Maroc

Mariage : l’amour fait-il toujours autant recette ?

Autrefois synonyme de ruée estivale, l’économie du mariage au Maroc montre aujourd’hui des signes d’essoufflement. Preuve en est, les salles sont loin d’afficher complet, les prestataires tirent la sonnette d’alarme et les jeunes couples, confrontés à la flambée des coûts, revoient leurs ambitions à la baisse.

Autrefois, l’été faisait vibrer les villes marocaines au rythme des cortèges nuptiaux. Il suffisait de se promener un soir sur la corniche de Casablanca ou dans les ruelles de Fès pour croiser, entre klaxons de joie et feux d’artifice, les signes d’un mariage en grande pompe. Mais cette année, l’agenda des prestataires laisse place à un silence inhabituel. Derrière les festivités et les apparats, c’est tout un pan de l’économie nationale qui peine à retrouver son éclat.

Mariages plus courts, budgets resserrés
«Nous avons encore des disponibilités», confie sobrement un responsable d’une prestigieuse salle des fêtes à Casablanca. Une phrase qui, en plein été, aurait autrefois relevé de l’inimaginable. Les mois de juillet et août étaient traditionnellement saturés de réservations, et les familles s’y prenaient parfois un an à l’avance pour décrocher une date. Ce n’est visiblement plus le cas. La baisse de la demande se confirme sur l’ensemble du territoire.

De Casablanca à Oujda, de Tanger à Agadir, les prestataires sont unanimes, les grands mariages ne font plus recette. Certains évoquent une lassitude post-covid, d’autres pointent une inflation galopante, mais tous notent un changement structurel des habitudes.

«Ce n’est pas nouveau», explique Najoua Tadlaoui, neggafa (accompagnatrice en charge des «soins» et de l’habillement de la mariée).

«Depuis la période covid, on remarque une tendance de fond : les familles préfèrent célébrer leurs mariages en comité restreint, dans une ambiance plus intimiste et chaleureuse. Ce choix est souvent guidé autant par des considérations économiques que par une volonté de recentrer l’événement sur l’essentiel», souligne cette professionnelle du secteur.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les prestations de neggafa, autrefois cœur battant de la cérémonie, débutent autour de 30.000 dirhams pour une soirée basique, mais peuvent atteindre les 50.000 dirhams selon le nombre de tenues, les animations incluses (hammam, henna, sbouhi…) et le niveau de personnalisation.

À table, addition salée
Du côté des salles, les prix de location varient généralement entre 15.000 et 25.000 dirhams la soirée. Mais ce tarif, souvent affiché «tout inclus», ne couvre en réalité ni le mobilier, ni la restauration qui représente pourtant l’un des postes de dépense les plus importants dans un mariage.

En effet, plus encore que la robe ou l’orchestre, c’est le festin qui fait «parler». Les mariés le savent, la qualité du repas laisse une empreinte durable dans les souvenirs des convives. Et plus la carte est sophistiquée, plus la facture s’envole.

Le coût par table commence autour des 2.000 à 2.500 dirhams pour une formule simple avec un menu standard. Mais dès qu’on introduit des entrées multiples, des pastillas au saumon, de l’agneau fondant ou du poulet aux saveurs revisitées, les prix peuvent doubler. Une table «bien servie», avec une présentation travaillée, avoisine les 8.000 à 10.000 dirhams, nous confie un prestataire.

À ce niveau, tout devient modulable, desserts individuels, gâteaux sculptés, fontaines de chocolat, voire pièce montée à la française. Et pour ceux qui souhaitent une expérience immersive, certains prestataires proposent des stands thématiques, barbecue live, glaces artisanales, sushis préparés sur place, qui font grimper l’addition jusqu’à 20.000, voire 30.000 dirhams par table. Chaque bouchée de luxe se paie comptant.

