Indemnité pour perte d’emploi : un dispositif en quête d’efficacité

Plus d’une décennie après sa mise en place, l’indemnité pour perte d’emploi continue de se développer mais reste confrontée à des contraintes d’accès et d’efficacité. Si le nombre de bénéficiaires et les montants engagés augmentent, le dispositif ne couvre encore qu’une fraction limitée des travailleurs concernés. Dans ce contexte, les réflexions engagées autour d’une réforme visent à consolider ce mécanisme en tant qu’outil de protection sociale adapté aux évolutions du marché de l’emploi.
Depuis son lancement en 2014, le dispositif d’Indemnité pour perte d’emploi (IPE), géré par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), continue d’évoluer en tant que mécanisme de soutien temporaire pour les salariés du secteur privé en situation de perte d’emploi.
En un peu plus d’une décennie, il a bénéficié à 77.000 personnes, un chiffre qui reste en deçà du potentiel de couverture attendu sur un marché de l’emploi en mutation. Les données de la CNSS indiquent que les indemnités versées dans le cadre de l’IPE ont atteint 2,085 milliards de dirhams (MMDH) à la date du 1er octobre 2025, pour la période couvrant 2020 à 2025.
Cette progression reflète à la fois l’augmentation du nombre de bénéficiaires et l’évolution du montant moyen des allocations. Le dispositif prévoit une indemnité correspondant à 70% du salaire moyen des 36 derniers mois, dans la limite du salaire minimum légal. Pour y accéder, le salarié doit avoir cotisé 780 jours au cours des trois dernières années, dont 260 jours sur les 12 derniers mois.
Ces critères d’éligibilité, bien que cohérents avec l’objectif de ciblage, réduisent l’accès au dispositif pour certaines catégories de travailleurs au parcours professionnel discontinu. Entre 2020 et 2024, le nombre de nouveaux bénéficiaires est resté relativement stable, fluctuant entre 25.000 et 27.000 par an.
Après une baisse à 22.003 en 2021, les demandes ont repris une trajectoire ascendante, atteignant 27.498 en 2024. Pour le premier semestre 2025, 13.645 demandes ont été enregistrées, annonçant une année comparable aux précédentes. Le montant moyen des indemnités a, pour sa part, progressé de 13,6%, atteignant 2.889 dirhams au premier semestre 2025.
Cette évolution s’est traduite par une augmentation des dépenses annuelles, passées de 362 millions de dirhams (MDH) en 2020 à 434 MDH en 2024, avec 174,6 MDH déjà engagés à mi-2025. L’ancienneté moyenne des bénéficiaires, qui était de 5,6 ans entre 2020 et 2024, est tombée à 4,43 ans début 2025, traduisant une exposition plus précoce de certains salariés à la perte d’emploi.
Malgré cette montée en charge, le dispositif présente encore des marges d’amélioration. En 2023, environ la moitié des demandes n’ont pas pu aboutir, en raison notamment des conditions d’éligibilité et des procédures en vigueur.
Par ailleurs, la perte d’emploi peut entraîner une suspension temporaire de la couverture médicale via la CNSS, ce qui pose la question de l’articulation entre les différents dispositifs de protection. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), 1,4% seulement des personnes sans emploi bénéficient d’un soutien via l’IPE, un taux encore faible au regard des standards régionaux.
Dans cette optique, les autorités ont annoncé un projet de réforme du dispositif. Les orientations actuellement à l’étude portent sur l’élargissement de la couverture aux salariés disposant d’un emploi stable, une simplification des conditions d’accès et une révision du niveau des allocations. Un budget global de 51 MMDH est prévu pour accompagner l’ensemble des réformes de la protection sociale en 2025, dont 23 milliards financés directement par le budget de l’État. Ce chantier s’inscrit dans une démarche plus large qui comprend la généralisation de l’assurance maladie obligatoire et la mise en place progressive d’une aide sociale directe.
Les projections tablent sur des dépenses publiques atteignant 39 MMDH en 2025 et plus de 41 MMDH en 2026 dans le domaine de la protection sociale. Toutefois, la mise en œuvre de la réforme de l’IPE prendra du temps. Les échanges en cours entre les ministères concernés sur les aspects budgétaires et opérationnels ralentissent l’adoption des mesures concrètes, et le calendrier de déploiement reste à préciser.
Dans ce contexte, les partenaires sociaux et les observateurs du marché du travail soulignent l’importance d’accélérer la dynamique de réforme. L’instauration de l’IPE constitue une avancée notable, mais sa consolidation est nécessaire pour renforcer la sécurité économique des salariés confrontés à la perte d’emploi.
M.O. / Les Inspirations ÉCO