Conjoncture mondiale : le Maroc, première “rising star” de 2025 selon S&P

Le Maroc s’impose comme une exception positive dans un contexte international marqué par une recrudescence des dégradations de notation. Le Royaume est devenu le premier pays souverain en 2025 à rejoindre la catégorie des “rising stars”, selon le dernier rapport hebdomadaire de S&P Global Ratings.
La semaine dernière, pour la première fois depuis début septembre, les dégradations ont été plus nombreuses que les relèvements. Trois émetteurs d’entreprises ont été rétrogradés dans la catégorie très risquée “CCC”, principalement dans les secteurs de la chimie, de l’emballage et des services environnementaux.
Dans le même temps, deux défauts ont été enregistrés aux États-Unis, touchant un constructeur automobile et un fonds immobilier coté. Une dynamique qui traduit la pression croissante qui pèse sur les acteurs les plus fragiles du crédit mondial.
Elle illustre aussi les disparités qui se creusent entre économies ou entreprises capables de consolider leurs fondamentaux et celles qui s’enfoncent dans le risque. C’est dans ce contexte contrasté que le Maroc apparaît comme une exception, en réussissant à gravir un échelon dans la hiérarchie des notations.
Le Maroc, l’exception qui rassure
Au milieu de ces signaux préoccupants, deux États souverains ont vu leur notation améliorée, les Bahamas et le Maroc. Le Royaume est ainsi devenu le premier pays à accéder au statut de “rising star” en 2025, c’est-à-dire à passer de la catégorie spéculative (BB+) à la catégorie investment grade (BBB-). L’agence met en avant la résilience de l’économie marocaine face aux chocs successifs.
La croissance réelle devrait atteindre en moyenne 4% entre 2025 et 2028, soutenue par la consommation intérieure, l’investissement et des secteurs exportateurs dynamiques tels que l’automobile, les phosphates, l’aéronautique, le numérique et le tourisme. Les recettes touristiques ont d’ailleurs bondi de 19% au deuxième trimestre 2025, confirmant le rôle moteur de ce secteur.
Dans l’industrie, la production de phosphates a progressé de 18% au deuxième trimestre, tandis que le bâtiment affiche un dynamisme notable avec une hausse de 15% des ventes de ciment. S&P souligne également les réformes structurelles en cours : élargissement de la couverture sociale et de l’assurance maladie, réforme fiscale destinée à élargir l’assiette et à formaliser l’économie, investissements dans les infrastructures hydrauliques pour atténuer l’impact des sécheresses.
Ces efforts contribuent à renforcer la stabilité budgétaire, avec un déficit attendu autour de 3% du PIB en 2026 et une dette publique orientée à la baisse, sous les 60% du PIB en 2028. Les réserves en devises sont jugées confortables, équivalant à 5,5 mois d’importations, et renforcées par une ligne de crédit du FMI de 4,5 milliards de dollars. Le pays bénéficie par ailleurs d’un afflux croissant d’investissements directs étrangers, estimés en hausse de plus de 20% par an sur la période 2025-2028, notamment dans l’énergie, les transports et les industries exportatrices.
Toutefois, des vulnérabilités demeurent. L’économie reste exposée aux aléas climatiques, qui affectent un secteur agricole représentant encore 10% du PIB et un quart des emplois. Le chômage reste élevé, autour de 13%, en particulier chez les jeunes et les femmes, et le revenu par habitant demeure relativement bas, à 4 700 dollars en 2025. L’agence rappelle que des tensions commerciales mondiales ou une baisse de la demande européenne pourraient fragiliser ces perspectives.
Des données qui confirment la tendance
L’intérêt du relèvement de la note marocaine par S&P trouve un écho direct dans les données économiques nationales publiées ces dernières semaines. Bank Al-Maghrib, lors de sa réunion du 24 juin 2025, a choisi de maintenir son taux directeur à 2,25%. Cette décision, largement anticipée par les marchés, s’inscrit dans un environnement marqué par une désinflation nette, l’inflation étant tombée à 0,7% en avril puis à 0,4% en mai, tandis que l’inflation sous-jacente demeure maîtrisée.
La banque centrale a rappelé que les incertitudes géopolitiques et les tensions commerciales justifiaient cette prudence. Elle a néanmoins revu à la hausse ses prévisions de croissance, désormais établies à 4,6% pour l’année, portées par la reprise agricole et la vigueur des investissements hors secteur agricole. L’institution prévoit aussi une inflation moyenne de 1% en 2025, puis de 1,8% en 2026, tout en insistant sur la nécessité de surveiller la transmission des baisses de taux vers le financement des petites et moyennes entreprises.
Certains observateurs estiment d’ailleurs qu’un nouvel assouplissement monétaire n’est pas à exclure, avec une possible réduction du taux directeur à 1,75% d’ici la fin de l’année, si la désinflation se confirme et que la demande intérieure se maintient. En parallèle, le marché du travail donne des signaux contrastés. Selon les dernières statistiques du Haut-Commissariat au Plan, le taux de chômage national est revenu à 12,8% au deuxième trimestre 2025, contre 13,1% un an auparavant.
Cette diminution de 0,3 point, une première après plusieurs trimestres de hausse continue, traduit une amélioration du volume d’emplois créés. Mais ce frémissement cache des fragilités persistantes. Le sous-emploi continue de progresser et les catégories les plus vulnérables, en particulier les femmes, les jeunes et les diplômés, restent les plus exposées.
Le taux d’activité global recule même, passant de 44,2% à 43,4%, conséquence notamment d’une baisse de la participation féminine. Cette évolution montre que la simple diminution du chômage ne règle pas les problèmes structurels du marché du travail, où la qualité des emplois, leur stabilité et l’inclusion sociale demeurent des défis majeurs.
Un signal fort pour les marchés
Malgré ces défis, le Maroc apparaît comme un cas à part dans un climat global marqué par la défiance. Son passage en investment grade, rare dans la conjoncture actuelle, envoie un signal positif aux investisseurs internationaux. Le Royaume voit ainsi sa crédibilité renforcée sur les marchés et son coût de financement appelé à diminuer, dans un contexte où nombre d’émetteurs souverains ou privés connaissent l’effet inverse.
Le rapport de S&P souligne que le Maroc porte désormais à 21 le nombre de rising stars comptabilisés depuis le début de l’année 2025. Cette reconnaissance traduit une confiance dans la trajectoire économique du pays et dans sa capacité à poursuivre ses réformes structurelles, tout en consolidant sa stabilité macroéconomique et budgétaire.
Comprendre le statut de rising star
Dans la terminologie de S&P, un rising star désigne un émetteur qui franchit la frontière entre la catégorie spéculative et la catégorie investment grade. Cette distinction n’est pas qu’une question technique, elle conditionne l’accès au financement international et influe directement sur les conditions de crédit.
Pour un pays comme le Maroc, rejoindre le rang des investment grade signifie une reconnaissance internationale de la solidité de ses politiques économique et budgétaire. Cela traduit aussi une confiance accrue des investisseurs, qui considèrent désormais la dette souveraine marocaine comme présentant un risque limité de défaut. À l’inverse, les “fallen angels” sont les émetteurs qui perdent ce statut en raison d’une dégradation de leurs fondamentaux.
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO