Opinions

Gouvernance : la primauté du canal monétaire sur le canal du crédit

Par Sanaa Rezki
Docteure et professeure permanente à l’ISGA – Casablanca

La banque centrale marocaine adopte une politique monétaire en ayant recours à des instruments directs comme le taux directeur et indirects comme l’open market, les avances sur appel d’offres et la régulation de la liquidité. L’objectif étant d’assurer la stabilité monétaire et favoriser le développement économique. La transmission de la politique monétaire à l’économie est réalisée à travers deux canaux, le canal du taux d’intérêt et le canal du crédit.

Quel type de canal l’affecte plus ?
La transmission de la politique monétaire via le canal du taux d’intérêt met plus de temps pour se faire sentir sur l’économie réelle. L’impact de variation du taux directeur se répercute que tardivement sur les taux débiteurs après une période de retard. Ces derniers ont enregistré une légère hausse pour s’établir à 4,50%, soit une hausse de 26 points de base. Ceux facturés aux crédits particuliers sont plus élevés par rapport à ceux appliqués aux prêts aux entreprises non financières. Ceci s’explique principalement par le faible recours des banques marocaines aux avances de sept jours.

Ces dernières sont considérées comme étant l’outil principal de la banque centrale pour répandre les effets de la politique monétaire adoptée vers l’économie réelle.  Pour le deuxième canal de transmission, l’impact de variation du taux directeur sur les crédits bancaires peut être constaté durant les mois à venir. Cela est lié aux stocks de crédits conservés par les banques marocaines. Les crédits, notamment ceux accordés à court terme, seront les plus affectés par l’évolution du taux directeur. Ils seront influencés, plus particulièrement, par l’importance de la variation et pas uniquement par l’évolution du taux directeur.

L’histoire de la politique monétaire n’a jamais été marquée par une hausse aussi importante que celle remarquée récemment. Bien que, dans le cas marocain, il semble que la hausse des taux n’impacte pas significativement l’activité de distribution de prêts. Le taux élevé de concentration bancaire et la volonté des banques à garder leur position concurrentielle font que les banques continuent à accorder des crédits.

Le financement intermédié occupe une place prépondérante dans le financement de l’économie. Le manque de dynamisme de la Bourse de Casablanca, malgré les actions entreprises par les autorités, réduit l’importance du financement direct. Ce canal de crédit bancaire peut donc être plus important que le canal du taux d’intérêt.

Néanmoins, il paraît que le canal monétaire a la primauté sur le canal du crédit. Ceci s’explique principalement par le faible taux de bancarisation. Le manque d’inclusion financière limite les services bancaires dont les Marocains peuvent bénéficier. Il réduit le potentiel de distribution de prêts, notamment pour les jeunes qui constituent une part importante de la population, et sont considérés comme les principaux consommateurs.   Un autre élément qui entre en jeu est le facteur culturel. Une part importante des Marocains préfère financer ses projets par ses propres ressources, l’autofinancement, notamment dans le cas des entreprises familiales qui représentent 95% du tissu économique. Comme elle peut demander de l’argent auprès de ses proches ou amis. Deux principales raisons expliquent cette situation. Il s’agit d’une catégorie qui n’ose pas se diriger vers les banques et une autre catégorie qui préfère éviter cette alternative de financement qui, selon elle, risque de l’exposer à des risques très importants. Mis à part le poids que représente le secteur informel dans l’économie marocaine qui prive le secteur bancaire de ressources financières assez importantes.

Du côté de l’offre, nombreux sont ceux qui privilégient d’épargner leur argent chez eux ou le placent dans des dépôts à vue ou à court terme. Ce qui rend l’activité d’octroi de crédits à long terme plus difficile à réaliser par les banques. Un choc de la politique monétaire impacte le bilan bancaire du côté de l’offre et du côté de la demande du crédit par le biais de deux canaux. Il s’agit du canal de monnaie, quand les dépôts collectés se trouvent affectés, et du canal de crédit, lorsque les crédits bancaires sont fortement touchés. La modernisation du système financier marocain dans son ensemble et la formalisation du secteur informel peuvent favoriser la transmission de la politique monétaire via le canal du crédit bancaire. Et être en adéquation avec l’importance qu’occupe la banque dans le financement de l’économie.



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