Entreprises, les oubliées de l’assurance auto
Si les particuliers sont chouchoutés par la Fédération marocaine des sociétés d’assurance et de réassurance (FMSAR), ce n’est pas le cas des entreprises et des professionnels. En effet, suite à la décision de la fédération des assureurs de rendre public, le 12 mai, à travers un communiqué assurant que l’ensemble de ses membres ont décidé de faire bénéficier leurs clients disposant d’une assurance automobile d’un rabais de prime, ledit rabais. Ce dernier pourrait atteindre, pour un contrat annuel, 30% de la portion de prime RC automobile et garanties annexes couvrant les deux mois de confinement. Ainsi, dans une communication officielle, la Fédération des métiers de la distribution des produits de grande consommation, Tijara 2020, loue cette décision pour ses effets positifs dans un contexte inédit de crise socio-économique tributaire au Covid-19.
Appel à la généralisation
Toutefois, la fédération estime que «cette décision devra être étendue au secteur professionnel». La Fédération explique dans ce sens que plusieurs entreprises ont été affectées par la crise du Covid-19, notamment le secteur de la distribution dont le recours aux moyens logistiques est notoire. Sachant que la FMSAR a annoncé que la réduction de prime correspond à un réajustement exceptionnel induit par la baisse de la sinistralité relative à la période du confinement, Tijara 2020 explique de son côté qu’«une quasi-immobilisation des moyens de locomotion des membres de la fédération, une baisse de leur activité avoisinant parfois un taux de 50% ainsi qu’une baisse considérable des accidents de la route et de la sinistralité, au global, motivent cette requête légitime». De ce fait, Tijara 2020 plaide pour une application immédiate de cette réduction selon plusieurs modalités. La fédération informe par ailleurs qu’elle étudiera les différents scénarios y compris avec la FMSAR et ceci sous formes de ristournes, réductions ou autres modalités à définir d’un commun accord.
Wajih Sbihi.
Président de Tijara 2020
“Il est impératif d’avoir une équité pour la prise en charge de notre activité”
Que pensez-vous des nouvelles mesures annoncées par la FMSAR ?
Le communiqué de la FMSAR reflète la sensibilité des assureurs à la période du confinement que notre pays vit en ce moment en octroyant un rabais de 30% par rapport à la portion de la prime de la responsabilité civile automobile et de la garantie des annexes courant durant les deux mois de confinement. C’est une décision extrêmement louable mais que nous estimons incomplète. Elle est louable dans la mesure où elle porte sur le particulier et elle est incomplète car elle n’inclut pas les entreprises.
Comment les entreprises adhérentes à Tijara 2020 sont-elles impactées ?
Nous avons analysé la situation actuelle des entreprises et nous souhaitons partager dans ce sens plusieurs messages. Aujourd’hui, le contexte de confinement que tout le monde vit est traduit à travers les constats faits, attestés par de multiples impacts. Il y a lieu de noter que cette conjoncture est caractérisée par une quasi immobilisation du parc automobile au niveau national. Concernant notre Fédération Tijara 2020, nous constatons une chute du taux de service qui dépasse les 35%, ce qui est énorme. Ceci engendre une baisse significative des taux de sinistralité. Dans ce sens, nous aurions préféré que cette baisse se fasse en temps normal et non suite aux conséquences d’un évènement comme le Covid-19. Le dernier élément d’impact sur les entreprises qui se manifeste par des centaines de milliers de cas réside dans l’arrêt de leur activité. Selon la Fédération Tijara 2020, il faut croiser un autre indicateur économique, à savoir la facture du carburant qui a connu une réduction drastique. Cette dernière a vécu un double effet ciseau sur les entreprises: la baisse du prix à la pompe ainsi que la diminution du taux de service. Aujourd’hui, tous les indicateurs sont là pour démontrer que nous sommes également impactés par cette crise sanitaire, surtout au niveau des activités logistiques et de distribution chez nos membres.
Quelles sont donc vos revendications ?
