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Véhicules en crédit-bail : les pièges fiscaux à éviter

La circulaire n°736, publiée par la DGI, encadre strictement le traitement fiscal des véhicules en crédit-bail. Alors que la LF 2025 relève le plafond de déduction, son application exige une méthodologie précise pour éviter les erreurs déclaratives. Décryptage des obligations et des risques.

Attention aux nids-de-poule fiscaux !
Derrière le relèvement du plafond de déduction fiscale relatif aux véhicules de transport de personnes en crédit-bail se cache une méthodologie stricte et une logique de contrôle renforcé. Les entreprises gagneraient à lire entre les lignes.

La publication de la note circulaire n°736 par la Direction générale des impôts (DGI) marque un tournant dans le traitement fiscal de ces véhicules. Alors que la Loi de finances (LF) 2025 relève le plafond de déduction des amortissements de 300.000 à 400.000 DH TTC, la circulaire impose une méthodologie stricte pour le calcul des réintégrations extra-comptables qui attire l’attention de plus d’un.

Pour Lhaj Boulanouar, expert-comptable et commissaire aux comptes, cette clarification est «essentielle à vérifier avant de valider votre résultat fiscal 2024», souligne-t-il dans une publication. Et ce, malgré une entrée en vigueur théorique au 1er janvier 2025. Décryptage.

Un relèvement de plafond sous conditions
La Loi de finances 2025 a introduit une modification substantielle à l’article 10-I-2° du Code général des impôts (CGI), en rehaussant le plafond de déduction des amortissements applicables aux véhicules de transport de personnes de 300.000 DH TTC à 400.000 DH TTC. Cette réforme, entrée en vigueur le 1er janvier 2025, vise à aligner les règles fiscales sur l’inflation et à réduire la charge fiscale pour les entreprises utilisant des véhicules haut de gamme.

Toutefois, son application aux contrats de crédit-bail a immédiatement soulevé des interrogations pratiques. En effet, avant la publication de la circulaire n°736, l’interprétation des seuils générait des divergences, notamment sur la distinction entre prix d’acquisition et montant des redevances. La note circulaire n°717, antérieure à la LF 2025, avait certes clarifié que la limitation devait s’apprécier sur la base du prix hors-taxe (HT) du véhicule, et non sur les redevances versées.

Néanmoins, des interprétations erronées, amplifiées par des publications sur les réseaux sociaux, persistaient. Certains acteurs assimilaient incorrectement le plafond de 400.000 DH TTC à une base HT, tandis que d’autres négligeaient l’impact de la TVA non déductible dans le calcul des réintégrations. Une confusion qui risquait de conduire à des sous-estimations de la part non déductible des redevances, exposant les entreprises à des redressements fiscaux.

La circulaire n°736 intervient donc pour unifier les pratiques, en rappelant que le seuil HT (333.333,33 DH) doit servir de référence pour l’amortissement déductible, tandis que la TVA associée à la part excédentaire doit être réintégrée. Ce cadre strict met fin aux ambiguïtés et renforce la sécurité juridique des contribuables concernés.

Méthodologie de calcul en trois étapes
La circulaire n°736 instaure une méthode standardisée en trois phases pour isoler la part non déductible des redevances de crédit-bail, combinant amortissement théorique, plafond légal et ajustement TVA.

Premièrement, l’amortissement théorique est calculé sur la base du prix d’acquisition hors-taxe (HT) du véhicule, selon un taux linéaire de 20 %, proratisé à la durée effective d’utilisation durant l’exercice. Par exemple, pour un véhicule acquis à 600.000 DH HT, l’amortissement annuel théorique s’élève à 120.000 DH (600 000 x 20 %). Sur une période de 10 mois, ce montant est ajusté à 100.000 DH (120.000 x 10/12).

Deuxièmement, l’amortissement déductible est déterminé en appliquant le même taux de 20%, mais sur le plafond HT de 333.333,33 DH (équivalent au nouveau seuil de 400.000 DH TTC, divisé par 1,2 pour retirer la TVA). Ce qui génère un amortissement annuel de 66.666,67 DH (333.333,33 x 20%), réduit à 55.555,55 DH après proratisation pour 10 mois.

Enfin, la part non déductible des redevances est obtenue en soustrayant l’amortissement déductible de l’amortissement théorique (100.000 – 55.555,55 = 44.444,45 DH), puis en majorant ce résultat de 20% pour intégrer la TVA non récupérable, conformément à l’article 106 du CGI.

Ainsi, la réintégration finale atteint 53.333,34 DH (44.444,45 x 1,2). Cette approche a l’avantage de garantir que les entreprises ne déduisent ni l’excédent d’amortissement lié au dépassement du plafond, ni la TVA afférente à cet excédent, alignant la fiscalité sur l’esprit de la LF 2025.

Points d’attention critiques : les pièges à éviter
La mise en œuvre de la circulaire n°736 exige une vigilance accrue sur trois écueils majeurs, souvent sources d’erreurs dans les déclarations fiscales.

Premièrement, le seuil de 400.000 DH TTC mentionné dans la LF 2025 ne doit pas être utilisé directement dans les calculs : il doit impérativement être converti en hors taxe (HT), soit 333.333,33 DH (400.000 / 1,2), avant d’appliquer le taux d’amortissement de 20%.

