n’intègre pas le vivier de plus de cinq millions de Marocains enregistrés à l’étranger, sans compter les millions d’autres, d’origine marocaine, non encore enregistrés. En 2023, la diaspora a injecté plus de 11 milliards de dollars dans l’économie marocaine, représentant 8% du PIB du pays. La communauté marocaine à l’étranger joue aussi un rôle essentiel en soutenant le Royaume par le biais du tourisme, des investissements et de la promotion de sa culture à l’international. Le tournant pris par Sa Majesté en faveur de la diaspora survient alors que le Royaume atteint de nouveaux sommets et se prépare à co-organiser la Coupe du monde de la FIFA en 2030 avec l’Espagne et le Portugal.

Les investissements privés des Marocains de l’étranger, qui ne représentent actuellement que 10% du volume total, doivent augmenter si le Royaume souhaite mobiliser des capitaux suffisants pour alimenter sa croissance d’ici la fin de la décennie. Si, jusqu’à présent, l’accent était mis sur les financiers marocains issus des grandes écoles, il est désormais nécessaire de faire appel aux leaders de la diaspora dans divers secteurs tels que l’aviation, les énergies renouvelables et les relations publiques. Avec un soutien adéquat, la diaspora pourra s’organiser et exploiter ses ressources professionnelles.

Cependant, pour que ce tournant soit couronné de succès, le Maroc doit créer un environnement de travail qui soit compétitif par rapport aux standards internationaux. Cela inclut la reproduction d’une culture professionnelle, dont bénéficient les Marocains vivant à l’étranger, fondée sur l’état de droit, des salaires équitables, la transparence ainsi qu’un climat juridique et d’investissement favorable. Étant donné que la majorité de la diaspora marocaine réside en Europe, l’adoption des meilleures pratiques occidentales en matière de culture du travail facilitera leur intégration dans le développement du Royaume.

Sa Majesté a souligné ce point dans son discours en insistant sur la nécessité de simplifier et de digitaliser les processus administratifs et judiciaires pour cette communauté.Outre le potentiel économique de la diaspora, il existe également une forte opportunité d’exploiter celle-ci en tant que vecteur de diplomatie religieuse et culturelle.

Depuis des siècles, le Maroc a renforcé cette influence en Afrique. Sous le règne de Sa Majesté, de nombreuses mosquées ont été construites à travers l’Afrique subsaharienne pour promouvoir une interprétation tolérante et modérée de l’Islam. Ces mosquées, conçues dans le style architectural marocain, ne servent pas seulement de lieux de prière et d’éducation, mais jouent aussi un rôle crucial dans la lutte contre l’extrémisme religieux sur le continent africain.

Le Maroc doit désormais élargir son influence religieuse et culturelle au niveau international. En tant que membre de la diaspora marocaine, j’ai souvent passé le Ramadan, les prières du vendredi et d’autres occasions religieuses au sein de communautés non marocaines. En Europe, les mosquées gérées par le Diyanet turc, les agences saoudiennes et qataries, ou des organisations pakistanaises, ont souvent accueilli des fidèles marocains.

Si certains Marocains résidant à l’étranger célèbrent des événements d’importance nationale tels que la Fête du Trône et la Marche Verte, cette participation reste officiellement réservée à un cercle restreint. Il est donc urgent d’améliorer la diffusion de l’influence culturelle et religieuse du Royaume, d’autant plus que les jeunes générations de la diaspora s’éloignent de plus en plus de leurs racines. Le succès des agences de promotion culturelle parrainées par des États doit être souligné.

Le British Council au Royaume-Uni, les centres culturels français en France et l’Institut Confucius en Chine font un excellent travail en promouvant leurs cultures respectives à l’étranger, notamment à travers des formations linguistiques, des programmes éducatifs et des événements culturels. Pour la communauté internationale, ces agences servent de fenêtres permettant d’entrevoir d’autres cultures.

Le Maroc est bien placé pour développer une plateforme similaire afin de promouvoir sa propre culture, et la Fondation Mohammadia constitue un point de départ idéal. Sa Majesté a d’ailleurs justement souligné le potentiel de cette fondation à collaborer avec divers acteurs pour fournir un «élan fort aux services linguistiques, culturels et religieux à la communauté marocaine à l’étranger». Sous l’impulsion de Sa Majesté, le Maroc s’engage dans une trajectoire prometteuse de développement et reconnaît la valeur ajoutée que les Marocains résidant à l’étranger peuvent apporter.

Pour que le Royaume atteigne de nouveaux sommets, la diaspora marocaine doit être au premier plan de ces efforts. De nombreux membres de cette diaspora se distinguent déjà dans leurs domaines à l’échelle mondiale. Moncef Slaoui, par exemple, a dirigé avec succès la campagne de vaccination contre la covid-19 aux États-Unis sous la présidence de Donald Trump, tandis que le Franco-Marocain Faouzi Annajah a développé le NamX, le premier SUV fonctionnant à l’hydrogène.

Par ailleurs, les Marocains jouent un rôle vibrant dans le football européen, et les footballeurs de la diaspora marocaine collaborent de plus en plus avec les Lions de l’Atlas, en particulier après leurs performances récentes remarquables. Il est donc clair que la diaspora marocaine regorge de potentiel, et avec le soutien adéquat du Royaume, elle pourrait contribuer de manière significative à faire du Maroc une puissanceéconomique et culturelle.



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