Agriculture résiliente : à Larache, les fellahs parient sur le quinoa pour doper les récoltes

Face à la raréfaction des ressources hydriques, l’introduction de la culture du quinoa dans des zones à faible pluviométrie ouvre une piste crédible à même d’absorber les chocs climatiques sans pour autant sacrifier la rentabilité. À noter que cette initiative s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du programme Al Moutmir.
La récurrence des épisodes de sécheresse ne relève plus de l’exception climatique, les précipitations ayant tendance à se raréfier de manière drastique. Depuis plusieurs campagnes, les sols peinent, par conséquent, à retrouver leur potentiel agronomique.
Dans un tel contexte, la poursuite des modèles fondés sur des cultures «gourmandes» en eau devient intenable. L’urgence ne relève plus du registre de l’alerte, mais de l’ajustement structurel. C’est dans cette perspective qu’une plateforme de démonstration a été implantée à Rissana Chamalia, dans la province de Larache, dans le cadre du programme Al Moutmir.
Le choix s’est porté sur le quinoa, culture encore marginale mais dont les propriétés agronomiques présentent un intérêt particulier. Peu exigeant en eau, tolérant à la salinité et aux températures élevées, le quinoa est expérimenté depuis trois campagnes agricoles dans 106 plateformes réparties sur 60 sites, couvrant 12 provinces. «Nous sommes ici présents pour la récolte du quinoa.
Du fait de la sécheresse aiguë qui frappe le pays depuis des années, Al Moutmir œuvre pour le développement de cultures plus résilientes», souligne Abdeddaim El Hajjam, ingénieur agronome en charge de la région Nord et Gharb.
Rentabilité supérieure
Les premiers résultats à Rissana sont prometteurs. Sur la parcelle accompagnée, la variété Puno atteint un rendement de 25,9 quintaux à l’hectare (ha), contre 14 quintaux sur la parcelle témoin. L’écart, évalué à 86%, se traduit par un gain estimé à 35.000 dirhams à l’ha.
«Cette plateforme d’application se veut aussi un champ de formation pour les fellahs, visant à les encourager à adopter ce type de culture», poursuit le responsable régional.
L’approche repose sur une logique d’appropriation progressive, non sur l’injonction technicienne. Le protocole technique mis en place s’inscrit dans une démarche intégrée : analyses de sol, sélection variétale, fertilisation raisonnée fondée sur des outils d’aide à la décision et suivi individualisé. Chaque paramètre est optimisé pour consolider la culture dans un environnement instable. Il ne s’agit pas de maximiser, mais de stabiliser. L’accompagnement est pensé sur la durée, loin des logiques de démonstration ponctuelles.
Recherche appliquée
Ce travail de fond s’appuie sur les recherches menées à l’UM6P par l’équipe de la professeure Manal Mhada. Depuis 2018, plus de 300 accessions de quinoa ont été testées pour identifier celles qui conjuguent le mieux résistance au stress abiotique et qualités nutritionnelles.
L’accent est mis sur les propriétés alimentaires du quinoa – richesse en protéines, fer, zinc – autant que sur ses performances agronomiques. Le choix des variétés se fait à l’échelle locale, dans des conditions de culture réelles.
Le projet ne s’arrête pas au champ. Il intègre aussi la production de semences, l’élaboration de protocoles reproductibles et l’exploration de débouchés économiques. Des essais de transformation sont en cours, notamment sur des produits sans gluten – couscous et pain, notamment, en partenariat avec l’école SHBM du campus de Benguerir. Les recettes sont validées par des panels de consommateurs.
Synergie opérationnelle
Cette dynamique s’appuie sur une démarche partenariale impliquant le ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, l’INRA, l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II, l’École nationale d’agriculture de Meknès, ainsi que des partenaires industriels spécialisés dans la fertilisation.
Grâce à l’outil Smart Blender, les agriculteurs bénéficient de formules d’engrais sur mesure adaptées aux besoins spécifiques de leurs sols. Cette synergie entre le milieu de la recherche et celui du secteur agricole ouvre la voie à d’autres applications.
En effet, ce modèle pourrait, à terme, s’appliquer à d’autres espèces résilientes tel que sorgho, mil, ou encore légumineuses. Dans l’immédiat, l’expérience de Rissana apporte une réponse plus mesurée à la contrainte hydrique.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO