Manal Mhada : “Le quinoa n’est pas une fin en soi. C’est un levier pour repenser l’agriculture de demain”

Manal Mhada
Professeure au Collège d’Agriculture de l’UM6P
Face à la raréfaction des ressources hydriques, l’introduction de la culture du quinoa dans des zones à faible pluviométrie ouvre une piste crédible à même d’absorber les chocs climatiques sans pour autant sacrifier la rentabilité. À noter que cette initiative s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du programme Al Moutmir.
Qu’est-ce qui a rendu possible le basculement du quinoa de la recherche à la pratique agricole ?
Cette récolte est l’aboutissement d’un long travail de recherche appliquée, qui transforme ce que beaucoup considéraient comme un simple potentiel agronomique en une réalité économique pour les agriculteurs. Nous avons développé des variétés diversifiées, capables de résister à la sécheresse, à la salinité et aux températures élevées. En ce sens, le quinoa s’affirme indéniablement comme une culture d’avenir.
Pourquoi conduire des essais dans une zone relativement favorable comme Rissana Chamalia, alors que le quinoa est souvent associé aux zones arides ?
Parce qu’il faut anticiper le changement climatique. Tester aujourd’hui dans des zones encore favorables nous permet de mieux comprendre comment la culture peut s’adapter demain, dans des contextes plus contraints. On prépare le terrain, au sens propre comme au figuré.
La recherche porte aussi sur les débouchés, pas seulement sur le rendement. Quelles actions menez-vous pour valoriser la culture au-delà du champ ?
C’est un pilier fondamental de notre approche. Nous développons des produits alimentaires adaptés à la consommation locale. Nous allons jusqu’à tester des recettes, évaluons leur qualité nutritionnelle, et impliquons les consommateurs dans les panels sensoriels. Ce lien entre recherche et gastronomie est essentiel pour créer un marché durable.
Sur le terrain, quel est l’accompagnement offert aux agriculteurs post-récolte ?
Une fois la récolte achevée, les agriculteurs ne sont pas livrés à eux même . L’équipe d’Al Moutmir et celle de l’UM6P assurent un suivi permanent pour les deux types de parcelles, celles dédiées à la sélection de variétés, dont on conserve les semences pour les années suivantes, et celles où l’on cultive des variétés déjà éprouvées, à des fins de valorisation.
Dans les deux cas, nous restons engagés aux côtés des agriculteurs, y compris pour la commercialisation. Dans la même lignée, nous incitons les chercheurs à initier des startups agricoles, qui s’appuient sur nos résultats pour créer de la valeur. Vous savez, Le quinoa n’est pas une fin en soi. C’est un levier pour repenser l’agriculture de demain. Notre objectif est de structurer des filières locales, autonomes et résilientes, mais aussi capables d’innover.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO