Gestion de l’eau agricole : l’Afrique trace sa feuille de route pour la résilience

Face à l’intensification du stress hydrique, l’Afrique s’est mobilisée à Fès lors de la 7e Conférence panafricaine du génie rural. Experts et décideurs ont débattu de solutions concrètes pour sécuriser les ressources en eau et garantir une agriculture capable de répondre aux impératifs de la souveraineté alimentaire continentale.
La définition d’une feuille de route continentale pour la résilience agricole a constitué l’enjeu principal de la 7e Conférence panafricaine du génie rural, tenue à Fès du 22 au 24 octobre. Placé sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, l’événement a rassemblé des experts, des ministres et des responsables institutionnels africains.
Les travaux, articulés autour du thème «La gestion de l’eau pour une agriculture durable et résiliente en Afrique», avaient pour objectif d’identifier des solutions concrètes et de renforcer la cohérence des politiques de l’eau et de l’agriculture pour garantir la sécurité alimentaire du continent.
Deux stratégies nationales pour la souveraineté hydrique
Lors de la séance d’ouverture, Ahmed El Bouari, ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, a souligné l’importance de positionner la gestion de l’eau au cœur de la coopération agricole africaine. Il a rappelé que le secteur agricole constitue une priorité stratégique dans les politiques publiques du Maroc.
La stratégie Plan Maroc Vert a permis de faire de l’agriculture un moteur de développement. La nouvelle stratégie Génération Green 2020-2030 poursuit cet élan en mettant l’accent sur le capital humain et la résilience face au changement climatique.
Le ministre a détaillé les programmes engagés pour développer l’offre hydrique et valoriser l’eau agricole dans le cadre de la stratégie Génération Green et du Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027. Les actions comprennent la modernisation des réseaux d’irrigation, le développement de l’irrigation localisée et la construction de nouveaux barrages. Des ouvrages d’interconnexion entre bassins hydrauliques sont également réalisés pour favoriser une solidarité nationale en matière d’eau.
La réalisation de stations de dessalement de l’eau de mer, alimentées par des énergies renouvelables, vise à préserver l’agriculture irriguée. Le Maroc, fidèle à la vision royale, s’attache à renforcer la coopération Sud-Sud, notamment à travers l’Initiative pour l’Adaptation de l’agriculture africaine (Triple A).
Trois piliers pour l’avenir de l’eau et de l’agriculture
Loïc Fauchon, président du Conseil mondial de l’eau, a insisté sur le lien fondamental entre la sécurité hydrique et le développement agroalimentaire. Face aux menaces climatiques, démographiques et urbaines, il a articulé sa vision autour de trois messages.
Le premier concerne la défense du foncier agricole et du monde rural, dont les acteurs sont les premiers garants de la sécurité de l’eau et de l’alimentation.
Le deuxième message porte sur l’efficacité hydrique, qui doit être améliorée par la modernisation technologique et l’innovation, citant en exemple les réseaux d’irrigation numériques.
Le troisième message se résume en trois verbes d’action. Il s’agit de préserver la quantité et la qualité des ressources, de réserver et mobiliser des sources alternatives comme le dessalement et le recyclage des eaux usées, et enfin de desservir l’eau en garantissant son bon usage et son accès pour tous.
Fauchon a également souligné l’importance d’une gouvernance moderne et d’une finance mixte pour accompagner ces transformations.
De son côté, Aziz Fertahi, président de l’Association nationale des améliorations foncières, de l’irrigation et du drainage (ANAFIDE), a rappelé le rôle historique du Maroc dans les questions hydriques, comme l’organisation du premier Forum mondial de l’eau en 1997. Il a présenté les réalisations de projets structurants nationaux, tel que le raccordement des bassins hydrauliques du Sebou et du Bouregreg, exécuté par des compétences entièrement marocaines.
L’Agenda 2063 au cœur de la coopération continentale
La dimension panafricaine de l’événement a été mise en avant par Michael Faborode, président de l’Association panafricaine du génie rural (PASAE), qui a rappelé que la PASAE a été fondée au Maroc saluant le retour de la conférence sur le sol du Royaume. Il a insisté sur l’engagement de son organisation à assurer la sécurité et la souveraineté alimentaire en Afrique en relevant les défis du secteur agricole.
La collaboration avec des partenaires comme l’ASABE, l’AMAR, la FAO ou la Banque africaine de développement est une illustration de la volonté de travailler ensemble, conformément à l’Objectif de développement durable 17.
Cet effort collectif s’inscrit, selon lui, dans la poursuite des objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, intitulé «L’Afrique que nous voulons». La présence d’agriculteurs venus de plusieurs pays africains a permis de s’assurer que les solutions proposées répondent aux besoins concrets du terrain.
Ragab Ragab, président honoraire de la Commission internationale de l’irrigation et du drainage (CIID), a quant à lui salué le soutien du Maroc aux entités africaines et a noté la richesse des thématiques techniques abordées, allant de l’intelligence artificielle aux énergies renouvelables.
Plusieurs axes de travail pour une action coordonnée
Les travaux de la première journée de la conférence ont permis de dégager un consensus sur la nécessité d’une approche intégrée pour la gestion de l’eau agricole. Les débats ont confirmé l’importance de combiner des politiques publiques adaptées, des innovations technologiques et des mécanismes de financement appropriés.
Les participants ont réaffirmé la pertinence de solutions telles que la modernisation des infrastructures d’irrigation, le recours aux ressources en eau non conventionnelles et la digitalisation des pratiques agricoles.
Selon les organisateurs, l’événement de Fès se positionne ainsi comme une plateforme de dialogue et un catalyseur pour une action coordonnée à l’échelle du continent, visant à construire une agriculture africaine plus résiliente et prospère. Les conclusions de la conférence devraient nourrir les réflexions lors de prochains rendez-vous internationaux, notamment le 11e Forum mondial de l’eau.
Ahmed El Bouari
Ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts
«L’innovation hydrique n’est pas une fin en soi, c’est un levier stratégique pour la pérennité de notre agriculture et la consolidation de notre souveraineté alimentaire.»
Loïc Fauchon
Président du Conseil mondial de l’eau
«Les campagnes ne sont pas l’arrière-cour des villes, elles sont le cœur battant qui assure la sécurité alimentaire et hydrique de nos nations. Nous devons les défendre.»
Michael Faborode
Président de l’Association panafricaine du génie rural (PASAE)
«Aucun pays ne peut relever seul le défi de l’eau. Notre force réside dans notre capacité à unir nos expertises pour atteindre les objectifs de l’Agenda 2063.»
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO







