Opinions

web 3.0 : plaidoyer pour un métavers souverain dans notre Royaume !

Par Ghizlane Loukili
Docteur en droit du numérique

Pour légitimement démarrer un raisonnement inclusif, nécessaire tant la technicité de la notion est un frein, il convient de poser les jalons d’une réflexion sur la thématique objet de cette tribune. Le metaverse, anglicisme qui se traduit par métavers dans la langue de Molière, est un néologisme né de la contraction de «méta» et «universe», ce dernier étant fréquemment employé pour désigner un espace virtuel, partagé, persistant et hyperréseauté, parallèle à la réalité.

Souvent confondu avec un terme néanmoins voisin, celui de Web 3.0, dont la paternité est attribuée à Gavin Wood, cofondateur de la blockchain Ethereum, il demeure toutefois très clair que l’idée du Web 3.0 est étroitement liée à celle des métavers, expression désormais consacrée pour désigner les univers virtuels. Notons que ces derniers ne sont pas si nouveaux. Jean Claude Heudin retrace la chronologie du premier environnement virtuel depuis «Habitat», conçu en 1985 pour Lucas Film Game sous la forme d’une ville du nom de Populopolis. S’ensuit le WebWorld qui se transforma en Alpha World, considéré comme le plus ancien monde virtuel «collaboratif», créé en 1995, puis le désormais célèbre Second Life qui défraya les médias avec l’implantation de plusieurs grandes entreprises et de publicitaires ainsi que l’annonce de plusieurs millions de comptes d’utilisateurs.

D’après ses concepteurs, le jeu s’inspire du Metaverse, décrit dans la nouvelle Snow Crash de Neal Stephenson, laquelle inspirera pendant quelques années le terme générique des univers virtuels. Pour finir, il reste à souligner l’impact du film Matrix, véritable séisme dans le monde du cinéma futuriste, ayant drainé un grand nombre de spectateurs vers ce qui peut être qualifié aujourd’hui d’initiation à des mondes parallèles. Ainsi, cette simulation numérique est inconsciemment installée dans le subconscient des amateurs d’épopées technologiques futuristes et y prendre part n’est donc qu’à un pas.

En effet, suivre le lapin blanc est devenu un exercice familier pour toute une génération. En somme, il s’agit d’être ensemble tout seul, dans un monde à explorer à travers son avatar. Globalement, c’est une expérience immersive en 3D et en temps réel. Nous sommes en présence d’un monde virtuel, certes, mais qui à la particularité d’être connecté au réel. Les utilisateurs, par l’intermédiaire d’un casque de réalité virtuel, progressent et évoluent sous forme d’un avatar. Le métavers met ainsi en relation les êtres humains par le biais de leur «jumeau numérique».

Voici, par le menu, le profil d’une continuité disruptive de l’Internet, qui – comme ce dernier à ces débuts – embrase la pensée des technophiles et surtout des technophobes. Les perspectives d’avenir sont soulignées avec insistance par les uns alors que les menaces et autres dangers consécutifs à toutes nouveautés technologiques glacent le dos des détracteurs. Il n’est donc pas totalement hors sol de penser à la création d’un métavers marocain, poursuivant des finalités prédéfinies pour servir des objectifs qui s’inscrivent dans le développement de la stratégie numérique de notre pays. La question est rhétorique ? Bien-sûr que oui, et contrairement à toute idée reçue, le droit du numérique est en très bonne santé, à l’exception de certains ajustements nécessaires, ce qui n’est d’ailleurs pas une particularité nationale. Ainsi, le dispositif européen lui-même ne présente pas toutes les garanties actuellement, comme en témoigne le corps de règles dévolu à l’intelligence artificielle, en cours d’élaboration, qui viendra définir le droit applicable à l’avatar, entre autres.

Dans notre pays, la création d’un métavers souverain permettrait de résorber la fracture numérique pour l’inclusion des zones reculées du pays et d’apporter un support supplémentaire à l’amélioration de la relation entre les usagers et l’administration publique. Les perspectives de déploiement du commerce électronique dans cet univers ne sont pas à négliger. Un métavers national serait l’occasion de création d’emplois pour les ingénieurs marocains du secteur des nouvelles technologies, très convoités par les entreprises européennes, une occasion de maintenir nos forces dans le pays du soleil couchant : for us, by us. Un métavers souverain est l’opportunité de se dégager des griffes des entreprises américaines tentaculaires de la côte californienne qui, de par leur hégémonie incontestable sur le marché des technologies, dictent des règles de fonctionnement qui les rendent incontournables et distillent aussi, par la même occasion, une idéologie sociale et une culture qui ne correspondent pas à nos valeurs.

Aussi, sur la base du même raisonnement qui sous-tend la différence de contenu entre le Tik-Tok chinois et celui du reste du monde, il est important d’être à l’avant-garde de ces considérations et de mobiliser la «Niya» qui nous caractérise pour montrer la voie au reste du monde, en créant un métavers national souverain réunissant le peuple marocain, de Tanger à Lagouira ! Quant au succès certain d’un Nouveau Monde numérique, il faut savoir raison garder, l’histoire nous rappelant que le déterminisme technologique n’existe pas et que seuls les usages futurs détermineront la réalité sociale de ces univers. Il n’y a paradoxalement aucune urgence à le définir en droit. Qualifié d’Internet 3.0, ce nouvel environnement pousse le juriste à la sagacité en attendant l’intervention du législateur.

Cette affirmation est la plus souple à faire en l’espèce tant la question de l’accueil de la notion par le droit est porteuse d’une multitude de dimensions à traiter. Interrogations qui se polarisent le plus souvent autour des questionnements suivants : faut-il des ajustements, une législation dédiée ou les deux, en fonction des disciplines ?  C’est en ces termes que se résume le futur mariage, dont les enjeux sont immenses.


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