La réforme du curateur dans le viseur
Le curateur, considéré comme institution obsolète, est en voie de suppression. L’objectif est d’assurer une bonne maîtrise des voies de recours.
Loin d’être réputée pour sa rapidité, l’institution judiciaire regorge de failles qui poussent à l’enchevêtrement des procédures, enchevêtrement accentué par le manque de communication entre les différents départements. Dans le sillage de la dernière circulaire de Mustapha Ramid avant son départ, Mohamed Aujjar tient à fluidifier les «canaux judiciaires» en les débarassant des engrenages considérés par les professionnels comme «désuets». Parmi ces dysfonctionnements figure en premier lieu le curateur, institution mise en place par l’article 39 du Code de procédure civile. «Lorsque la notification de l’intéressé est impossible, le tribunal désigne un agent du greffe en tant que curateur qui est chargé de le rechercher», édicte l’article.
Ce curateur recherche théoriquement cet intéressé avec le concours du ministère public et des autorités administratives. Si l’intéressé est découvert, le curateur en informe le juge qui l’a nommé et avise cette partie par lettre recommandée de l’état de la procédure. Son mandat prend fin dès l’accomplissement de ces formalités. «Entre 1989 et 2016, le Cabinet Bassamat a connu un seul cas où le curateur a retrouvé l’intéressé», explique Zineb Laraqui, avocate. En attendant la réponse du curateur, les audiences continuent à être fixées et il peut parfois se passer plus d’un an avant que celui-ci n’émette sa réponse. Une procédure qui s’avère longue et fastidieuse car il n’existe qu’un seul curateur désigné par tribunal et celui-ci ne peut se rendre à toutes les adresses, d’où les retards. Lorsque l’intéressé a pour adresse principale une ville différente du tribunal, le curateur doit saisir le ministère public du tribunal de ladite ville et la communication n’est pas fluide. La procédure de notification de la convocation au concerné est beaucoup plus souple sous d’autres cieux.
En effet, le Maroc est le seul pays à avoir maintenu le curateur dans la région. Lorsque la notification de l’intéressé ne peut avoir lieu en Algérie, une copie du procès-verbal est affichée au siège du tribunal, une autre est affichée au siège de la commune de son dernier domicile. Même chose en Tunisie. En Égypte, l’huissier dresse un PV qui doit être déposé au parquet général. En France, la notification à parquet a été supprimée.
Selon l’article 659 du Code de procédure civile, la signification sera régulière si l’huissier de justice n’est pas parvenu à localiser le destinataire; il dressera un acte en indiquant les investigations accomplies, puis enverra celui-ci par lettre recommandée à l’intéressé à la dernière adresse connue suivie d’une lettre simple. Si le juge estime que ces diligences sont insuffisantes, il pourra en prescrire d’autres.
L’activité économique, première victime de la lenteur
«Cette procédure de notification est l’un des principaux facteurs de la lenteur des procédures civiles et commerciales», avoue un membre du secrétariat greffe du Tribunal de première instance de Casablanca. Selon les derniers chiffres du ministère de la Justice, les litiges liés à l’activité économique, comme le droit du travail (400 jours d’attente en moyenne), les transactions immobilières (300 jours) et les difficultés d’entreprises (260 jours) sont ceux qui prennent le plus de temps pour être tranchés. La pression économique confère au temps une valeur plus importante encore. Or, les modes d’évaluation des systèmes judiciaires ont fait apparaître la justice marocaine comme «passablement lente et inefficace», notait le dernier rapport Doing Business de la Banque mondiale.
Manœuvres dilatoires
C’est ainsi que la réforme ne s’attardera pas seulement sur la suppression des institutions, mais également sur la maîtrise des mécanismes légaux, comme l’exception de compétence. Une action par laquelle un justiciable peut remettre en cause la «légitimité» d’un juge à statuer sur l’affaire, qui peut être soulevée lors de l’introduction de la demande. Si le code de procédure donne le choix au juge de statuer soit par jugement séparé, soit en joignant l’incident au fond, c’est systématiquement par jugement séparé que la décision sera rendue, étendant énormément les délais de la procédure puisque la partie ayant intérêt à retarder la procédure va en faire usage, ce qui entraînera une transmission du dossier à la Cour d’appel concernée qui devra statuer puis transmettre à nouveau le dossier au tribunal de première instance.