Le raffinement a un coût
Impossible d’imaginer un mariage marocain sans musique. Là aussi, les écarts sont vertigineux. Un orchestre «correct» se réserve autour de 30.000 dirhams. Mais dès qu’on entre dans la cour des artistes connus, aux millions de vues sur les réseaux sociaux, les prix flambent, allant jusqu’à 100.000 dirhams la prestation. Une question d’image donc et de budget.

Le même constat s’applique aux photographes, deejays, animateurs, troupes Issawa ou Dakka Marrakchia, parfois réservées à prix d’or pour quelques minutes de show. Sans parler de la fameuse pièce montée ou du gâteau beldi fassi, souvent commandés en dehors du package de base. Les maquilleuses, autres figures incontournables du jour-J, proposent des prestations à partir de 1.500 dirhams, mais les tarifs peuvent doubler, voire tripler selon plusieurs facteurs, notamment le déplacement à domicile, coiffure incluse ou non, nombre de looks à réaliser, marques de produits utilisés, et bien sûr, notoriété de la professionnelle.

Certaines mariées exigent des essais en amont, un suivi tout au long de la journée, ou une présence jusqu’à la dernière tenue — autant de demandes qui font varier les prix. Côté décoration florale, même logique. Un bouquet simple et quelques centres de table classiques peuvent coûter autour de 2.000 à 3.000 dirhams. Mais dès qu’on opte pour des compositions personnalisées, des arches fleuries, des pétales au sol ou une mise en scène florale sur mesure, les prix peuvent s’envoler à 10.000 dirhams ou plus. La rareté des fleurs, leur provenance, la saison et la complexité du montage sont autant de variables qui influencent le coût final.

Le grand virage
Derrière chaque soirée de mariage se cache une armée de travailleurs — serveurs, cuisiniers, musiciens, chauffeurs, décorateurs, couturiers, coiffeuses, photographes, agents de sécurité, femmes de ménage. Le secteur mobilise des milliers de personnes à travers le pays, bien à l’abri des projecteurs. Et cette machine économique ne tourne pas seulement grâce aux mariés locaux. Une part importante de l’activité repose aussi sur une clientèle internationale, qui contribue fortement à faire vivre ces métiers.

La diaspora marocaine constitue une clientèle stratégique – souvent plus dépensière – tout comme certains étrangers, attirés par le charme des mariages traditionnels marocains. Mais là aussi, la baisse se fait sentir. Le nombre de mariages estivaux organisés par des MRE semble en recul, affectant lourdement le secteur en cette période censée être «la saison».

Le mariage marocain est-il en train de changer de visage ? Sans doute. Les prestataires eux-mêmes s’adaptent à cette nouvelle réalité, en proposant des offres à la carte, prestations dématérialisées, réduction des formats, etc. C’est un moment charnière pour tout le secteur. Il devra se réinventer sans renier ses traditions, s’adapter aux portefeuilles sans sacrifier l’expérience. Car si l’amour n’a pas de prix, il a un coût ! Au Maroc, célébrer une union reste un art qui mobilise toute une économie.

Najoua Tadlaoui
Neggafa

«Depuis la période covid, on remarque une tendance de fond : les familles préfèrent célébrer leurs mariages en comité restreint, dans une ambiance plus intimiste et chaleureuse. Ce choix est souvent guidé autant par des considérations économiques que par une volonté de recentrer l’événement sur l’essentiel.»

Des packs tout compris pour alléger la note

Alors que les budgets sont surveillés de près, les prestataires misent sur des formules clé en main qui séduisent les couples soucieux de maîtriser leurs dépenses sans renoncer au rêve. Parmi les offres qui circulent, certaines proposent un pack à 40.000 dirhams.

Le menu est copieux avec traiteur, neggafa, orchestre, photographe, amuses-bouches, dîner complet comprenant pastilla, viande à la marocaine, fruits, gâteaux, boissons et pièce montée.

Ces formules rencontrent un vrai succès. Elles permettent de contenir les coûts tout en simplifiant l’organisation. Moins de prestataires à coordonner, moins de risques de dépassement, et un événement qui garde tout son éclat.

Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO



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