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Politiques publiques. Pauvre classe moyenne !

Une définition réaliste et complète de la classe moyenne s’impose. Elle doit prendre en considération le pouvoir d’achat des citoyens et non leur revenu. Des mesures doivent être dédiées à la classe moyenne qui demeure la laissée-pour-compte des politiques publiques. Retour sur les grandes recommandations du cinquième Forum parlementaire de la justice sociale…

La réflexion sur l’élargissement et le renforcement de la classe moyenne s’impose dans le débat sur la révision du modèle de développement. Son rôle est en effet déterminant dans la préservation de la paix sociale et le développement économique. En dépit de son importance, elle demeure le parent pauvre des politiques publiques, comme l’a souligné Ahmed Reda Chami, président du Conseil économique, social et environnement, hier à la Chambre des conseillers, lors de la cinquième édition du forum parlementaire de la justice sociale dont les travaux ont été axés sur ce dossier. Les différentes stratégies lancées au cours des dernières années sont en grande partie orientées vers les classes pauvres et vulnérables.

Pour redresser les dysfonctionnements, il s’avère nécessaire, en premier lieu, de mettre en place des critères précis pour définir ce qu’est la classe moyenne en vue d’élaborer des mesures d’accompagnement pertinentes. C’est le premier préalable à assurer, selon nombre d’intervenants. Le président du CESE estime que l’élaboration de cette définition relève de la responsabilité des différentes institutions nationales. Toutes les parties concernées doivent se mettre d’accord pour donner une vision claire sur la classe moyenne au Maroc. La définition du Haut-commissariat au plan, rappelons-le, avait suscité des critiques acerbes de la part d’experts comme de partenaires sociaux.

Pour le HCP, cette classe est passée de 53% en 2007 à 58,7% en 2014. Le calcul est largement basé sur le revenu des ménages (oscillant entre 2.800 DH et 6.736 DH). Or, le revenu ne doit pas être le principal critère pour définir cette catégorie. Il faut plutôt prendre en considération le pouvoir d’achat dans un environnement marqué par la défaillance des services publics de base.

De nombreuses contraintes
Ainsi, toute définition basée essentiellement sur le revenu est biaisée. La formule doit inclure nombre de critères, selon Reda Chami: le pouvoir de consommer, d’épargner, de pratiquer des loisirs…

Le CESE a mis le doigt sur plusieurs contraintes auxquelles fait face la classe moyenne, à commencer par la mise en œuvre des lois en matière de protection du consommateur, comme en atteste le mouvement de boycott en 2018. À cela s’ajoute la polarisation des services sociaux de base.

Le pouvoir d’achat de la classe moyenne ne cesse en effet de s’effriter à cause du recours au secteur privé, notamment en matière d’éducation des enfants et de santé. Il faut aussi prendre en considération le volet de la sécurité sociale dont la réforme se fait toujours atteindre. La classe moyenne au Maroc a de plus en plus de difficultés à émerger et est contrainte de recourir à l’endettement. Aussi faut-il développer et améliorer la qualité des services publics de base pour alléger les dépenses de la classe moyenne.

Le poids de la fiscalité pèse aussi lourdement sur la classe moyenne alors que le besoin d’asseoir un équilibre fiscal et de mettre en place des impôts prenant en considération le pouvoir d’achat de cette catégorie se fait sentir. Le Conseil économique, social et environnemental propose de mettre en place un impôt sur la famille et non sur l’individu.

Afin de limiter l’exode rural et d’alléger la pression sur le milieu urbain, les centres ruraux doivent devenir des pôles de développement économique. Il faut aussi encourager l’innovation et la créativité culturelle, artistique et sportive en tant que leviers de développement. S’ajoute à cela la nécessité d’élargir le spectre du dialogue social pour inclure d’autres questions comme celle de la formation. La promotion de l’autonomie économique des femmes est aussi une condition sine qua non pour augmenter le revenu des ménages et élargir l’assiette de la classe moyenne.

Un minimum de 10.000 DH
Le Maroc gagnerait à prendre en considération les conclusions des études émanant des institutions nationales et internationales. La Banque mondiale, à titre d’exemple, souligne qu’il est considéré qu’un ménage accède à la classe moyenne à partir d’un revenu par personne de 10 dollars par jour, soit 1.200 dollars par mois pour une famille de quatre. Pour cette institution nationale, le seuil d’accès à la classe moyenne se situerait à environ 5.500 DH par mois pour un ménage marocain. À ce seuil, environ 25% de la population marocaine ferait actuellement partie de la classe moyenne.

Néanmoins, «l’hypothèse de l’émergence d’une classe moyenne qui représenterait 25% de la population au Maroc est sujette à caution, notamment en raison de facteurs comme la cherté de la vie et la qualité des services publics», selon le mémorandum de la Banque mondiale sur le Maroc à l’horizon 2040. Ainsi, une mesure alternative de la classe moyenne prenant en compte les services publics effectivement rendus à la population tendrait à élever significativement le seuil d’accès à la classe moyenne. Il semble raisonnable de considérer qu’un ménage appartient à la classe moyenne lorsqu’il satisfait trois marqueurs sociaux: la capacité d’acquérir un logement qui ne soit pas un logement social, la capacité d’acheter une voiture d’entrée de gamme et la capacité de scolariser ses enfants dans une école privée, compte tenu de la perception négative de l’école publique. Les simulations réalisées à partir de ces trois postes de dépenses conduisent à un budget minimum de 10.000 DH par mois pour une famille de quatre personnes afin de pouvoir accéder à la classe moyenne. En retenant ce seuil, seuls 15% des ménages marocains feraient partie de la classe moyenne ou aisée, soit environ 5 millions d’habitants.


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