Aéronautique : comment Safran va propulser l’écosystème

Le Maroc affirme sa place dans la cartographie mondiale de l’aéronautique. C’est désormais depuis ses unités industrielles de Nouaceur que Safran assurera l’assemblage final, les essais fonctionnels et la maintenance du moteur LEAP, qui équipe les Airbus A320neo et les Boeing 737 MAX. Une évolution qui consacre la montée en gamme de l’écosystème national vers des activités à forte valeur technologique.
Le Maroc continue d’attirer la fine fleur du secteur aéronautique français. Un an après la visite du président Emmanuel Macron, le groupe Safran donne une nouvelle dimension à sa présence au Maroc en lançant à Nouaceur un complexe industriel d’envergure dédié au LEAP, turboréacteur de nouvelle génération qui équipe les Airbus A320neo et les Boeing 737 MAX.
Le projet s’étend sur vingt-cinq mille mètres carrés au sein de la zone Midparc, au sud de la capitale économique. Il englobe un atelier de maintenance, réparation et révision, et une ligne d’assemblage complète. Coût global de cette montée en gamme : 3,4 milliards de dirhams !
Concrètement, c’est à partir des unités industrielles de Casa, que l’équipementier assurera l’assemblage final, les essais fonctionnels et la maintenance du moteur LEAP, couvrant l’essentiel de son cycle de vie opérationnel. La conception, les essais thermiques et la certification demeurent pilotés depuis Villaroche, en France, où sont développées les nouvelles générations de composants et les innovations de matériaux.
Montée en gamme
Ce déploiement marque une étape clé dans le développement de l’écosyseme aéronautique. Pour la première fois, une ligne d’assemblage de moteurs Safran sort du territoire français, faisant du Royaume un pôle de production et de maintenance à part entière dans la chaîne mondiale. La future unité, opérationnelle en 2027, pourra assembler jusqu’à 350 moteurs par an (contre 150 aujourd’hui) et en entretenir 150 supplémentaires.
Autour, les sites existants de Tiflet, d’Aïn Atiq et de Casablanca seront étendus pour absorber la montée en cadence. Le mastodonte du CAC 40 a parallèlement signé un protocole garantissant l’alimentation de ses usines en énergie renouvelable à partir de 2026, conformément à son objectif de réduction de moitié de ses émissions de CO₂ d’ici 2030. Si le Maroc attire aujourd’hui les grands motoristes, c’est qu’il propose une équation que peu de pays peuvent aligner. Une main-d’œuvre qualifiée à moindre coût issue d’un dispositif de formation étroitement arrimé aux besoins du secteur.
En effet, les ingénieurs et techniciens formés à Casablanca, Nouaceur ou Salé évoluent déjà dans un écosystème où les normes de certification aéronautique – EASA et EN 9100 – sont de mise. S’y ajoute une stabilité macroéconomique rare et un environnement logistique jugé performant par les opérateurs.
Ce cadre, salué par les investisseurs, a été souligné par Ross McInnes, président du conseil d’administration de Safran, qui a mis en avant la coopération étroite avec le Maroc, «alliant stabilité politique et exigence industrielle». Autant de facteurs qui confèrent à l’écosystème local une maturité technique désormais reconnue et un positionnement singulier sur la chaîne de valeur mondiale.
Partie «noble» de l’avion
Ce glissement vers des procédés à haute valeur technologique traduit un changement d’échelle pour la filière. «L’aéronautique ne relève pas de la production de masse mais d’une industrie de faible volume et de forte valeur unitaire, mais où chaque composant doit répondre à des exigences de conformité absolue», explique un expert.
Une logique de production en ligne avec la vision de long terme portée par la tutelle. Présent à la cérémonie, le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, a salué une étape supplémentaire dans le développement du secteur aéronautique dont «le chiffre d’affaires à l’export est passé de moins de 1 milliard de dirhams en 2004 à plus de 26 milliards en 2024, a rappelé Ryad Mezzour. En deux décennies, le Maroc a bâti un écosystème qui compte plus de 150 entreprises, parmi lesquelles figurent plusieurs grands noms de la filière mondiale, et s’est imposé comme l’une des vitrines de l’industrie nationale».
Le complexe de Nouaceur s’inscrit dans cette continuité. L’investissement global consenti pour le projet est réparti entre une unité de maintenance et de réparation de moteurs d’avions d’une capacité de 150 unités par an, pour un investissement de 1,3 milliard de dirhams, ainsi qu’une usine d’assemblage et de test du moteur LEAP-1A, destinée aux Airbus A320neo.
Ce dernier, estimé à 2,1 milliards de dirhams, permettra la production de 350 moteurs par an et créera 300 emplois qualifiés à l’horizon 2029. Ce double investissement fait du Maroc le second site mondial de production du moteur LEAP-1A et confirme son intégration dans la chaîne de valeur de l’avion.
L’écosystème national, déjà structuré autour des métiers de câblage et des composites, franchit ainsi un nouveau cap, se rapprochant davantage de la partie plus noble du moteur. Ce double investissement fait du Royaume le second site mondial de production du moteur LEAP-1A et confirme son intégration dans la chaîne de valeur des motoristes.
Un site calibré sur les standards mondiaux
Le nouveau complexe industriel inauguré à Nouaceur par Safra positionne le Maroc sur un segment stratégique de la chaîne de valeur aéronautique, celui de la propulsion. L’installation permettra d’assurer la maintenance complète du moteur LEAP, qui équipe notamment les familles Airbus A320neo et Boeing 737 MAX.
Ce type d’activité exige un haut niveau d’intégration technique, des moyens d’essais performants et un environnement de certification conforme aux standards internationaux. À titre de comparaison, GE Celma, au Brésil, traite 500 moteurs par an avec quelque 1.800 employés, tandis que MTU Zhuhai, en Chine, affiche une capacité similaire pour un investissement équivalent.
Le site marocain adopte un modèle plus compact, davantage fondé sur la maîtrise des cycles industriels. Le ratio d’investissement situe Nouaceur dans la partie supérieure du segment des centres de maintenance et d’assemblage. Cette montée en compétence s’appuie sur une main-d’œuvre qualifiée et un tissu industriel déjà solidement implanté dans les métiers du câblage et des composites.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO