Perspectives économiques : la demande intérieure devrait doper la croissance

L’économie nationale maintient sa trajectoire de relance, soutenue par la vigueur de la demande intérieure et la reprise progressive de la demande extérieure. La consommation des ménages, dopée par le renforcement du pouvoir d’achat et la maîtrise de l’inflation, demeure un levier central, tandis que l’investissement public et privé continue d’alimenter la dynamique. Les services, l’industrie manufacturière et le BTP confirment également leur rôle de piliers de la croissance.
L’économie nationale devrait connaître une légère accélération au quatrième trimestre 2025, avec une croissance estimée à 4,7% en rythme annuel, contre 4,3% au trimestre précédent. D’après les projections du Haut-commissariat au plan (HCP), cette amélioration découlerait notamment d’une reprise de la demande étrangère, portée par la détente progressive des taux d’intérêt en Europe, favorable à la consommation et à l’investissement.
Parallèlement, les moteurs internes de la demande continueraient de soutenir l’activité, appuyés par le renforcement du pouvoir d’achat des ménages, lié à la hausse des salaires dans les secteurs publics et privés ainsi qu’aux gains fiscaux sur le revenu.
Dans ce contexte, la consommation des ménages progresserait de 4,4%, tandis que l’investissement poursuivrait son expansion à un rythme soutenu de 12,6%, grâce à la montée des dépenses d’équipement des entreprises non financières et à l’intensification de l’investissement public.
Reprise modérée dans l’industrie
Sur le plan sectoriel, les services resteraient le principal moteur de la croissance, avec une progression annuelle de 4,7% attendue au quatrième trimestre. Les activités commerciales, les services non marchands et ceux destinés aux ménages afficheraient les dynamiques les plus fortes. L’industrie amorcerait une reprise modérée, tirée par les filières des minéraux de carrière, de l’automobile et des industries électriques, tandis que le secteur de la construction enregistrerait une nette accélération, contribuant pour 0,4 point à la croissance globale.
Cependant, le scénario de croissance pour la seconde moitié de 2025 demeure empreint d’incertitudes, globalement orientées à la baisse, compte tenu des données disponibles au 1er octobre 2025, selon l’institution. Ces prévisions n’intègrent pas l’hypothèse d’un éventuel déstockage accru des entreprises exportatrices, si les effets de la politique monétaire européenne et américaine tardaient à stimuler la demande.
À l’inverse, des facteurs positifs pourraient renforcer les perspectives du secteur secondaire. Les exportations manufacturières pourraient s’avérer plus dynamiques que prévu, portées par l’entrée en vigueur, dès février 2026, du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.
Cette évolution soutiendrait la croissance des exportations de biens et services sans effet d’éviction marqué sur les importations. Les industries chimiques, électriques et d’équipement figureraient parmi les principales bénéficiaires de cette tendance.
Croissance soutenue et inflation maîtrisée
La dynamique globale, confirmée également par plusieurs institutions, dont Bank Al Maghrib dans sa dernière revue de conjoncture, dresse un diagnostic convergent de la conjoncture économique nationale. Tout en reconnaissant la poursuite de la relance, l’organisme souligne la fragilité persistante des équilibres macroéconomiques et met en avant les mêmes moteurs de croissance, une demande intérieure soutenue, une reprise graduelle de la demande extérieure et un investissement public vigoureux.
Selon le HCP, la reprise économique s’est accompagnée d’une inflation contenue, inférieure à 2%, soutenant le pouvoir d’achat et la consommation des ménages (+5,1%). Néanmoins, les branches secondaires et tertiaires demeurent le socle de cette expansion. Les industries manufacturières et extractives contribuent à près de 40% de la croissance globale, tirées par la dynamique du phosphate brut (+10,9%), des produits chimiques (+8%) et de la fabrication de matériels de transport (+18%).
Le BTP bénéficie quant à lui des programmes d’infrastructures et d’un regain de la construction, avec une hausse de 6,7% de sa valeur ajoutée et une envolée des ventes de ciment de 12%. Le secteur des services, dominé par le tourisme et l’hôtellerie, poursuit son redressement (+10,5%), appuyé par des recettes touristiques en progression de 14,3% selon BAM.
L’investissement, public comme privé, reste le pilier de la relance, avec une croissance à deux chiffres (+14,2% au troisième trimestre) et des financements facilités par des conditions monétaires accommodantes — taux directeur maintenu à 2,25% et crédit bancaire en hausse de 5,3%.
Cette dynamique a toutefois un revers. Si la baisse des prix de l’énergie atténue partiellement la facture, les exportations, en ralentissement (+3,8%), peinent à compenser la demande soutenue en biens de consommation et d’équipement. Sur le plan budgétaire, la relance s’accompagne d’un déficit du Trésor de près de 60 milliards de dirhams sur les huit premiers mois de l’année.
En revanche, le redressement de la croissance ne se traduit pas encore pleinement en emplois. Le taux de chômage recule modestement à 12,8%, mais reste élevé dans les centres urbains (16,4%) et chez les jeunes (35,8%). Les entreprises privilégient l’amélioration de la productivité à de nouvelles embauches, dans un contexte de hausse des coûts salariaux.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO