Opinions

Développement territorial : l’étrange cas de la ville de Larache

Par Omar Tijani
Professeur à l’université Abdelmalek Essaadi, Chercheur associé au Centre de recherche et d’études en gestion IAE/Université de Pau et des pays de l’Adour.

Défavorisée, enclavée, sous-équipée en infrastructures et souvent médiatisée à des occasions dramatiques : incendies, trafic de drogue, féminicides… la belle cité de Larache compte aujourd’hui parmi les rares villes moyennes qui attendent encore l’amorçage du développement économique, social et urbain, à l’instar de leurs «consœurs» de la région telles que Tétouan, Al hoceima, Chaouen ou Fnideq… Comptant près de 125.000 habitants, le milieu urbain de la ville n’affiche certes pas d’indicateurs de développement alarmants, notamment en matière de pauvreté, de chômage et d’analphabétisme, ces phénomènes étant plutôt à caractère rural.

Pourtant, c’est au niveau de ses potentialités que le cas de Larache est étrange… Le secteur primaire y est béni… À une superficie agricole utile d’une grande fertilité, qui s’étend sur 141.807 ha, et des forêts vastes (77.534 ha), s’ajoute une large côte maritime, source de carrières de sables et fournissant du poisson de qualité, notamment des céphalopodes, des crustacés ainsi qu’une grande variété de poissons blancs.

La ville, qui regorge donc de potentialités, a aussi fait la une de la presse nationale en décembre 2021 avec la découverte du champ gazier d’Anchois (10,2 milliards m³ en ressources contingentes et 18 milliards m³ en ressources éventuelles de gaz naturel). Cependant, le secteur primaire est encore organisé de manière peu transparente et reste tributaire du modèle de la rente. La feuille de route pour le développement de Larache doit prévoir une libéralisation progressive du secteur, guidée par une logique d’investissement.

S’agissant du secteur secondaire, la ville est l’une des rares au Maroc à détenir un savoir-faire historique et enraciné, dans la production de sel marin(1), en plus des industries de transformation, notamment des fruits et des poissons. Un de ses points forts réside dans la jeunesse de sa population (48,7% sont âgés de 15 à 44 ans) et suffisamment formée.

Aujourd’hui, ce savoir-faire est délaissé pour «obsolescence». À noter, par ailleurs, que la seule zone industrielle et les zones d’activité de la ville n’ont pas connu d’extension depuis plus de 30 ans. Ainsi, le secteur secondaire nécessite une modernisation et une extension de l’infrastructure industrielle. il faut doter la ville d’établissements de formation sectorielle de niveau Bac+5, dans l’objectif de remonter le niveau des filières et de valoriser davantage le secteur agroalimentaire, particulièrement celui de la pêche.

Ainsi, avec une réelle volonté politique, la ville serait capable de se transformer en pôle agroalimentaire régional (2). Quant aux potentialités du secteur tertiaire, elles sont prometteuses : en effet, Larache abrite la prestigieuse cité antique de Lixus, vieille de plus de 3.000 ans et dont le site, bien aménagé, reste cependant fermé au public. La spécificité de Lixus, c’est qu’elle est susceptible d’attirer une clientèle d’un certain niveau culturel. Larache dispose aussi d’énormes potentialités dans le tourisme balnéaire grâce à ses larges plages atlantiques et à l’Oued Loukous.

Malheureusement, la ville bleue ne compte que 18 unités hôtelières, représentant 5% de la capacité d’accueil de la Région Nord! Il est nécessaire de la (3) désenclaver en l’ouvrant à l’international, via un aéroport local, le seul moyen de permettre aux millions (oui, des millions !) de touristes de se rendre à Lixus et de profiter de son écosystème, à travers une infrastructure touristique de qualité (hôtels, cafés, restaurant, circuits, sécurité, transport…) à la hauteur du site phénicien (4).

Il est à signaler que le prestigieux hôtel «Lixus Beach Resort», détenu par le groupe Alliances et installé aux pieds de Lixus, prévoit de recevoir 40% de la clientèle étrangère qui se rend dans la ville. Reste à savoir par quels moyens ils pourront y aller ! La ville (5) détient également un autre avantage de taille : une diaspora importante au Royaume-Uni, l’une des nations les plus riches d’Europe…

Argent, nature et Hommes (ressources financières, naturelles et humaines), ce sont les facteurs de production nécessaires, selon les économistes, pour créer de la richesse et enclencher le développement. Heureusement pour eux qu’ils n’ont pas connu le cas de Larache, ils auraient probablement remis en question leurs théories !

(1)- La production de sel marin est une activité industrielle qui fut pratiquée par les Phéniciens, dans la vieille ville de Lixus, il y a plus de 3.000 ans.

(2)- 5% seulement des entreprises industrielles de la Région Tanger-Tétouan-Al Hoceima se trouvent à Larache.

(3)- Larache ne dispose toujours pas de gare ferroviaire.

(4)- Près de 70% de la ville antique Lixus restent enfouis dans le sol.

(5)- Larache fait partie du patrimoine mondial des zones humides, qui constituent un réservoir de biodiversité précieux : faune, flore (plantes médicinales) et céréales (riz). Pour rappel, les zones humides protègent contre les crues et l’érosion des sols, maintiennent la qualité de l’eau et atténuent la pollution.


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