Fonds publics : la Cour des comptes affine le lien entre contrôle et justice

Face à la nécessité d’une gestion publique exemplaire, la Cour des comptes renforce sa vigilance. Sa présidente Zineb El Adaoui a révélé que 55 dossiers comportant des éléments de preuve passibles de sanctions pénales ont été transmis au Ministère public depuis 2021. Un chiffre qui montre la solidité d’un système de contrôle désormais perçu comme un pilier de la gouvernance nationale.
À Skhirat, lors d’une rencontre sur le renforcement des mécanismes de contrôle judiciaire et administratif dans la gestion des fonds publics, Zineb El Adaoui, Premier Président de la Cour des comptes, a livré un état des lieux révélateur, 55 dossiers contenant des éléments de preuve passibles de sanctions pénales ont été transmis au Ministère public entre 2021 et octobre 2025.
La rigueur au cœur du contrôle
Ce chiffre démontre une réalité double. D’un côté, la vigilance accrue des juridictions financières, et, de l’autre, la rigueur des procédures préalables à toute transmission judiciaire. El Adaoui a rappelé que la Cour des Comptes n’agit jamais sur simple suspicion. Chaque dossier transmis résulte d’une analyse approfondie et multiniveau des éléments de preuve.
Cette démarche garantit que seules les affaires présentant des indices sérieux de malversation ou de mauvaise gestion soient portées à la connaissance de la justice. Entre 2021 et 2025, 77 plaintes ont été adressées à la Cour par la Présidence du Ministère public.
Pourtant, après examen, seules deux ont révélé des faits pouvant engager la responsabilité pénale de leurs auteurs. Ce taux extrêmement faible souligne un phénomène bien connu des magistrats financiers : la majorité des dénonciations reposent sur des soupçons infondés ou des divergences d’interprétation administrative.
En 2024, la Cour des Comptes a reçu 1.650 plaintes, dont seulement 14% ont débouché sur des missions d’audit ou des procédures de poursuite. Une proportion modeste, mais qui témoigne du sérieux du tri opéré par les juridictions financières.
Ces dernières ne se limitent pas à constater les irrégularités ; elles accompagnent aussi les institutions concernées dans la mise en œuvre de mesures correctives, avec un impact financier positif évalué à près de 140 millions de dirhams en 2024.
Une gouvernance publique en mutation
Au-delà des chiffres, le message porté par El Adaoui confirme que le contrôle ne doit pas être perçu comme une sanction, mais comme un levier de performance et de confiance. Pour que ce système gagne en efficacité, elle plaide pour l’adoption d’approches innovantes, capables de renforcer la coordination entre organes de contrôle et d’impliquer davantage les citoyens dans la préservation des deniers publics.
«Chaque citoyen doit devenir un acteur actif du système d’intégrité et de contrôle», a-t-elle insisté, soulignant que la culture de la reddition des comptes repose avant tout sur la conscience collective et la transparence institutionnelle.
La rencontre de Skhirat, organisée conjointement par la Présidence du Ministère public, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, la Cour des Comptes et l’Inspection générale des Finances, s’inscrit dans cette dynamique. Pendant deux jours, magistrats, auditeurs et responsables publics y ont discuté des synergies à renforcer entre contrôle judiciaire et administratif, mais aussi des voies d’amélioration pour une meilleure gouvernance financière.
À travers cette coopération interinstitutionnelle, le Maroc poursuit son objectif de faire du contrôle des fonds publics un pilier structurant de l’État de droit, garantissant que chaque dirham dépensé serve effectivement l’intérêt général.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO







