Edito. Bien plus qu’un chiffre…

Dans l’absolu, c’est une bonne nouvelle : entre 2014 et 2022, la pauvreté au Maroc a reculé, passant de 4,8% à 3,9%, selon la dernière livraison statistique du HCP. Un signe encourageant, à première vue, qui suggérerait une amélioration du niveau de vie des Marocains, mais ce recul est-il le reflet d’un progrès social durable ou masque-t-il une précarité sous-jacente ? Car si la pauvreté diminue, encore faut-il s’interroger sur l’évolution du pouvoir d’achat au cours de la même période.
L’inflation, qui a connu des pics importants ces dernières années, a profondément impacté le panier des ménages. Une famille considérée comme «sortie de la pauvreté» en 2022 vit-elle réellement mieux qu’en 2014, ou a-t-elle simplement vu ses revenus croître sans que son niveau de vie ne s’améliore ? L’autre indicateur clé à observer est celui du chômage et de la transition du secteur informel vers le formel.
La création d’emplois stables et déclarés a-t-elle suivi le rythme du recul de la pauvreté, ou est-ce simplement un déplacement des lignes par lequel la précarité se recompose plutôt qu’elle ne recule ? Autre point clé : le décrochage scolaire et universitaire, qui demeure préoccupant. Une jeunesse moins formée, c’est un risque accru de précarité pour les générations futures, perpétuant ainsi un cycle de vulnérabilité économique. On ne peut nier l’apport des divers filets sociaux et des programmes d’aide déployés ces dernières années, qui ont corrigé certains déséquilibres.
Toutefois, l’indice de Gini, qui mesure les inégalités, s’est accentué, et le niveau de vie des classes intermédiaires n’a progressé que marginalement. Tous ces éléments démontrent que la réduction de la pauvreté, bien que salutaire, ne peut être résumée à un simple chiffre.
L’enjeu va bien au-delà : l’action doit être menée avec fermeté sur les fronts de l’inflation, de l’emploi et de l’éducation pour empêcher que la pauvreté ne revienne sous d’autres formes, plus insidieuses et plus difficiles à quantifier.
Meriem Allam / Les Inspirations ÉCO