Edito. Vulnérabilité permanente

Le crédit est incontestablement devenu un passage obligatoire pour une large proportion des ménages marocains. Ce recours massif fait ressortir une dure réalité. Celle du nombre croissant de foyers qui s’approche dangereusement de la limite de soutenabilité financière. Les derniers chiffres de Bank Al-Maghrib sont éloquents.
Si près de quatre ménages sur dix présentent un taux d’endettement compris entre 40% et 50%, pour un quart d’entre eux, c’est plus de 60% du revenu qui est destiné au remboursement de dettes. C’est dire que la classe moyenne, longtemps perçue comme le moteur de la demande intérieure et le socle de la stabilité économique, se retrouve aujourd’hui sous pression. Elle compose avec des charges fixes de plus en plus lourdes et un reste à vivre qui se réduit comme peau de chagrin.
Le recours au crédit à la consommation, devenu fréquent pour couvrir des dépenses courantes ou financer la rentrée scolaire, traduit ce glissement progressif d’un équilibre budgétaire fragile vers une forme de vulnérabilité permanente.
Cette tendance interpelle à plusieurs niveaux. D’abord, sur la nécessité d’un meilleur accompagnement des ménages dans la gestion du crédit. Ensuite, sur le rôle que peuvent jouer les établissements financiers dans la prévention du surendettement.
Et enfin, sur l’importance de politiques publiques capables de soutenir le pouvoir d’achat sans encourager l’endettement systématique. Ce qui est certain, c’est que cette évolution rappelle que si le crédit reste un outil essentiel pour le financement de l’économie, il devient préoccupant lorsqu’il compense des déséquilibres structurels dans les revenus et les dépenses.
Or, pour maintenir une classe moyenne solide et confiante, un équilibre subtil entre accès au financement, maîtrise des charges de la vie quotidienne et politiques d’accompagnement ciblées est désormais indispensable.
Moulay Ahmed Belghiti / Les Inspirations ÉCO