Maroc

Influence chinoise en Afrique : le Maroc en première ligne

En Afrique, les entreprises chinoises ne se contentent plus d’investir dans les infrastructures. Elles déploient un arsenal hybride mêlant économie, guerre cognitive et influence institutionnelle pour consolider leur présence sur le continent. Un modèle que le Maroc, déjà terrain de grands projets avec Pékin, observe de près pour comprendre la portée réelle de cette stratégie.

La Chine multiplie ses implantations au Maroc. L’usine de batteries Gotion High-Tech en construction à Kénitra, la présence de Huawei dans les télécoms, ainsi que plusieurs projets énergétiques et industriels en préparation depuis le début de l’année, en témoignent. Le Royaume est devenu un point d’ancrage stratégique pour Pékin en Afrique du Nord.

Une récente étude intitulée «Les stratégies d’influence des entreprises chinoises en Afrique francophone : entre partenariat économique et guerre cognitive», publiée dans la revue Geopolitics and Geostrategic Intelligence, analyse cette dynamique à l’échelle de l’Afrique subsaharienne.

Menée par Zakaria Chraiha, doctorant à l’Université Hassan II de Casablanca, et Ghizlane Salam, professeure d’économie dans la même université, elle offre un cadre de lecture essentiel pour anticiper ce que la stratégie chinoise implique aussi pour le Maroc.

L’économie comme premier levier d’influence
Les chercheurs mettent en évidence un investissement colossal de 45 milliards d’euros entre 2020 et 2025 dans les pays francophones d’Afrique subsaharienne. Ces financements se concentrent sur les télécommunications (35%), l’énergie (28%), les transports (22%) et l’industrie manufacturière (15%). L’approche chinoise ne se réduit pas à un simple transfert de capitaux. Elle s’accompagne de transferts technologiques, de programmes de formation et de la création de zones économiques spéciales.

Ces dernières fonctionnent comme des laboratoires du modèle de développement chinois, adaptés aux contextes locaux.

«Les entreprises chinoises contribuent significativement à la formation des employés locaux et au transfert de technologies, créant des effets d’apprentissage durables qui dépassent la simple création d’emplois», rappellent les auteurs.

Une logique qui trouve déjà des résonances au Maroc, où plusieurs projets industriels prévoient également des transferts de savoir-faire.

La guerre cognitive, arme invisible mais redoutable
L’étude insiste sur une dimension moins visible mais tout aussi décisive : la guerre cognitive et informationnelle. Pékin agit sur le terrain des perceptions et des narratifs pour imposer son influence et affaiblir les récits concurrents, en particulier occidentaux.

La guerre cognitive repose sur trois leviers majeurs qui s’articulent entre eux. D’abord, les médias internationaux chinois comme CGTN et Xinhua diffusent des récits alternatifs qui contestent systématiquement les narratifs occidentaux.

Ensuite, les infrastructures numériques déployées par Huawei ne se limitent pas à des objectifs commerciaux, elles ouvrent aussi la voie à un contrôle potentiel des flux d’information et des données personnelles.

Enfin, les Instituts Confucius et les programmes de bourses universitaires façonnent les futures élites africaines en les imprégnant des valeurs et des méthodes chinoises, consolidant ainsi un réseau d’influence durable.

«L’analyse révèle trois modalités principales d’intervention cognitive, le contrôle et l’orientation des flux médiatiques, la diplomatie éducative et culturelle, et la promotion systématique de narratifs alternatifs qui exploitent les frustrations post-coloniales africaines», notent les chercheurs.

Au Maroc, la montée en puissance des coopérations académiques et culturelles avec la Chine laisse entrevoir une stratégie similaire, où l’influence ne passe pas seulement par les chantiers économiques mais aussi par l’esprit des générations futures.

Quand Pékin propose un autre modèle de gouvernance
La troisième dimension identifiée par l’étude est institutionnelle et normative. Pékin promeut le «consensus de Pékin» en opposition au «consensus de Washington». Une approche fondée sur le principe de non-ingérence, le pragmatisme économique et la mise en avant de modèles alternatifs à ceux proposés par l’Occident.

L’étude souligne que «l’influence institutionnelle et normative vise à promouvoir les modèles chinois comme alternatives viables aux modèles occidentaux».

Dans un pays comme le Maroc, où la diversification des partenariats est un axe stratégique, cette approche pourrait peser dans l’évolution des choix politiques et économiques. L’enjeu pour le Royaume sera de tirer parti des opportunités offertes par ce partenariat sans tomber dans une dépendance excessive.

L’étude de Chraiha et Salam montre qu’au-delà des capitaux et des infrastructures, l’influence chinoise repose sur une guerre des perceptions et sur la promotion d’un modèle de gouvernance qui redessine les équilibres mondiaux.

Une méthodologie rigoureuse

L’étude repose sur une revue systématique de 80 publications académiques parues entre 2020 et 2025. Les sources proviennent de bases indexées internationales comme Scopus, Web of Science, mais aussi de la plateforme IMIST Maroc, afin d’intégrer des travaux issus de la recherche marocaine.

Les analyses ont mis en évidence trois grands champs de recherche, à savoir l’économie politique des investissements chinois (40 %), la géopolitique du soft power (35 %) et la guerre cognitive et informationnelle (25 %). Cette démarche permet d’élaborer un modèle intégré d’écosystème d’influence hybride, applicable au-delà de l’Afrique francophone.

Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO



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