L’OMS compte beaucoup sur El Othmani le psychiatre
Le Maroc se trouve dans la moyenne mondiale avec 4,5% de la population atteinte de dépression, mais une enquête en 2006 a montré que 26% des Marocains ont au moins connu un épisode dépressif durant leur vie. Le budget dédié aux psychotropes, a considérablement évolué passant de 40 à 113 MDH en 2016.
Le phénomène doit être pris au sérieux: Pas moins de 1,5 million de Marocains souffrent de troubles dépressifs et les enfants n’en sont pas exempts. D’où l’importance d’être à l’écoute pour aider les personnes à risque de dépasser leur souffrance. C’est le fil conducteur de la conférence tenue hier, à Rabat, par le Centre d’information des Nations Unies et le bureau de l’OMS au Maroc dans le cadre de la Journée mondiale de la santé, célébrée le 7 avril de chaque année. «La dépression: parlons-en», c’est le slogan qui guide l’action de l’OMS sur toute l’année 2017, afin de combattre les préjugés et la stigmatisation dont souffrent les personnes atteintes de dépression et dont leur nombre dans le monde est aujourd’hui de 300 millions.
Depuis 2005, cette pathologie a augmenté à un rythme de 18%. Elle est aussi la première cause des 800.000 suicides par an dans le monde et la seconde cause de mortalité chez les 15-25 ans. Certes, le Maroc se trouve dans la moyenne mondiale (4,4%) avec 4,5% de la population atteinte de dépression, mais une enquête, menée en 2006, a montré que 26% des Marocains ont au moins connu un épisode dépressif durant leur vie. Un chiffre qui en dit long sur cette maladie souvent invisible, mais qui n’en est pas moins crainte par sa prévalence et son impact économique et social. À travers une campagne agressive qui en appelle à l’ouverture et la compréhension de la dépression à travers la discussion, l’OMS veut sensibiliser la société pour une meilleure prise en charge de la maladie. Avec un psychiatre à la tête du gouvernement en la personne de Saad Eddine EL Othmani, l’on attend beaucoup en termes de réalisation et d’accompagnement des personnes atteintes et celles à risque. Avant lui, Houcine El Ouardi, ministre de la Santé qui a gardé son poste, a montré la douleur en fermant Bouya Omar, ce lieu innommable où les malades mentaux ou présumés étaient séquestrés dans des conditions inhumaines (voir encadré). Selon Dr Yves Souteyrand, représentant de l’OMS au Maroc, la prise en charge de la santé mentale est un sujet de préoccupation même chez les pays développés, puisque 50% des personnes dépressives dans ces pays riches n’ont pas accès aux soins. Les femmes y sont confrontées plus que les hommes avec une prévalence de 5,1% contre 3,6%.
Au-delà de 55 ans la prévalence grimpe alors à 6,5%, souvent à cause de problèmes de santé aggravant, comme le diabète, l’hypertension et les problèmes de motricité. Et le responsable de conclure que le coût de la dépression dans le monde, estimé en perte de productivité et en absentéisme, est de 1.000 milliards de dollars par an. Un manque à gagner qui remet la santé mentale au devant de la scène pour une société plus productive.
En effet, un dollar investi dans la prise en charge de la dépression se traduit par un retour en investissement de 4 dollars. Pour Abderrahmane Maaroufi, directeur de l’Épidémiologie et de lutte contre les maladies, au ministère de la Santé, depuis 2012, le département a réalisé un virage intra-hospitalier en décentralisant le traitement de la maladie mentale et de la dépression. Aujourd’hui, 5 services sont fonctionnels et 5 autres en construction. Souvent, des médecins généralistes, au niveau des hôpitaux locaux, sont formés pour l’accueil et la prise en charge des malades mentaux et personnes souffrant de dépression.
Entre 2012 et 2016, le nombre des psychiatres a bondi de 61 à 290, avec 0,85 psychiatre pour 100.000 habitants, se rapprochant ainsi de la moyenne régionale qui est de 1 psychiatre. Même rythme d’évolution pour les infirmiers agissant dans les services psychiatriques, dont le nombre a augmenté de 472 à 1.003 durant la même période. Quant au budget dédié aux psychotropes, Maaroufi a affirmé qu’il a considérablement évolué, passant de 40 à 113 MDH en 2016, avec l’introduction des psychotropes de deuxième et troisième générations, ayant moins d’effets secondaires. Conclusion : des efforts considérables ont été consentis, mais en termes de perception de la société, le déficit est toujours présent. La sensibilisation doit entrer en jeu pour changer les mentalités vers une meilleure acceptation des personnes dépressives.
Bouya Omar : 558 malades toujours en traitement
Depuis la fermeture de Bouya Omar, grâce à l’opération baptisée Karama et le courage du ministre El Ouardi, 825 séquestrés ont été transférés dans les structures de psychiatrie adéquates. Selon les derniers chiffres du ministère de la Santé, 197 malades ont été récupérés par leurs familles, tandis que 558 sont toujours hospitalisés. En matière législative, le Maroc est parmi les rares pays qui ont mis en place une loi dédiée à la santé mentale, à travers la révision complète en 2015 du dahir de 1959. Le projet de loi est aujourd’hui au niveau du Parlement, érigé en priorité dans le programme législatif du gouvernement. Ce texte, définit les droits des malades mentaux ainsi que les règles et les normes d’un traitement de qualité et à visage humain. Par ailleurs, il est loisible de rappeler que la nouvelle loi 131.13, sur l’exercice de la médecine, donne la possibilité d’ouvrir des cliniques privées de psychiatrie.