Maroc

Perspectives économiques : l’emploi et le climat, les principaux défis du Maroc

Face à un ralentissement économique mondial historique, le Maroc affiche une résilience certaine mais doit urgemment affronter ses faiblesses structurelles : l’inadéquation emploi-démographie et la vulnérabilité climatique, sous peine de compromettre son développement futur. Détails.

Les dernières «Perspectives économiques mondiales» de la Banque mondiale, récemment publié, brossent un tableau sombre de l’économie globale, qualifié par Indermit Gill, économiste en chef du Groupe, de «moment de turbulence» nécessitant une «correction rapide de cap» sous peine de «dommages profonds» pour les niveaux de vie.

Dans ce contexte mondial dégradé, le Maroc fait face à des défis spécifiques tout en affichant une certaine résilience, selon l’analyse régionale Moyen-Orient et Afrique du Nord (MNA). C’est dans ce contexte que le rapport sonne l’alarme. La croissance mondiale devrait ralentir à 2,3% en 2025, son rythme le plus faible depuis 2008 hors récessions mondiales.

Ce ralentissement, attribué principalement à une «hausse substantielle des barrières commerciales» et aux «effets omniprésents d’un environnement mondial de politique incertain», touche près de 60% des économies en développement.

L’économiste en chef du groupe de la Banque mondiale souligne un déclin structurel inquiétant. «La croissance dans les économies en développement a diminué pendant trois décennies consécutives».

Les conséquences sont lourdes : la convergence des revenus avec les pays riches stagne, et la réduction de la pauvreté est menacée. La Banque mondiale prône trois priorités urgentes : reconstruire les relations commerciales (notamment via des accords profonds et l’OMC), restaurer l’ordre fiscal (mobilisation des recettes domestiques, rationalisation des subventions) et accélérer la création d’emplois (compétences, marchés du travail).

Résilience et vulnérabilités persistantes du Maroc
Le Maroc présente une résilience notable dans le contexte régional, marquée par une activité économique récente robuste et des perspectives de croissance stables, bien qu’en deçà de la moyenne des importateurs nets de pétrole de la région MENA.

Le rapport souligne un renforcement significatif de l’activité industrielle en 2024, particulièrement dans le secteur de la construction, accompagné d’une reprise soutenue de la demande intérieure. Une dynamique qui est attribuée en partie à la réduction des tensions politiques et à une stabilisation macroéconomique observée dans plusieurs économies régionales. Les projections actualisées de la Banque mondiale indiquent une croissance du PIB réel de 3,6% en 2025, suivie de 3,5% en 2026 et 3,6% en 2027, soit une trajectoire revue à la baisse par rapport aux estimations de janvier 2025.

Cette progression repose sur une hypothèse d’amélioration des conditions météorologiques permettant une reprise de la production agricole, mais comporte un point faible identifié : un affaiblissement anticipé de l’activité industrielle, reflétant notamment la baisse des prix des phosphates dans un contexte de demande externe atone.

Deux défis structurels critiques sont explicitement ciblés pour le Maroc. Premièrement, le défi démographique et de l’emploi, où le pays est cité parmi ceux dont la croissance annuelle moyenne projetée de la population en âge de travail dépasse systématiquement la création d’emplois moyenne enregistrée entre 2010 et 2019, créant ainsi une inadéquation pérenne aux implications sociales et économiques potentiellement sévères.

Deuxièmement, la vulnérabilité climatique, avec une exposition spécifique aux conditions de sécheresse susceptibles d’affecter gravement les économies dotées de grands secteurs agricoles, entraînant une détérioration des niveaux de vie et une augmentation de la pauvreté. Les équilibres macroéconomiques affichent également des tensions prévisibles. Le compte courant devrait voir son déficit s’élargir en 2025 sous l’effet de l’augmentation de la demande intérieure, tandis que la politique budgétaire est attendue en contraction, s’inscrivant dans une tendance régionale partagée avec des économies comme la Tunisie ou la Jordanie.

Risques prononcés pour l’avenir
Le rapport de la Banque mondiale identifie des risques majoritairement baissiers pour la région MENA, applicables intégralement au Maroc. Une intensification du protectionnisme commercial, notamment de la part de l’Europe – destination majeure des exportations marocaines –, couplée à une incertitude politique mondiale prolongée, pourrait freiner significativement l’investissement et l’activité exportatrice. Bien que l’impact direct des mesures tarifaires américaines soit jugé limité, les effets indirects liés à une contraction de la demande européenne constituent une menace substantielle pour les flux commerciaux régionaux.

Sur le front monétaire et financier, un resserrement inattendu des politiques globales pourrait exacerber le coût du service de la dette publique, déjà qualifié de «lourd» pour les importateurs de pétrole, et déclencher des sorties de capitaux volatiles. Le risque climatique, spécifiquement souligné pour le Maroc, se manifeste par la récurrence des sécheresses, menaçant directement les capacités agricoles et les niveaux de vie, avec des impacts potentiels sur la pauvreté et la sécurité alimentaire.

Par ailleurs, une ré-escalade des conflits régionaux, notamment dans le contexte palestinien, pourrait dégrader la confiance des acteurs économiques et perturber l’activité dans l’ensemble de la région, affectant les chaînes logistiques et les flux d’investissement. Des facteurs combinés qui créent un environnement incertain où des chocs externes pourraient amplifier les vulnérabilités structurelles préexistantes du Maroc, notamment sa dépendance aux capitaux étrangers et sa sensibilité aux aléas géopolitiques.

Une reprise fragile sous tension dans la région
Selon la Banque mondiale, la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MNA) devrait voir sa croissance s’accélérer modestement, passant à 2,7% en 2025 puis 3,9% en moyenne en 2026-27. Cette progression repose essentiellement sur l’expansion de l’activité pétrolière chez les exportateurs, compensant une demande externe et des prix pétroliers en baisse.

Pour les importateurs nets de pétrole, dont le Maroc, une reprise est aussi attendue, tirée par une «stabilisation supposée des conflits armés» et un «recul des pressions inflationnistes».

Cependant, les prévisions pour 2025 et 2026 ont été significativement revues à la baisse (-0,7 et -0,4 point respectivement) en raison de «l’impact des restrictions et incertitudes commerciales accrues sur l’investissement et l’activité exportatrice». Le rapport insiste sur un défi majeur pour toute la région.

«Des perspectives de croissance plus faibles exacerberont le défi imminent de l’emploi», incapable de suivre le rythme de «l’expansion rapide des populations en âge de travailler».

Stabilité relative, défis structurels et urgence d’agir

Si le Maroc affiche une certaine résistance immédiate et des perspectives de croissance stables dans un environnement mondial difficile, le rapport de la Banque mondiale met en lumière des vulnérabilités profondes. La dépendance à une agriculture vulnérable au climat, le décalage persistant entre création d’emplois et croissance démographique, et l’exposition aux aléas du commerce international et de la finance globale constituent des défis majeurs pour une prospérité inclusive et durable.

Comme le conclut la Banque mondiale, ce «moment offre une chance de réinitialiser l’agenda», soulignant l’impérieuse nécessité pour le Maroc de poursuivre les réformes structurelles visant la diversification économique, le renforcement de la résilience climatique, l’amélioration de l’environnement des affaires et l’investissement massif dans le capital humain et la création d’emplois productifs.

Disons que la «correction de cap» préconisée au niveau global trouve un écho crucial dans les priorités nationales marocaines.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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