Maroc

Carburant : statu quo à la pompe

Pas de baisse à la pompe en ce début d’août. En raison d’une stabilité relative du baril à l’international, les prix des carburants au Maroc restent inchangés. Une constance qui interroge, alors que le Conseil de la concurrence publie un rapport controversé sur le fonctionnement du marché. Dans un contexte de méfiance sociale croissante, les critiques se multiplient contre la libéralisation du secteur et l’absence de mécanismes de régulation efficaces.

Aucun changement de prix dans les stations-service ne se profile en ce début du mois d’août. Après une hausse de quelques centimes il y a une quinzaine de jours, les automobilistes devraient prendre leur mal en patience et s’attendre à une stagnation des prix à la pompe. Depuis plusieurs semaines, les prix du pétrole évoluent dans une relative stabilité sur les marchés internationaux.

Le baril de Brent, référence mondiale, s’échangeait autour de 68,44 dollars à la clôture du vendredi 26 juillet, son plus bas niveau depuis le 4 juillet. Une baisse contenue, nourrie par des craintes économiques liées au ralentissement simultané de la croissance aux États-Unis et en Chine, mais tempérée par les perspectives de relance commerciale transatlantique.

Dans ce contexte d’équilibre fragile, la situation au Maroc reste paradoxale. Malgré un environnement international plutôt favorable, la grogne sociale contre les prix à la pompe ne faiblit pas. Le dernier rapport du Conseil de la concurrence, censé éclairer l’opinion sur les pratiques du secteur, n’a fait qu’attiser les tensions.

Tensions persistantes
À l’origine de cette levée de boucliers, les conclusions jugées «décevantes» du rapport trimestriel du Conseil sur le suivi du marché marocain des hydrocarbures, rendu public un an après une amende transactionnelle infligée aux principaux distributeurs.

Pour les professionnels du secteur comme pour de nombreux observateurs, le document manque de clarté et d’ambition. Il est notamment reproché au Conseil de s’aventurer sur des terrains qui dépassent son périmètre légal, en intégrant des données relevant des douanes, de l’Office des changes ou encore du ministère de la Transition énergétique. Une démarche jugée confuse et d’autant plus risquée qu’elle implique la collecte d’informations commerciales sensibles auprès des opérateurs, au risque d’alimenter indirectement des ententes illicites. Autre grief de taille soumis par le Syndicat national du pétrole et du gaz, le refus du Conseil de nommer explicitement les neuf entreprises reconnues coupables d’atteinte à la concurrence.

Par ailleurs, une question centrale demeure sans réponse : les pratiques dénoncées persistent-elles, et, le cas échéant, pourquoi le Conseil n’enclenche-t-il pas une phase de sanctions renforcées comme le prévoit la loi ? Le débat prend une dimension plus politique lorsque l’on évoque l’origine structurelle de la flambée des prix, la suppression des subventions et la libéralisation des prix, décidées en 2015.

Selon le syndicat, cette réforme, engagée sans filet de sécurité social et sans outil de régulation, est à l’origine de la déconnexion persistante entre prix à l’international et tarifs à la pompe. Malgré des prix du baril divisés par deux entre 2014 et 2020, les marges bénéficiaires des distributeurs ont doublé, comme l’ont révélé, en 2016 et 2017, les résultats financiers de certaines sociétés cotées en bourse.

Une anomalie que le Conseil de la concurrence refuse de commenter directement, se contentant d’affirmer, par la voix de son président Ahmed Rahhou, que «les marges restent dans une proportion relativement modérées. Nous ne voyons pas matière à tirer des conclusions négatives. Aucun signal d’alerte ne justifie pour l’instant une réaction réglementaire».

Des perspectives incertaines
À l’échelle mondiale, la situation reste néanmoins contenue. Selon Mostafa Labrak, expert en énergie et directeur général d’Energysium Consulting, «la dernière quinzaine a été marquée par une stabilité des cours internationaux, traduite par une tendance inchangée sur le marché marocain. Cette accalmie serait en partie due à une offre abondante, les pays de l’Opep ayant volontairement accru leur production pour éviter une flambée durable. Mais tout pourrait changer si l’Opep décidait d’une nouvelle révision de ses quotas», tempère-t-il.

D’autres facteurs, cette fois géopolitiques, viennent également influencer les anticipations. Le nouvel accord-cadre commercial entre les États-Unis et l’Union européenne, annoncé par Donald Trump, prévoit l’imposition des droits de douane de 15% sur la majorité des produits européens, mais aussi l’achat par l’UE de 750 milliards de dollars d’énergie américaine sur les prochaines années.

Cette stratégie énergétique ambitieuse est perçue comme un soutien indirect mais massif à la demande mondiale de pétrole. Par ailleurs, l’annonce par le président américain d’un ultimatum plus court imposé à la Russie pour répondre aux exigences de Washington fait planer une incertitude géopolitique susceptible de peser à nouveau sur les marchés.

Ahmed Rahhou
Président du Conseil de la concurrence

«Les marges restent dans une proportion relativement modérée. Nous ne voyons pas matière à tirer des conclusions négatives. Aucun signal d’alerte ne justifie pour l’instant une réaction réglementaire.»

Mostafa Labrak
Expert en énergie

«La dernière quinzaine a été marquée par une stabilité des cours internationaux, traduite par une tendance inchangée sur le marché marocain. Cette accalmie serait en partie due à une offre abondante, les pays de l’Opep ayant volontairement accru leur production pour éviter une flambée durable. Mais tout pourrait changer si l’Opep décidait d’une nouvelle révision de ses quotas.»

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



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