Finances publiques : un déficit budgétaire en forte hausse malgré une conjoncture favorable

À fin septembre 2025, le déficit budgétaire du Maroc s’est creusé à 52,8 milliards de dirhams, selon la dernière Situation des charges et ressources du Trésor. Une envolée qui intervient dans un contexte de croissance économique soutenue, portée par la reprise de la demande intérieure et des secteurs clés, mais freinée par une accélération des dépenses publiques bien plus rapide que celle des recettes.
Le déficit budgétaire du Maroc s’est nettement creusé pour s’établir à 52,8 milliards de dirhams (MMDH) à fin septembre 2025, contre 35,6 milliards un an auparavant. Cette détérioration, révélée par la plus récente Situation des charges et ressources du Trésor (SCRT), s’explique par un écart croissant entre des recettes dynamiques mais insuffisantes face à la hausse soutenue des dépenses publiques. En neuf mois, les recettes ont progressé de 33,3 MMDH, tandis que les dépenses ont bondi de 50,5 milliards.
Pourtant, ce déséquilibre survient dans un contexte macroéconomique favorable. L’activité économique a affiché une croissance robuste, atteignant 5,5% au second semestre après un premier trimestre à 4,8%. Cette dynamique a été portée par la vigueur de la demande intérieure et la résilience de secteurs stratégiques tels que l’agriculture, le BTP et le tourisme. Mais cette reprise s’accompagne d’un effort budgétaire considérable, notamment en matière de fonctionnement de l’État et de service de la dette.
Du côté des recettes fiscales, les performances sont remarquables. Elles ont atteint 258,1 MMDH, en hausse de 15,2% sur un an. L’impôt sur les sociétés a connu une envolée de près de 31%, grâce à une forte hausse du complément de régularisation et à de bons résultats des acomptes provisionnels.
L’impôt sur le revenu a lui aussi progressé de manière notable (+16,8%), soutenu par la régularisation fiscale volontaire de janvier et une intensification de l’action de l’administration fiscale. La TVA a gagné 5,3 MMDH, portée à la fois par les hausses à l’importation et à l’intérieur. Les taxes intérieures de consommation, notamment sur les produits énergétiques et le tabac, ont également contribué à cette embellie. À l’inverse, les recettes non fiscales ont légèrement reculé, atteignant 33,5 milliards, soit une baisse de 1,9%.
Sur le plan des dépenses, l’État a fortement accru ses engagements. Les dépenses ordinaires ont atteint 266,2 MMDH, avec une hausse marquée des achats de biens et services (+34 milliards) et des intérêts de la dette (+6,7 milliards). Seule accalmie budgétaire : les charges de compensation, qui ont chuté de 26% grâce à la baisse des subventions sur le gaz butane, le sucre et la farine, et à la fin de l’aide octroyée aux professionnels du transport routier.
Malgré ces tensions, le solde ordinaire reste excédentaire, à hauteur de 29 MMDH, mais en repli par rapport à l’an passé. Les dépenses d’investissement ont, quant à elles, atteint 73 milliards, en hausse de 2,3 milliards, traduisant une poursuite des efforts d’équipement et d’infrastructure. Leur taux de réalisation (69,2%) confirme une exécution soutenue de la Loi de finances.
Trésor : un besoin de financement croissant
Les comptes spéciaux du Trésor, qui affichaient un excédent de 3,9 MMDH en 2024, présentent désormais un déficit de 8,7 milliards. Cette évolution pèse sur le solde global du Trésor, aggravant le besoin de financement, qui s’élève à 71,7 milliards à fin septembre, soit presque le double de l’année précédente.
Pour couvrir ce besoin, le Trésor a mobilisé 31,1 MMDH sur le marché domestique. Il a également eu recours à l’emprunt extérieur, pour un montant net de 34,2 milliards, dont 20,9 levés directement sur les marchés financiers internationaux.
Au total, l’endettement intérieur a représenté 124,5 milliards en souscriptions, contre 93,4 en remboursements, tandis que les tirages extérieurs ont atteint 42,8 MMDH, pour 8,6 milliards d’amortissements. Ce creusement du déficit illustre les tensions auxquelles les finances publiques restent exposées, malgré la dynamique de reprise économique.
S.N. / Les Inspirations ÉCO