Maroc

Assurances : les primes impayées polluent les bilans des opérateurs

Avec l’accumulation des primes impayées qui polluent les bilans des compagnies d’assurances, le régulateur a durci le ton. La circulaire de 2015 était censée en finir avec la concurrence par le délai de paiement que se livraient les courtiers, surtout dans l’automobile. Six ans après, ces pratiques n’ont pas disparu, confirme l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale. Au moins 3 milliards de DH infectent encore les comptes des assureurs, selon l’estimation partielle du régulateur. 

Des pratiques qui font du délai de paiement de la prime d’assurance, le principal argument de vente, voire le seul chez beaucoup de courtiers, persistent encore sur le marché. Au lieu d’asseoir la compétition sur le conseil et l’expérience client, assureurs et intermédiaires se sont, il faut le dire, accommodés de cette guerre du crédit-client. Aujourd’hui, ce sont en principe, les dispositions édictées en 2015 qui devraient être appliquées en matière de règlement des primes d’assurance. Que disent-elles ? Que «les intermédiaires d’assurances sont tenus de déclarer dans un délai de dix jours, sauf convention contraire, les primes encaissées. La prime est réputée totalement encaissée lorsque les courtiers concèdent des facilités de paiement de leur propre initiative ; de ce fait, elle doit être déclarée comme encaissée». Les intermédiaires sont également tenus de déclarer les primes fractionnées ou afférentes à des contrats renouvelés par tacite reconduction, qu’ils n’ont pas pu encaisser dans les dix jours de leur échéance, sauf convention contraire.

L’automobile, mauvais élève
Dans les faits, les pratiques n’ont pas changé chez certains courtiers, ou plutôt chez la majorité des intermédiaires d’assurance. C’est surtout dans l’assurance automobile, qui fut jadis la vache laitière du secteur que la situation est la plus préoccupante et où faire évoluer les mentalités du client ne va pas de soi. Résultat, de nombreux courtiers et intermédiaires, souvent ceux qui n’ont que l’assurance automobile dans leur vitrine, continuent de faire presque comme si rien n’avait changé.

L’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS) le relève au cours de ses inspections. «Malgré les efforts déployés par l’ACAPS, en matière de sensibilisation et de formation et en dépit des sanctions dissuasives, certains intermédiaires d’assurances continuent à confondre la commission et la prime revenant aux entreprises d’assurances», confirme le régulateur. D’autres accordent des facilités de paiement à leurs clients, ce qui pèse sur leur trésorerie les empêchant, ainsi, d’honorer leurs engagements à l’égard des entreprises d’assurances. Pour certains intermédiaires, ces créances peuvent représenter plus de 4 mois de chiffre d’affaires, s’inquiète l’Autorité de contrôle des assurances.

La mesure imposant une convention d’habilitation, entre une compagnie d’assurance et les intermédiaires, vise aussi à poser un verrou en amont de manière à prévenir le problème de recouvrement. La circulaire de l’Autorité de contrôle des assurances stipule : «Pour encaisser les primes d’assurance et/ou régler les sinistres au nom d’une compagnie d’assurances, un intermédiaire (courtier ou agent général) doit expressément recevoir l’habilitation de ladite compagnie. La convention liant les deux parties doit préciser, par ailleurs, les règles et modalités de reversement des primes encaissées, le cas échéant, les règles et modalités de déclaration des sinistres, de leur gestion et de leur paiement».

L’ACAPS serre la vis
Le régulateur se dit déterminé à traiter le problème du non-reversement de primes encaissées par les intermédiaires, ce mauvais cholestérol qui menace la santé de tout le secteur. Une des réponses est apportée par la circulaire générale de 2019 qui oblige les entreprises d’assurance à signer des conventions de collaboration avec les courtiers pour organiser leur relation. Ces traités doivent préciser, entre autres, de manière expresse si le courtier est habilité ou non à encaisser les primes. Dans le cas où ce dernier a l’habilitation requise, le paiement de la prime entre ses mains est libératoire pour le souscripteur. Ces conventions fixent, également, les modalités de reversement des primes. Le régulateur a, par ailleurs, mis fin à la dérogation qui exemptait les assureurs du provisionnement de ces impayés.

Dorénavant, les sociétés d’assurances et de réassurance sont obligées de provisionner toutes les primes encaissées et non reversées par les courtiers, quitte à polluer encore plus leurs bilans. Toutefois, ces provisions sont diminuées des créances ayant fait l’objet de conventions de rééchelonnement avec un protocole de règlement, et ce, afin de permettre d’apurer graduellement les soldes, notamment ceux nés avant 2016, précise un responsable à l’ACAPS. Le monitoring régulier exigé par le régulateur a permis de mettre en évidence certaines pratiques et de les corriger à travers la clarification des soldes réels vis-à-vis des entreprises d’assurances et la séparation de l’impayé «assuré»» et l’impayé «intermédiaire». Les efforts déployés ont porté leurs fruits : il ressort, en effet, des situations déclarées par les entreprises, une baisse de 40% du montant total des créances sur les intermédiaires, passant de 5 MMDH au 30 juin 2020 à 3 MMDH au 31 décembre 2020, révèle l’ACAPS, mais qui précise aussitôt que «les entreprises d’assurances sont les plus à même de connaître la situation détaillée de leurs créances sur les intermédiaires».

Le régulateur multiplie les inspections, mais….

L’ACAPS effectue régulièrement des missions de contrôle auprès des intermédiaires d’assurances, en vue de s’assurer du respect de leurs conditions d’exercice et de la conformité de leurs pratiques commerciales. Le plan annuel de ces contrôles est réalisé selon une approche basée sur les risques en combinant un certain nombre d’indicateurs, dont dispose l’Autorité. Dans le cadre de ces missions, l’ACAPS veille, entre autres, à s’assurer du respect du délai réglementaire de reversement des primes encaissées par les intermédiaires. En cas de non-respect dudit délai, l’intermédiaire est passible des sanctions prévues en la matière selon la gravité des manquements constatés et le caractère de récidive de l’infraction.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO


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