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ZLECAf : le Maroc identifie les points de choc avant la ratification

L’intégration du Maroc dans la ZLECAf n’aura pas que des avantages. Elle risque même de provoquer quelques secousses. Lesquelles ? L’étude réalisée par la Direction des études et des prévisions financières (DEPF) livre ses conclusions.

«Tous les scénarios sont positifs pour le Maroc !». C’est ce que révèle l’étude d’évaluation d’impact sur son économie, de l’intégration du Maroc dans la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Vu l’importance des enjeux, l’initiative a fait l’objet d’un projet de recherche visant à évaluer l’impact que pourrait avoir une telle décision. Bien sûr qu’une intégration du Maroc dans la ZLECAf va donner lieu à des réformes, qui vont certainement provoquer des secousses.

Mais l’étude réalisée conjointement par la Direction des études et des prévisions financières (DEPF) et l’International Food Policy Research Institute (IFPRI) avec le soutien financier de l’Agence française de développement (AFD), dit qu’elles seront « d’une ampleur limitée». « Si ces chocs sont positifs pour l’économie marocaine, c’est principalement parce que ces réformes donnent une impulsion positive plus forte sur les exportations marocaines de biens que sur les importations ». Et d’ajouter : « Ces réformes sont donc positives pour l’activité. Mais ils sont d’une ampleur limitée car ils ne concernent directement que l’agroalimentaire et l’industrie, pas les services ». D’autant plus que « l’Afrique n’est pas, de loin, le partenaire commercial le plus important du Maroc ». En effet, selon la Banque africaine de développement (BAD), les échanges intra-africains sont estimés actuellement à près de 16%, alors qu’ils représentent plus de 60% sur les continents asiatique et européen.

Suivre de près les Mesures Non Tarifaires et les clauses de produits sensible
Trois conclusions importantes apparaissent à l’issue de cette étude. Premièrement, la seule partie tarifaire de l’accord ZLECAF, dans sa forme actuelle, aura un impact macroéconomique faible mais positif sur le Maroc. Cela va être possible grâce aux clauses des produits sensibles et des produits exclus, qui vont réduire les effets positifs de l’accord. Deuxièmement, si l’accord de la ZLECAf inclut une réduction ambitieuse des coûts liés aux Mesures non tarifaires (MNTs), par exemple de 50 %, l’impact de l’accord commercial continental sur le Maroc sera plus conséquent : hausse significative du PIB (+0,3%), du revenu réel des ménages marocains (+0,6%) ; hausse des exportations totales marocaines en volume (+2,3%), hausse de la rémunération du travail non qualifié (+0,3%), du travail qualifié (+0,5%) et du capital (+0,6%).

Troisièmement, si une libéralisation tarifaire dans le cadre de la ZLECAf bénéficie surtout à l’industrie alimentaire et au secteur de l’élevage, ajouter une réduction ambitieuse des mesures non tarifaires serait significativement profitable à l’activité dans l’industrie en général, indique la DEPF. Rappelons que les mesures non tarifaires sont intégrées dans la ZLECAf dans le cadre du protocole sur les biens, notamment l’Annexe 5 qui définit les modalités pratiques d’opérationnalisation, en particulier les institutions à mettre en place. Dans le cadre de ce travail des équivalents ad valorem ont été calculés dans la mesure où les différentes mesures non tarifaires ne peuvent être directement comparées entre elles ou avec d’autres barrières commerciales comme les tarifs. D’un autre côté, des estimations économétriques ont permis d’estimer des équivalents advalorem et ceux-ci ont été intégrés dans le modèle sous forme de coûts additionnels pour les exportateurs et non comme un droit de douane fictif au niveau de l’importateur.

