Une réforme en profondeur s’impose
Un plan d’action, visant la promotion du préscolaire, s’avère nécessaire pour mettre fin aux multiples dysfonctionnements qui minent le secteur. La généralisation de la préscolarisation et la garantie de la qualité de l’éducation sont deux défis de taille. La société civile, à elle seule, ne peut pas faire des miracles.
Le préscolaire doit être inscrit au cœur de la réforme éducative tant espérée. Son importance dans la réussite du parcours scolaire des enfants n’est plus à démontrer. Or, les efforts déployés jusque-là restent encore en deçà des aspirations. Ce constat a été encore une fois soulevé lors de la présentation du projet Réussir «renforcement de l’éducation préscolaire au Maroc», implémenté par Care international au Maroc, en collaboration avec le corps marocain pour l’enseignement préscolaire et d’autres partenaires. Les défis sont de taille, aussi bien, sur le plan quantitatif que qualitatif. Bien qu’elles soient très importantes, les actions de la société civile ne sont pas suffisantes pour redresser les dysfonctionnements et combler le déficit en matière de préscolarisation. L’enjeu de la généralisation se pose avec insistance. Plus de la moitié des enfants, âgés entre 4 et 5 ans, sont en dehors du système préscolaire. Uniquement 588.000 enfants de cette tranche d’âge sur un total de 1.342.385 (soit 43.80%) fréquentent actuellement un établissement préscolaire, d’après les données du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique. Ce retard abyssal déteint sur l’avenir de toute une génération. Même le nombre des éducateurs et leur formation laissent à désirer. À qui incombe la responsabilité ? La multiplicité des intervenants est parmi les principales causes de la défaillance de ce secteur qui ne relève pas exclusivement de la tutelle du ministère de l’Éducation nationale alors que ce département est censé avoir la tutelle sur les institutions qui accueillent les enfants entre 4 et 5 ans. Les enfants de moins de 4 ans relèvent de la tutelle du ministère de la Jeunesse et des sports.
Les enfants de plus de 5 ans révolus se retrouvent généralement dans les institutions sous la tutelle du ministère des Habous et des affaires islamiques. Le préscolaire traditionnel reste dominant avec plus de 60% des enfants préscolarisés, selon le CSEFRS. Responsables et experts sont unanimes sur la nécessité de réformer ce système qui ne répond pas à des impératifs opérationnels. Plusieurs axes d’intervention sont à prévoir, dont la nécessité d’atteindre l’équité territoriale dans l’accès au préscolaire. Les zones rurales enregistrent de faibles taux de scolarisation. Pire encore, le pourcentage des enfants préscolarisés en milieu rural est en régression. Cette situation est due au manque criant de l’offre préscolaire dans les établissements publics qui ne dépasse pas 7 à 8%. Peu de classes sont dédiées aux enfants entre 4 et 6 ans dans les écoles étatiques. Une situation inquiétante qui doit interpeller le ministère de l’Éducation nationale, principal acteur chargé d’assurer la promotion du secteur de l’enseignement.
Actuellement, la majorité de l’offre préscolaire est assurée par les associations et le secteur privé et elle se concentre en milieu urbain, principalement dans l’axe Kénitra-Casablanca. Il est, ainsi, temps de consacrer un budget suffisant à la promotion du préscolaire au sein de l’école marocaine pour toucher l’ensemble du territoire national. Jusque-là, le financement est le maillon faible de la vision gouvernementale. La généralisation du préscolaire nécessiterait un budget estimé entre 3 à 4 milliards de dirhams. La qualité n’est pas en reste. Elle ne pourra se concrétiser qu’en mettant en place le très attendu référentiel de l’enseignement préscolaire qui permettra de mettre fin à des années d’anarchie ayant marqué le secteur. Ce document porte sur plusieurs volets dont le cadre curriculaire, les compétences pédagogiques fondamentales, les domaines d’activité, les approches et l’évaluation des apprentissages, l’encadrement et la supervision… Ce référentiel qui devrait être implémenté dès la prochaine rentrée, facilitera une offre de service et un rendement de qualité, de façon équitable, pour tous les enfants en âge d’accéder à cet enseignement. En somme, une réforme en profondeur s’impose pour améliorer la qualité du système d’enseignement national en faillite depuis des années. Rappelons que la vision stratégique de la réforme 2015-2030, élaborée par le Conseil supérieur de l’éducation insiste sur l’importance de l’enseignement préscolaire comme levier de la réforme. Elle appelle à sa généralisation et à son obligation pour assurer l’équité et l’égalité des chances de tous les enfants sans aucune discrimination.
La société civile très impliquée
La société civile est dynamique dans le secteur du préscolaire. Parmi les initiatives réussies figure le projet Réussir «renforcement de la qualité de l’éducation préscolaire au Maroc», mis en œuvre par CARE International Maroc en collaboration avec le Corps marocain pour l’enseignement préscolaire et la Near East Foundation avec le financement de l’Agence française de développement. Les résultats de ce projet présentés, le 26 avril à Rabat, témoignent de l’importance de la formation des éducateurs, de la sensibilisation des parents surtout dans les milieux les plus défavorisés et de la mise en place des bonnes conditions de préscolarisation. Deux régions en ont bénéficié : Casablanca-Settat et Marrakech-Safi. Parmi les objectifs du projet qui a porté sur 40 unités préscolaires, figurent la contribution à la mise à niveau pédagogique et des infrastructures pour favoriser une éducation préscolaire équitable et de qualité, le renforcement de l’implication des parents dans l’éducation de leurs enfants, le développement d’un modèle de gestion redevable pour l’éducation préscolaire et primaire au Maroc.