Les grandes priorités des industriels
Abdelmounim El Eulj
Président de la Fédération nationalede l’agroalimentaire (FENAGRI)
Impact de la crise sanitaire, développement du Made in Morocco… Abdelmounim El Eulj, président de la Fédération nationale de l’agroalimentaire (FENAGRI), revient sur les dernières actualités du secteur.
Vous avez récemment conclu un deal avec la tutelle pour développer le sourcing local, pouvez-vous nous expliquer comment a germé cet élan ?
La Fédération nationale de l’agroalimentaire (FENAGRI) est le premier réseau d’entrepreneurs de l’agroalimentaire au Maroc. Elle a été créée dans l’objectif de réunir les professionnels et les entreprises de l’industrie agroalimentaire nationale, de fédérer l’écosystème de cette industrie et d’être un interlocuteur crédible auprès des partenaires institutionnels, financiers, et institutions publiques…
La FENAGRI représente l’industrie agroalimentaire marocaine et travaille, de ce fait, sur les thématiques transversales à travers 6 commissions permanentes réunissant des professionnels et travaillant sur les problématiques identifiées comme prioritaires pour l’amélioration de l’environnement du secteur, dont celui de la formation, de la promotion à l’export, de la dimension de développement durable, de la dimension de la saine alimentation, etc.
De par son rôle fédérateur, la FENAGRI assure, grâce à l’appui du ministère de l’Industrie et du commerce, la relance du Centre technique de l’agroalimentaire (CETIA) en tant que centre de Recherche & développement et innovation, et ce, en coordination avec la profession concernée du secteur.
Il convient de rappeler que l’industrie agroalimentaire marocaine occupe une place importante dans le secteur industriel, par sa participation à l’amélioration de la balance commerciale et à la création d’emplois. L’industrie agroalimentaire génère une valeur ajoutée d’environ 39 MMDH, soit 26% du PIB industriel, regroupe 2.100 entreprises, soit 22% de toutes les unités industrielles et emploie plus de 161.000 personnes.
La pandémie de la Covid 19 a démontré à quel point le développement de cette industrie représente un enjeu majeur et un potentiel de croissance économique indéniable pour notre pays.
D’ailleurs, le Nouveau modèle de développement de notre pays (NMD) a mis en avant la nécessité d’assurer la souveraineté alimentaire nationale portée par une agriculture et une industrie agroalimentaire modernes, à forte valeur ajoutée, inclusives et responsables.
Parmi les paris identifiés dans le cadre du NMD figure celui de faire du «Made in Maroc» un marqueur de qualité, de compétitivité et de durabilité. Ce qui constitue un levier substantiel d’approfondissement de nos partenariats nationaux et internationaux, de positionnement stratégique du Maroc à l’échelle régionale et internationale et de consolidation de la place et du rôle joué par le Maroc à l’échelle internationale.
Les répercussions de la crise sanitaire ayant enclenché, à l’échelle mondiale, une reconfiguration notable des chaînes de production industrielles, plusieurs acteurs industriels et responsables politiques ont commencé à mener des réflexions en vue de la reconversion des importations des produits manufacturés en fabrication locale et de réorienter le sourcing vers des opérateurs locaux à même de mettre en place des écosystèmes agro-industriels plus intégrés et compétitifs.
Peut-on avoir une idée des branches, filières ou domaines qui seront priorisées comme base de sourcing local ? Sur quelle base ont-ils été identifiés ?
Les opérateurs de l’industrie agroalimentaire marocaine importent énormément de matières premières, intrants, emballages, auxiliaires de fabrication et machines qui pourraient faire l’objet de fabrication locale. Ainsi, la FENAGRI a réalisé une étude qui constitue une étape clé pour développer davantage le sourcing local des opérateurs de cette industrie.
L’objectif étant de développer l’intégration locale et créer des synergies et des partenariats gagnant-gagnant avec les autres écosystèmes industriels (industrie chimique, industrie des emballages, industrie mécanique et métallurgique, etc).
Cette étude a révélé que l’industrie agroalimentaire utilise actuellement l’équivalent de 18 MMDH de matières premières et intrants manufacturés (hors produits agricoles) dont 10 MMDH importés. Ceci représente un réel gisement et des opportunités de substitution en production locale en tenant compte bien évidemment de tous les facteurs du succès, dont la compétitivité. C’est dans ce cadre que la profession de l’industrie alimentaire et de l’emballage ont signé, le 20 juin 2022, avec le ministère de l’Industrie et du commerce, des conventions de partenariat.
Ces conventions s’inscrivent dans le cadre des efforts déployés par les parties concernées privées et publiques, au titre de la mise en œuvre du plan de relance industrielle 2021-2023, notamment son levier lié au développement du «Made in Morocco». Ces efforts déployés par les parties concernées privées et publiques visent à booster la capacité d’investissement du secteur industriel, en général, et celui des industries agroalimentaires, en particulier, ainsi que la création d’emploi.
Les professionnels concernés sont appelés, avec l’accompagnement de l’État, à renforcer la synergie entre les industriels alimentaires et leurs homologues de l’industrie de l’emballage plastique, papier carton et métallique afin de réduire notre dépendance à l’importation de ces intrants.
Le déploiement de ces conventions permettra de développer davantage l’intégration locale et créer des synergies et des partenariats gagnant-gagnant entre l’industrie alimentaire et les autres écosystèmes industriels des emballages, de la mécanique, de la métallurgie, etc.
La profession concernée, grâce à l’appui du ministère de l’Industrie et du commerce, veillera au déploiement des dispositions de ces conventions auprès de nos acteurs économiques auxquels nous apporterons tout notre soutien.
Au-delà du développement du sourcing local, quels sont vos autres chantiers prioritaires ?
L’industrie alimentaire, et à l’instar des industries nationales, se trouve face à des défis de taille pour se maintenir et assurer l’amélioration de son développement dans un environnement marqué par le renchérissement sans précédent des cours de l’énergie et des matières premières, l’inflation et un contexte géopolitique tendu et tourmenté.
Conscients également de l’enjeu de l’évolution de l’industrie agroalimentaire locale vers le Nouveau modèle de développement, nous avons la ferme ambition de poursuivre l’accompagnement des acteurs économiques dans leur démarche d’innovation, de production «verte» et vers la promotion du «Made in Morocco» et sur le marché domestique et à l’export.
Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO