Opinions

L’Afrique face à son futur : et si le meilleur investissement, c’était la neuro-éducation ?

Par Hiba Mabrouk
Professeure de philosophie et CEO de Mindbridge

Alors que le monde de l’entreprise évolue à une vitesse vertigineuse, l’éducation, elle, ne peut se permettre de suivre le rythme de l’escargot contemplatif avec des cours théoriques qui restent cloîtrés chacun dans leur coin, comme des invités à une fête qui ne se parlent pas, laissant l’apprenant se demander pourquoi il est là et à quoi tout cela peut bien servir. Les bouleversements technologiques, économiques et sociaux réclament une formation des jeunes plus en phase avec les réalités de demain et je ne réinvente pas la roue quand je vous dis que la question de l’éducation n’est pas seulement cruciale, elle est urgente !

La philosophie au service de l’éducation : un outil d’aiguisage mental pour les futurs décideurs
Dans un monde où les entreprises cherchent de plus en plus des talents capables d’innover, de penser de manière critique et de s’adapter aux défis imprévus, il devient impératif de repenser l’éducation. La chine et l’Inde nous ont donné une leçon en la matière avec des réformes massives dans les années 80 et 90 qui ont fait la clé de leur succès en créant un vivier de talents alimentant aujourd’hui les plus grandes entreprises du monde.

La philosophie, avec son questionnement constant sur la nature de l’Homme, ses valeurs et ses actions, offre une base solide pour former des esprits aiguisés. Les jeunes actifs de demain ne devront pas seulement être des experts techniques, mais des penseurs capables de saisir les enjeux éthiques et humains des décisions qu’ils prendront.

La philosophie, c’est un peu le coach personnel du mental, ce formateur qui pousse à se remettre en question, à déconstruire pour mieux reconstruire… Intégrer la philosophie dans toutes les formations, c’est apprendre aux jeunes à penser, à saisir les enjeux humains et éthiques des décisions qu’ils prendront. Cette capacité de recul est précieuse pour une entreprise : elle évite les décisions «court-termistes» et construit des leaders authentiques, capables de défendre une vision qui fait sens au-delà de la rentabilité immédiate.

Cette capacité à réfléchir en profondeur et à questionner le statu quo donne à «L’entrepreneur philosophe» les outils nécessaires pour trouver des solutions novatrices et adaptées aux défis contemporains.

La neuro-éducation : un passeport pour l’efficacité de l’apprentissage
La neuro-éducation se base sur les découvertes récentes en neurosciences pour optimiser les méthodes d’apprentissage en prenant en compte le fonctionnement du cerveau. On s’éloigne donc de l’enseignement traditionnel du «one-size-fits-all» qui n’est plus guère adapté pour offrir une expérience d’apprentissage efficace à chaque individu et à tout âge, si on en juge par la plasticité du cerveau.

La neuro-éducation offre un levier puissant pour un apprentissage personnalisé, où chaque apprenant progresse selon son propre rythme et ses capacités cognitives personnelles. Une étude de l’OCDE révèle qu’intégrer des pratiques fondées sur les neurosciences augmente les taux de réussite de manière considérable. Par exemple, les élèves bénéficiant de techniques de neuro-éducation affichent des performances améliorées de 12% par rapport aux méthodes d’enseignement plus traditionnelles.

Pour un continent comme l’Afrique, où le potentiel démographique est gigantesque, investir dans des techniques d’enseignement innovantes comme la neuro-éducation est crucial. En Afrique, seulement 29% des pays atteignent le seuil recommandé de 4% du PIB (ou 15% des dépenses publiques) pour l’éducation, contre une moyenne de 6% du PIB dans les pays européens. Cela reflète une insuffisance de financement qui impacte directement la qualité de l’apprentissage et l’infrastructure éducative.

L’Afrique, terrain fertile pour une nouvelle éducation
Pour ce continent dont la population jeune est en pleine expansion, la question de l’éducation n’est pas seulement cruciale, elle est urgente. Le Maroc, par exemple, a l’opportunité de devenir un modèle de transformation en se dotant d’une main-d’œuvre qualifiée et adaptable. La neuro-éducation et la philosophie peuvent transformer nos jeunes en citoyens du monde, prêts à contribuer non seulement aux entreprises locales, mais aussi à s’imposer sur les marchés mondiaux.

Par ailleurs, les Edtech et la digitalisation représentent une opportunité majeure pour réduire les coûts de l’éducation et toucher un public beaucoup plus large. Ces solutions peuvent particulièrement bien s’adapter aux défis du continent africain, en rendant l’éducation accessible à des communautés éloignées ou mal desservies.

Cependant, pour en maximiser l’impact, les gouvernements doivent impérativement déployer des stratégies visant à assurer un accès à Internet à grande échelle, y compris dans les régions les plus reculées. C’est un pari, certes, mais qui est essentiel pour libérer l’immense potentiel de ce continent.

Importance stratégique pour le Maroc
La neuro-éducation, en tant que discipline émergente, (enfin, émergente pour nous ! ) apporte des résultats significatifs en matière d’apprentissage et de développement cognitif grâce à une approche qui renforce les circuits neuronaux fondamentaux.

Au-delà de l’approche scientifique, une réflexion philosophique se dessine. Selon Aristote, l’apprentissage est un processus par lequel «l’âme devient ce qu’elle connaît», une idée qui se retrouve dans la neuro-éducation moderne. Cette discipline montre que le cerveau, en constante régénération, se modèle en fonction des expériences et des apprentissages, et ce, à tous les âges.

Dans ce contexte, l’éducation n’est plus simplement une transmission de savoirs, mais un processus dynamique où chaque expérience transforme l’apprenant. Ainsi, l’intégration de la neuro-éducation au Maroc pourrait bien être un levier de changement social profond. En investissant dans des méthodes qui alignent pédagogie et neurosciences, le Royaume peut non seulement élever le niveau de qualification de sa jeunesse, mais également forger une génération capable de relever les défis futurs, en alliant compétences techniques et intelligence émotionnelle

Un engagement pour l’avenir
Il est plus que jamais temps pour le Maroc et l’Afrique de réviser leurs systèmes éducatifs en profondeur. La philosophie et la neuro-éducation ne sont pas des concepts à reléguer au second plan, mais des outils essentiels pour façonner les leaders, les penseurs et les entrepreneurs de demain. Si le continent veut assurer sa place dans l’économie mondiale et ne plus subir son destin, être un acteur de l’histoire de l’humanité et propulser ses jeunes dans les secteurs porteurs, il doit agir maintenant, avec détermination et ambition.

En fin de compte, préparer les jeunes actifs de demain au Maroc et en Afrique, c’est se doter des atouts nécessaires pour créer une économie solide, éthique et durable. C’est investir dans une éducation moderne, qui réconcilie les sagesses anciennes et les technologies de pointe pour ouvrir de nouvelles voies et permettre à la jeunesse africaine d’explorer un futur riche de possibilités.



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