2 scénarios sur 6 mis en avant
En tout, le rapport complet de l’étude contient six scénarios. Conformément au calendrier de l’accord, en plus du scénario de référence, la note mise à notre disposition met en exergue deux trames : Scénario 1, celui du ZLECAF intégrale (ZLECAF 0%), sans produits sensibles et exclus. Ce scénario d’élimination totale des droits de douane (sans produits sensibles et exclus) permet d’étudier quel est l‘impact de la clause des produits sensibles et des produits exclus. Il représente ainsi le maximum de gain que l’on devrait observer en l’absence de clause d’exclusion. Le scénario 2. Celui d’un accord avec réduction des mesures non tarifaires de 50% (ZLECAf-MNTs 50%). Il s’agit du vrai scénario calé sur le calendrier de l’accord avec une élimination des droits de douane entre pays africains sur 90% des lignes tarifaires entre 2021 et 2025, suivie d’une libéralisation de 7% des lignes correspondant aux produits sensibles entre 2026 et 2030. En outre, dans ce scénario, il est supposé que les négociations sur les mesures non tarifaires aboutissent à une réduction de 50% de ces entraves au commerce de marchandises entre pays africains.

Les produits sensibles et exclus par le Maroc
La clause des produits exclus implique que les exportateurs de tous les pays africains ne bénéficient pas pleinement de la libéralisation du fait du choix des gouvernements de ne pas ouvrir certains secteurs de leur économie. En ce qui est des produits sensibles et exclus, le choix des produits exclus est fait selon un critère d’économie politique du protectionnisme. Ce critère permet d’exclure de l’accord ZLECAf les produits représentant soit 3% des lignes tarifaires, soit 10% du commerce de manière à minimiser le changement dans la variance des tarifs. À ce titre, dans la liste des produits exclus par le Maroc dans l’accord ZLECAf, l’on remarque la présence de fruits, de produits alimentaires semi-transformés ou transformés, de charbon, de produits des industries de l’habillement et des véhicules. Dans le détail, les fruits, bananes (y compris plantains), fraîches ou sèches, les avocats frais ou secs, les farines de froment (blé) ou de méteil, les sardines en conserves ordinaires en boîtes, les thons, listaos et bonites, les vins en récipients d’une contenance n’excédant pas 2 litres:  le tabac partiellement ou totalement écotés; la houille bitumineuse et les autres houilles; les articles de friperie et les véhicules; moteur à piston à allumage par compression (diesel ou semi-diesel) pour le transport de marchandises  (d’un PTAC n’excédant pas 5 tonnes). Les simulations montrent que la valeur des exportations marocaines dans les secteurs qui figurent dans les listes de produits sensibles de chaque pays africain peut être significativement réduite. Mais d’un autre côté, cette clause peut freiner l’expansion des exportations marocaines dans le secteur des véhicules, celui des produits chimiques, des métaux et de produits agro-alimentaires.

ZLECAf : où en sommes-nous ?

Au 30 septembre dernier, 38 pays avaient ratifié l’accord. Les pays dans l’attente du processus de ratification sont, entre autres, le Bénin, Madagascar, le Maroc, le Mozambique et la République démocratique du Congo (RDC). Si la ZLECAf est devenue opérationnelle en janvier 2021, les négociations sur les règles d’origine sont toujours en cours pour la phase 1. Selon le Secrétariat de l’organisation, les pays membres se sont mis d’accord sur près de 90 % des règles d’origine. Les questions en suspens concernent les produits laitiers, l’automobile, l’habillement et les textiles, le sucre et les huiles alimentaires. Il faut dire que ces négociations s’avèrent difficiles et longues dans la mesure où les mesures non tarifaires sont hétérogènes, allant des réglementations sur l’inspection avant expédition de la cargaison aux mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et aux règles d’origine liées à la mise en œuvre d’un accord de libre-échange. La mise en œuvre de la ZLECAf est également en cours pour les services. Mais elles sont en retard, comme pour la mise en œuvre de l’accord sur les marchandises. Cinq secteurs prioritaires ont été définis qui sont les transports, les communications, le tourisme, les services financiers et les services aux entreprises. À ce jour, 34 pays ont déjà soumis leurs offres initiales sur le commerce des services. Concernant les phases II et III, concernant respectivement l’investissement, la politique de la concurrence et les droits de propriété. Ainsi que le e-commerce, le sommet de Johannesburg de décembre 2020 a exhorté les ministres du commerce à conclure toutes les négociations avant le 31 décembre 2021.

Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO


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