La DGI rappelle à cet égard que «la limitation est basée sur le prix d’acquisition du véhicule, non sur les redevances», ce qui exclut toute référence au montant des loyers versés.

Deuxièmement, si la LF 2025 ne s’applique juridiquement qu’aux contrats conclus à partir du 1er janvier 2025, Lhaj Boulanouar recommande néanmoins une anticipation prudente : «Par prudence, appliquez cette méthodologie dès la déclaration 2024».

Cette position s’inscrit dans un contexte où l’administration fiscale pourrait considérer une interprétation extensive de la réforme, arguant que la modification du plafond ne remet pas en cause les principes de l’article 10-I-2° du CGI, mais les actualise simplement. Enfin, l’impact de la TVA non déductible, souvent sous-estimé, alourdit significativement la charge à réintégrer.

L’article 106 du CGI interdit en effet la déduction de la TVA sur les véhicules de tourisme, ce qui justifie la majoration de 20% du montant HT non déductible lors de la dernière étape du calcul. Une entreprise négligeant cette règle risquerait ainsi de minorer sa réintégration de 20%, s’exposant à un redressement proportionnel. Ainsi, ces trois points cristallisent les risques opérationnels et juridiques liés à la réforme, nécessitant une rigueur absolue dans l’application des ratios et la lecture des bases HT/TTC.

Les stratégies à adopter par les entreprises
Disons que la circulaire n°736 impose aux entreprises une révision proactive de leur gestion fiscale, articulée autour de trois axes stratégiques. D’une part, les contrats de crédit-bail en cours doivent être audités de manière rétroactive : si le prix HT du véhicule excède 250.000 DH (ancien plafond HT, calculé comme 300.000 DH TTC / 1,2), la méthode de la circulaire n°736 pourrait être appliquée a posteriori, générant des réintégrations extra-comptables pour les exercices antérieurs. Une telle vérification serait cruciale pour les véhicules acquis entre 2022 et 2024, dont le prix HT dépasse ce seuil.

D’autre part, pour les nouveaux contrats conclus à partir de 2025, l’optimisation passe par le choix de véhicules dont le prix TTC n’excède pas 400.000 DH, permettant une déduction intégrale des redevances sans calcul de réintégration.

Au-delà de ce plafond, les entreprises doivent anticiper une réintégration systématique, intégrant à la fois l’excédent d’amortissement et la TVA non déductible, ce qui renforce l’importance d’une analyse coût-bénéfice en amont de l’acquisition.

Enfin, la vigilance déclarative devient un impératif opérationnel. Les services comptables doivent impérativement actualiser leurs outils de calcul pour automatiser la conversion TTC/HT (400.000 DH TTC = 333.333,33 DH HT) et appliquer le coefficient de majoration de 20% à la part non déductible.

Les erreurs manuelles, fréquentes sur ces ajustements, peuvent être mitigées par la digitalisation des processus, réduisant ainsi le risque de contentieux fiscal. Disons que ces stratégies, combinées à une formation ciblée des équipes, permettraient aux entreprises de transformer une contrainte réglementaire en levier de maîtrise fiscale.

Prudence et conformité proactive
Tout en reconnaissant le rôle unificateur de la circulaire n°736 pour «harmoniser l’application des dispositions fiscales», plusieurs analystes contactés émettent des réserves pratiques qui appellent à une vigilance accrue des entreprises. Ils soulignent que si le texte législatif fixe officiellement l’entrée en vigueur de la réforme au 1er janvier 2025, une interprétation dynamique de l’administration fiscale pourrait conduire à une application anticipée, y compris pour les déclarations relatives à l’exercice 2024.

En effet, certains pourraient dire que l’approche s’applique à partir de 2025, mais, en pratique, l’administration pourrait exiger son application immédiate, rappelant que le relèvement du plafond ne modifie pas le fond de l’article 10-I-2° du CGI, mais en ajuste simplement le montant. Une subtilité juridique qui ouvre la porte à une exigence de conformité rétroactive, notamment pour les véhicules dont le prix HT était déjà supérieur à l’ancien plafond (250.000 DH).

Concrètement, les risques encourus en cas de négligence ne sont pas à négliger. En effet, la non-réintégration correcte expose à un rehaussement du résultat fiscal et à des pénalités, pouvant affecter la trésorerie des entreprises.

Par conséquent, appliquer dès maintenant la méthodologie de la circulaire n°736, y compris pour les exercices 2023 et 2024, serait pertinent, dans l’optique de neutraliser tout litige potentiel. Cette approche proactive, combinée à une documentation rigoureuse des calculs, constitue un rempart contre les aléas interprétatifs d’une administration fiscale en quête de sécurisation des recettes.

Un alignement fiscal aux conséquences pratiques

La circulaire n°736 clarifie un point technique, mais fondamental pour les entreprises, utilisant des véhicules en crédit-bail. En combinant un relèvement de plafond et une méthodologie rigoureuse, la DGI renforce la sécurité juridique tout en resserrant le contrôle.

Pour les experts-comptables et comptables, l’enjeu est désormais d’intégrer ces règles et de sensibiliser les clients, notamment sur la conversion HT/TTC et la majoration TVA.

Dans un contexte économique marqué par l’inflation des coûts de transport, cette réforme offre un soulagement partiel, mais exige une rigueur accrue dans les déclarations.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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