«Nous effectuons un provisionnement anticipatif sur les comptes sensibles»

Mohamed Benchaaboun, PDG du groupe BCP
Le Groupe Banque centrale populaire (BCP) affiche une bonne performance, au terme du premier semestre 2017. Le groupe annonce ainsi avoir consolidé ses performances économiques avec une profitabilité en nette progression. Le résultat net part du groupe s’apprécie de plus de 9,3% à 1,5 MMDH. La BCP dévoile également une solidité financière affirmée avec une amélioration du coût du risque. Détails…
Les Inspirations ÉCO : Comment expliquez-vous l’évolution de la marge d’intérêt au terme du premier semestre ?
Mohamed Benchaaboun : La marge d’intérêt consolidée a baissé de 3%, et ce malgré une augmentation du volume de crédits distribués de 6,2%, en raison notamment de la baisse des taux d’intérêt. La marge d’intérêt clientèle de la BCP ressort, par contre en nette amélioration (+3,5%). Pour cause, la BCP finance les gros projets d’infrastructure et distribue donc plus de crédits à travers le royaume (comparée à l’ensemble des Banques populaires régionales). Le groupe espère pourtant redresser la marge d’intérêt consolidée dans les mois à venir.
Vous avez baissé les dépôts rémunérés d’entreprise. Pour quelles raisons et quelles sont les alternatives de placement de trésorerie proposées aux entreprises ?
Dans un contexte de baisse des taux d’intérêt, le réflexe naturel de la banque est de réduire le coût de collecte des ressources. Nous avons par conséquent concentré nos efforts de collecte sur des ressources non rémunérées et abandonné progressivement les dépôts à terme. Donc oui, nous avons baissé nos dépôts entreprises parce qu’ils sont chers. Nous avons décidé de les orienter vers la gestion d’actifs, pilotée par le groupe (OPCVM), pour leur permettre de profiter d’une rémunération en adéquation avec l’évolution du marché (contrairement à un DAT où la rémunération est fixée à l’avance). À noter que notre filiale en charge de la gestion des actifs, UCM, enregistre actuellement les meilleures performances du marché et reverse l’essentiel des gains aux clients, dans la mesure où elle prélève de très faibles commissions. Les ressources au final n’ont pas quitté le groupe, mais ont juste changé d’affectation, au lieu de paraître dans le bilan de la banque au niveau des DAT, l’encours est placé dans les OPCVM.
Bank Al-Maghrib avait pris certaines mesures en 2016 pour relancer la machine des crédits. Ces mesures ont-elles porté leurs fruits ?
La principale mesure a été la baisse du taux directeur qui a été répercutée sur les taux débiteurs des banques, ce qui implique encore une fois la baisse de la marge d’intérêt. Cette baisse est la meilleure démonstration de corrélation entre la baisse des taux directeurs et sa traduction sur le marché de l’entreprise.
Pourtant les taux débiteurs sont repartis à la hausse au second trimestre ?
Oui, en légère hausse de quelques points. Mais ce n’est pas significatif…
Cette hausse fait-elle suite à la mise en garde de Bank Al-Maghrib ?
En effet, il y a un lien. Mais il faut savoir que lorsqu’on baisse les taux en dessous d’un certain seuil, dans une logique de dumping, cela se traduit par des pertes. Il faut donc trouver le bon équilibre. Pour rappel, les conditions de prix sont libres au Maroc, mais il n’empêche qu’en dessous d’un certain seuil, cela devient une pratique qui n’est pas recommandée.
Comment avez-vous réussi à baisser votre coût du risque de 8% ?
En effet, le coût du risque a baissé de 8% par rapport à la même période de l’année dernière. Naturellement, nous avons réalisé des efforts extrêmement importants dans ce domaine en recouvrant plus de 800 millions, mais nous avons maintenu notre politique prudente de provisionnement, avec une provision additionnelle de 1,6 MMDH, ce qui a permis de porter le taux de couverture consolidé du groupe à 78%, contre 76% l’année dernière.
Par ailleurs, nous avons un provisionnement anticipatif pour tous les dossiers qui montrent des signes de difficulté (créances sensibles ou watch list). À noter que la BCP, comme une grande partie des banques de la place, avait provisionné durant les exercices précédents de très gros dossiers, comme celui de la Samir. Ce n’est pas le cas pour cette année.
Vous avez renforcé votre effort de provisionnement en portant notamment la PRG à 3,6 MMDH. Cela ne risque-t-il pas d’attirer le fisc ?
Non, puisque la PRG supporte la fiscalité. Quand on constitue une provision pour risques généraux, l’impôt est payé au préalable. La PRG est exprimée en net. En d’autres termes, une fois le résultat constaté, nous payons l’impôt et ensuite nous constituons notre PRG. Et donc la PRG vient en diminution du résultat qui est affiché. Les gains annoncés par la banque doivent en réalité être retraités de la PRG. Le résultat final serait plus important si l’on rajoute cette provision.