D’abord, nous avons une double question : pourquoi les assureurs ont seulement mis en place des mesures pour les particuliers, ceci malgré le fait que nous encourageons cela et pourquoi nous autres professionnels, qu’ils s’agissent de notre Fédération ou toute autre activité liée à la distribution et logistique, ne sommes-nous pas concernés par ces mesures ? Pour ces différents opérateurs, le taux d’activité a baissé considérablement, le taux de sinistralité aussi par conséquent. Ceci est attesté par des arrêts d’emplois ainsi qu’une tendance baissière importante des lignes de services. La question qui se pose ou plutôt qui s’impose est pourquoi le traitement n’a pas été fait à l’image de celui acté pour les particuliers ? Dans cette perspective, je présume que les 30% proposés par la FMSAR sont une conséquence de plusieurs calculs et estimations. Maintenant, ce pourcentage peut être tout à fait applicable aux professionnels, ce qui serait logique. Nous demandons ainsi un alignement des décisions prises au profit des particuliers aux entreprises. Il est impératif d’avoir une équité incluant dans sa logique la prise en charge de notre activité. Par ailleurs, nous souhaitons avoir plus de clarté par rapport à la procédure de l’obtention de ce rabais. Est-ce que ce dernier se fera à travers une réduction ou une ristourne au moment du renouvellement des assurances ? Les choses doivent être claires dans ce sens. Nous pensons qu’il faudrait structurer les procédures afin qu’elles soient les plus claires possible. Nous avons une expérience dans le domaine de l’assurance lié au transport maritime et aux AT. En effet, dans le cadre d’un contrat avec une compagnie d’assurance, l’analyse se fait sur le chiffre d’affaires (primes) que les entreprises souscrivent sur les polices d’AT ou maritimes. Si le taux de sinistralité est faible, l’assurance donne une ristourne au bout d’un certain nombre d’exercices qui permet d’alléger la souscription durant les années effectuées. C’est une résultante appelée la «participation aux bénéfices». Nous invitons la fédération des assureurs à mettre en place des produits de la sorte pour les véhicules de transport de marchandises et à penser à des contrats de «participation aux bénéfices». Ceci tout en sachant que le dénominateur commun et l’éligibilité à la participation aux bénéfices entre les contrats maritimes, AT et véhicules est aujourd’hui le taux de sinistralité qui est significativement en baisse.
Comment Tijara 2020 perçoit la reprise des secteurs qu’elle représente, après le déconfinement ?
Nous allons être très succincts. Notre approche s’articule autour de trois recommandations stratégiques : Déconfinement inter-villes ; Retour à la liberté du commerce ; Encadrement économique et financiers des points de ventes. Tout d’abord, nous parlons de déconfinement inter-villes, c’est en effet un levier important pour la relance de l’activité économique nationale. Ce déconfinement devrait se faire d’une manière extrêmement rapide mais surtout structurée. On peut se baser sur plusieurs modèles, notamment un déconfinement à travers le taux de maîtrise de la pandémie ou aussi un déconfinement lié au nombre d’heures travaillées. L’objectif ultime de ses mesures est le redémarrage des trajets inter-villes. Ceci devrait passer par un accompagnement couplé par le maintien des mesures sanitaires décrétées par le gouvernement. Dans ce sens et au niveau de notre fédération, l’élément primordial est le capital humain. Il est donc impératif de le protéger. Je rappelle que nous avons mis en place toutes les mesures nécessaires aux niveaux de nos entreprises membres et cela depuis le démarrage du confinement d’une manière avant-gardiste. En ce qui concerne le commerce, nous prônons la réhabilitation de ce qui est appelé la liberté du commerce. C’est-à-dire procéder à la réouverture des magasins en tenant compte des catégories professionnelles et des secteurs. Avec plus de 130.000 points de ventes au niveau national et une moyenne de 110.000 magasins spécialisés dans le retail, les commerces tels que ceux de proximité devraient revenir à leurs horaires standards. Subséquemment, nous recommandons la segmentation du travail nocturne pour ne pas négliger les points de ventes qui restent opérationnels la nuit ou ceux qui adoptent des heures de travail tardives. Il est aussi important de mettre en place un projet de convention avec les pouvoirs publics notamment les ministères du Commerce et celui des Finances mais aussi les banques pour aider les commerçants à réhabiliter leurs besoins en fonds de roulement. En effet, après deux mois de confinement, leur niveau de créances débitrices est devenu élevé. Dans ce sens, nous demandons de mener une réflexion par rapport à cette situation au niveau des pouvoirs publics afin d’apporter des aides financières pour assurer la réhabilitation des commerces avec bien entendu un accompagnement pour développer l’e-paiement, la bancarisation et l’utilisation des caisses électroniques en vue d’une dématérialisation des transactions financières. La relance impose une démarche collégiale et solidaire à la fois.