Culture

Jazzablanca 2017 : «Ma vie a changé à Tétouan»

Murray Head Auteur, compositeur, interprète et acteur

Sa dégaine «so british» et son charisme n’ont pas pris une ride. À 71 ans, le chanteur-auteur-compositeur-acteur se sent comme un poisson dans l’eau sur scène. Avec plus de 50 ans de carrière et des tubes comme «One night in Bangkok» et «Say it isn’t so», le chanteur se confie avec beaucoup d’humilité à quelques heures de son concert, lors de cette 12e édition du Jazzablanca. Confidences d’une belle âme…

Les Inspirations ÉCO : Après plus de 50 ans de carrière et une quinzaine d’albums, ressentez-vous de la confiance ou plutôt de la pression avant chaque concert ?  
Murray Head : C’est difficile à dire. Il y a la maturité et le facteur expérience, c’est certain, mais il y a toujours la peur, l’appréhension, le trac, et c’est cela qui est beau. D’abord, on veut vous mettre en cage, on vous fixe une contrainte: le timing. On me demande de faire 1h30. C’est dur. Les meilleurs concerts sont ceux où on oublie l’heure, où on s’oublie justement. On a fait un concert à Belfort il y a quelques temps, cela a duré 3h. C’est peut- être parce qu’on ne sait jamais si on a vraiment convaincu ou pas. Cela est très français. Mon premier héros de scène est Jacques Higelin. Durant les années 70, il avait déjà deux ans de théâtre de rue à son actif. Chaque soir était complètement différent. Il s’était nourri de la rue, de la route, de l’improvisation. L’année dernière, j’ai eu la chance de voir Leonard Cohen avant sa mort. En sortant de son concert, il a demandé combien avait duré le concert de Bruce Springsteen, qui avait eu lieu la veille. Le producteur a répondu «3h10». Il lui a demandé «Combien on a fait, nous?» On lui a répondu «3h20»! Il a crié «Victoire»! (Rires). Même à 78 ans! C’est cela, l’âme d’un artiste. On se sent comme au premier jour.

Avez-vous préparé ce concert au Jazzablanca de façon particulière ?
Je cherche, dans ce que je fais, quelque chose qui va illustrer le Jazz. Je ne suis pas connu pour faire du Jazz, mais j’ai des chansons qui ont cette âme. J’ai de super musiciens, je peux compter sur eux. On est là pour donner la banane aux gens. Je ne peux pas sourire si je ne fais pas sourire les gens. On reçoit une sorte d’énergie accumulée, c’est notre boulot de prendre toute cette énergie et de la rendre. Je considère le live comme la chose la plus importante de notre métier. J’ai commencé à faire des concerts dans les années 60. On m’a repéré. J’écrivais des chansons. Le public aimait ça et j’ai commencé avec les 45 tours. Quand on arrivait aux 33 tours, on nous demandait de faire du live pour vendre des disques. On ne pouvait pas faire autrement. Maintenant on se retrouve sans disque, seulement du téléchargement et streaming. Cela fait qu’on n’est pas là pour vendre un disque. La forme change. Le concert est devenu une communion. C’est une histoire d’énergie avec le public…

Justement, les publics ne sont pas les mêmes en fonction du pays, de la culture, de la langue. Dans quel état d’esprit allez-vous à la rencontre du public marocain ?
Il faut trouver le public. Je viens ici avec la peur au ventre. Je ne le connais pas encore. Je sais qu’on a des rythmes similaires, je connais toute la richesse de la musique traditionnelle marocaine et l’ouverture du Maroc pour les musiques du monde. Je connais bien le Maroc. Je suis arrivé à Tanger en 1962. Expérience surréaliste: je suis venu pour une lune de miel d’amis. Je ne vais pas m’attarder sur les détails. Un baptême avec le Maroc très important. Ma vie a changé à Tétouan. J’ai rencontré un homme exceptionnel, un artisan qui fabriquait des tapis à la main. J’ai visité Tétouan 40 ans plus tard, ce n’est plus la même ville du tout. Elle a complètement changé. Ma ville préférée, c’est Taroudant. J’aime l’authenticité de cette ville. J’aime les villes agricoles. Un côté égalitaire, simple, que j’admire. Essaouira est une ville magique, j’ai passé un moment formidable à la réserve de Massa. J’y ai tourné «Dust in the Wind», il y avait beaucoup de «dust» et beaucoup de «wind»! (Rires).   

Vos chansons n’ont pas pris une ride. «Say it isn’t so» colle autant à l’actualité aujourd’hui qu’il y a 40 ans… Quel est le secret de la longévité de vos chansons ?
Je réfléchis sur ce que je vois, je me pose des questions un peu à contre-sens. J’ai vécu pas mal de choses, il y a pas mal de valeurs qui, avec la montée du capitalisme, ont été sacrifiées. Je me suis toujours promis de ne pas ressembler à mes parents mais, aujourd’hui, je dis la même chose qu’eux: «C’était mieux avant». On a perdu beaucoup de choses. Je sens qu’on est presque à la fin du capitalisme. Ce serait vachement bien! (Rires). Elle colle parfaitement à l’actualité d’aujourd’hui, oui. On est en train d’entendre les pires choses aujourd’hui et il n’y aucun lien avec le peuple. Le Brexit, Trump sont des catastrophes. Je ne sais pas si la vie était plus simple, avant. Ceci dit, j’ai l’impression que les choses étaient plus vraies, plus réelles. Cela m’a sûrement aidé dans mon processus de création.

Que pourrait-on souhaiter de mieux à Murray Head ?
De mourir sur scène, comme Molière ! (Rires). 



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