Salim Saran : «Le Maroc est un modèle d’essor technologique en Afrique»

Tanger a accueilli du 10 au 12 mai, la 6e conférence sur les technologies, l’innovation et la société (CyFy Africa). Ce fut l’occasion de faire le point sur le développement technologique au Maroc, que l’un des organisateurs de cet événement, voit comme un modèle sur le continent. Interview avec Salim Saran, vice-président du Centre d’études et de recherches en Inde (ORF).
Les Inspirations ÉCO : Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le CyFy Africa ?
Salim Saran : Le CyFy est une plateforme qui a été créée il y a 5 ans, pour simplifier les outils technologiques et en faciliter la compréhension et l’usage pour l’individu. Auparavant, tout ce qui était relatif à Internet et les technologies intéressait moins l’individu. C’était un sujet davantage prisé par les think tank, les gouvernements, les politiques, etc. Tout cela paraissait trop lointain pour le simple citoyen. Le CyFy s’est alors donné pour objectif de rapprocher le quotidien de l’individu à la technologie, afin que chacun puisse comprendre comment la technologie est présente et influence sa vie. Par exemple, avec la menace des réseaux sociaux sur la vie privée des gens, l’utilisateur lambda doit être en mesure de se mobiliser afin de pousser son gouvernement à prendre des mesures qui le protègent. CyFy tente donc se simplifier les interactions technologiques, et d’enrichir le débat sur l’usage des technologies.
Pourquoi vous avez choisi le Maroc pour organiser la 6e conférence du CyFy Africa ?
Nous avons choisi le Maroc parce que c’est un partenaire traditionnel de l’Inde. C’est également un pays leader dans sa région, qui est connecté aussi bien à l’Afrique, l’Europe, et plus largement avec l’espace atlantique dans son ensemble. Le Maroc a pu conjuguer la tradition et la modernité face aux changements auxquels nous assistons. Si nous avions à chercher des solutions aux défis de l’ère du digital, nous aurons forcément à nous intéresser aux solutions africaines et à entendre les voix de l’Afrique. Et en Afrique, le Maroc s’érige en modèle. C’est à la fois un pays africain, arabe qui évolue presque aux mêmes standards que l’Europe. C’est un pays mondialisé qui est confronté à plusieurs réalités que l’on retrouve aussi en Inde.
Qu’est-ce que le Maroc et les pays africains ont à gagner à travers le CyFy Africa ?
Le CyFy Africa est une plateforme d’échanges. Nous ne sommes pas là à enseigner quoi que ce soit au Maroc ou à l’Afrique. Au contraire, nous sommes venus pour apprendre du Maroc et du continent. L’Afrique a beaucoup à partager avec le monde. Les expériences africaines dans le domaine des technologies, notamment le M-PESA au Kenya (paiement mobile), sont de véritables leçons pour toute la planète. Il en est de même des expériences africaines d’usage de la technologie pour le développement, la santé, etc. Vous avez pu initier des expériences technologiques accessibles à un grand nombre de gens. Nous sommes donc là pour créer des partenariats, des plateformes d’échanges, et des opportunités d’affaires, en plus de rapprocher les différentes vues qui s’intéressent aux mêmes problèmes d’ordre technologique.
Quel regard portez-vous sur le développement de la technologie en Afrique ?
Nous espérons que le CyFy soit une plateforme qui relie les différents acteurs africains dans le domaine technologique. Notre 6e conférence à Tanger a attiré une cinquantaine d’acteurs africains opérants dans le secteur privé. Nous espérons donc qu’ils pourront créer des partenariats avec les entrepreneurs du continent. Notre ambition est de créer un hub à Tanger afin de pouvoir soutenir entre 300 et 400 startups chaque année. Nous voulons que la ville de Tanger, et plus largement le Maroc, aient la même expérience réussie dans le domaine des savoirs que celle que nous constatons dans les infrastructures. Nous espérons que le CyFy sera un catalyseur pour réussir cet objectif de transformer le royaume du Maroc, en premier royaume du digital.
Quels sont les principaux défis au développement technologique en Afrique ?
J’en vois trois. Le premier est que la technologie doit être vernaculaire, c’est-à-dire qu’elle soit exprimée dans les langues locales. Aujourd’hui, la technologie est seulement déclinée dans les principales langues internationales, ce qui exclut de nombreuses catégories de personnes. La technologie doit alors épouser ces langues locales et se rapprocher de tout un chacun. Les réseaux sociaux et autres outils technologiques doivent être à la portée des gens qui ne parlent pas l’anglais par exemple. Le deuxième défi est lié à la possibilité de faire émerger des ressources humaines capables de profiter de la technologie. Il ne sert à rien d’avoir la technologie si les gens ne sont pas capables d’en tirer profit. Il faut donc transformer la jeune population africaine en une force qui sera bénéficiaire de la technologie. Enfin, le troisième et dernier défi, est que les pays africains doivent parvenir à unir le marché africain en un seul marché. Car aujourd’hui, chaque pays forme comme une sorte de petit îlot, alors qu’ils doivent tous former un marché robuste et fort, à l’instar de ce que nous voyons en Europe et aux États-Unis par exemple.