Maroc

Marché de l’emploi : une reprise fragile

Le marché du travail reste marqué par de profondes fractures malgré une infime baisse du taux de chômage, à 12,8%. Tandis que l’emploi urbain progresse, le monde rural continue de s’enfoncer, victime des contre-performances agricoles et de l’absence de relais économiques. Jeunes, femmes et diplômés restent en première ligne face à un sous-emploi endémique, dans un contexte où la croissance de l’emploi rémunéré peine à masquer la précarisation du tissu productif.

Le chômage, phénomène endémique du marché du travail, en particulier chez les jeunes et les diplômés, poursuit sa décrue entamée l’an dernier. Après avoir culminé à 13,1% au deuxième trimestre 2024, le taux de chômage national s’est établi à 12,8% un an plus tard, selon les derniers chiffres du Haut-commissariat au plan. Une amélioration modeste et qui masque de profondes disparités géographiques, sociales et sectorielles.

Sous l’effet conjugué d’une sécheresse prolongée et d’une recomposition sectorielle à géométrie variable, le marché de l’emploi connaît, au deuxième trimestre 2025, un léger mieux, mais dont les fondations restent précaires.

Les derniers chiffres indiquent que le volume global de l’emploi progresse de seulement 5.000 postes sur un an, contrastant avec la perte nette de 82.000 emplois enregistrée un an plus tôt. Ce frémissement résulte toutefois de dynamiques contrastées entre milieu urbain et rural, secteurs productifs et catégories socioprofessionnelles.

Milieu urbain vs milieu rural
Le fossé géographique est abyssal. Tandis que le milieu urbain a bénéficié de la création de 113.000 postes, le rural, quant à lui, a vu en disparaître 107.000, notamment sous l’impact des contre-performances du secteur agricole, qui enregistre une contraction de 108.000 postes.

Cette géographie de l’emploi confirme la dépendance structurelle du monde rural aux aléas climatiques, dans un contexte où l’absence d’alternatives économiques solides freine toute dynamique de résilience.

À l’opposé, les zones urbaines tirent leur croissance de secteurs en recomposition. Le bâtiment et les travaux publics (BTP) connaissent un regain d’activité (74.000 postes), tout comme les services (35.000), tandis que l’industrie ne progresse que modestement (2.000). L’économie marocaine semble ainsi amorcer, timidement, une reconversion vers des activités plus urbanisées et potentiellement plus productives.

Pour Omar Kettani, professeur d’économie à l’université Mohammed VI de Rabat, l’analyse gagnerait à être poussée plus loin.

«Ce recul du taux de chômage pourrait se justifier non pas par la création d’emplois mais surtout par la croissance démographique puisque la proportion des naissances fait baisser la part de la population en âge d’activité. Quant au volume du chômage, les chiffres ne reflètent pas une logique», commente-t-il.

Chômage en baisse, précarité en hausse
Le nombre de chômeurs baisse, officiellement, de 38.000 personnes en un an, ramenant le taux de chômage national à 12,8% (contre 13,1% en 2024). La décrue est plus marquée en milieu rural (-0,5 point) qu’en zone urbaine (-0,3 point). Mais cette tendance positive masque des fractures persistantes.

Les jeunes de 15 à 24 ans restent confrontés à un chômage massif (35,8%), ainsi que les femmes (19,9%) et les diplômés (19%). Autre source d’inquiétude, la hausse continue du sous-emploi, qui touche désormais 1,15 million d’actifs.

Le taux national grimpe à 10,6% (+1 point sur un an), atteignant 12,4% dans les campagnes. L’un des constats les plus marquants demeure la fragilité persistante de l’insertion féminine. Le taux d’activité des femmes continue à reculer, passant de 20,1% à 18,9%, alors que celui des hommes reste relativement stable (68,6%).

Pire, leur taux de chômage progresse de 2,2 points. «Le taux de sous-emploi reste inquiétant du moment qu’il se rapproche dangereusement du taux de chômage. Les tendances préoccupants s’illustrent notamment dans une perte lente mais continue de la population en âge d’activité dans le milieu rural. S’ajoutent à cela, la concentration de la création d’emplois dans le secteur des BTP et des services ainsi que l’affaiblissement des secteurs de l’agriculture et de l’industrie», prévient Kettani.

Disparités régionales
Le rapport du HCP souligne également les profondes disparités régionales. Alors que Casablanca-Settat concentre 22% des actifs et 25,5% des chômeurs, les régions du Sud et de l’Oriental affichent des taux de chômage record, respectivement de 25,7% et 21,1%. À l’inverse, Marrakech-Safi ou Drâa-Tafilalet présentent les taux les plus bas, sans que cela ne reflète nécessairement une vitalité économique, mais plutôt une moindre participation au marché du travail.

«Encore une fois, ce rapport confirme la rupture progressive entre deux Maroc : le premier, principalement urbain, et le second, essentiellement rural. Une rente très forte se dégage de cette dichotomie et profite à une minorité nantie», regrette l’économiste.

Si la création d’emplois rémunérés (+132.000) est un signal encourageant, elle est contrebalancée par la disparition de 126.000 emplois non rémunérés, principalement en milieu rural, signe d’une érosion de l’emploi familial ou informel.

Cette bascule pourrait, à moyen terme, signifier une formalisation progressive de l’emploi. Mais dans l’immédiat, elle exacerbe les tensions sur les revenus dans les zones les plus vulnérables. De plus, certains secteurs semblent à bout de souffle.

L’agriculture, pilier de l’emploi rural, voit sa part dans l’emploi total reculer à 26,4%. L’industrie, pourtant appelée à jouer un rôle central dans la relance productive, stagne. Même les services, traditionnel moteur de l’économie urbaine, n’affichent qu’un faible dynamisme.

Omar Kettani
Économiste

«Le taux de sous-emploi reste inquiétant du moment qu’il se rapproche dangereusement du taux de chômage. Les tendances préoccupantes s’illustrent notamment dans une perte lente mais continue de la population en âge d’activité dans le milieu rural. S’ajoutent à cela, la concentration de la création d’emplois dans le secteur des BTP et des services ainsi que l’affaiblissement des secteurs de l’agriculture et de l’industrie.»

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



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