Professionnalisation du marché des capitaux : l’AMMC impose une exigence de compétence

Face aux exigences croissantes de transparence, de compétence et de sécurité sur les marchés financiers, l’Autorité marocaine du marché des capitaux déploie un dispositif d’habilitation professionnelle ambitieux et rigoureux. Conçu pour encadrer l’accès aux fonctions sensibles, ce mécanisme impose aux professionnels un niveau élevé de qualification technique, réglementaire et déontologique.
L’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) a hissé l’exigence de compétence au rang de principe structurant du bon fonctionnement du marché. Avec son dispositif d’habilitation professionnelle, désormais pleinement opérationnel, l’AMMC met en place une véritable barrière à l’entrée pour les fonctions sensibles, alliant exigence technique, rigueur déontologique et alignement international.
Une réponse structurée aux enjeux de transparence et de protection
Face à la complexité croissante des marchés financiers et à la nécessité de protéger l’épargne investie, l’AMMC a fait le choix de la qualification. Instauré par la loi 43-12, son dispositif d’habilitation professionnelle vise à garantir que les fonctions les plus critiques soient exercées par des profils qualifiés.
Au-delà de la conformité réglementaire, il s’agit de renforcer la confiance des investisseurs, tout en alignant le marché marocain sur les meilleurs standards internationaux. Ce dispositif structurant a fait l’objet d’un éclairage détaillé dans «La Revue du Marché des Capitaux» publiée par l’AMMC.
Le principe est simple, mais rigoureux. Pour occuper l’un des sept postes jugés sensibles, de contrôleur interne à gérant de portefeuille, en passant par un négociateur ou un analyste financier, le professionnel doit obtenir une habilitation délivrée par l’AMMC, après examen. À fin 2024, 378 personnes étaient officiellement habilitées, sur un total de 512 candidats. Le taux de réussite avoisine 74%, traduisant un niveau d’exigence élevé.
Un dispositif entièrement digitalisé, au service de la transparence
Dès sa conception, l’AMMC a souhaité que le processus d’habilitation soit entièrement digital. Une plateforme dédiée assure la gestion de bout en bout, de l’inscription à la convocation aux examens, en passant par la diffusion des résultats et la mise à jour du registre public des professionnels habilités.
Cet outil, pensé comme un levier d’efficience et de traçabilité, renforce la transparence du processus et fluidifie les interactions avec les opérateurs de marché. Il permet également à l’AMMC de mieux piloter les sessions, de fiabiliser les données et d’accélérer la prise de décision.
Sept fonctions au périmètre clairement défini
Le dispositif s’applique aux professionnels exerçant à temps plein au sein des entités soumises au contrôle de l’AMMC, sociétés de bourse, banques teneurs de comptes, sociétés de gestion d’OPC, Maroclear, Bourse de Casablanca, conseillers en investissement financier (CIF), mais aussi acteurs du futur marché à terme. Les fonctions assujetties sont strictement définies par l’arrêté n°1756-17.
Le contrôleur interne, par exemple, veille à la conformité réglementaire des opérations et au suivi des risques. Le conseiller financier, quant à lui, oriente les clients sur leurs décisions d’investissement et peut pratiquer le démarchage. Chaque poste requiert des connaissances ciblées et une compréhension fine des mécanismes de marché.
L’examen d’habilitation, obligatoire pour accéder aux fonctions ciblées, prend la forme d’un QCM de 100 questions couvrant un tronc commun réglementaire et des modules spécialisés. Seuls les candidats obtenant un score supérieur ou égal à 75% sont habilités pour trois ans. Pour les contrôleurs internes, un oral devant un jury de l’AMMC complète l’épreuve écrite.
Le socle de connaissances exigé est structuré autour de 14 thématiques allant du cadre juridique à la finance durable, en passant par la déontologie, les instruments financiers, la gestion collective ou encore les infrastructures de marché. Cette approche permet à l’AMMC de s’assurer que les professionnels maîtrisent non seulement les textes, mais aussi les pratiques du secteur.
Une ouverture vers l’international avec la certification CISI
Fait notable, la fonction de gérant de portefeuille se distingue par un traitement spécifique. Elle nécessite, depuis 2023, la réussite d’une certification internationale développée en partenariat avec le Chartered Institute for Securities & Investment (CISI).
Cette certification, baptisée «Gestion des investissements», comprend un module technique général et un module local dédié au cadre réglementaire marocain. Elle consacre la volonté de l’AMMC de faire reconnaître les compétences locales à l’échelle internationale. Une réflexion est également en cours pour adapter une certification de même nature à la fonction d’analyste financier.
Parce que la compétence n’est pas acquise une fois pour toutes, l’habilitation doit être renouvelée tous les trois ans. Deux voies sont prévues selon l’ancienneté professionnelle. Les profils ayant dix ans d’expérience ou plus peuvent opter pour une formation continue de 50 heures, à la charge de l’employeur. Les autres doivent repasser un examen écrit de 50 QCM, concentré sur les évolutions réglementaires et les risques émergents. Ce système hybride permet à l’AMMC de maintenir un haut niveau de professionnalisme, tout en tenant compte de l’expérience accumulée par les acteurs de marché.
Une gouvernance collégiale avec le Comité consultatif d’habilitation
Pour garantir la pertinence et l’adaptabilité du dispositif, l’AMMC s’appuie sur le Comité consultatif d’habilitation (CCH). Composé de représentants de l’Autorité et des associations professionnelles, ce comité formule recommandations et avis sur les contenus de formation, l’organisation des examens ou les critères d’éligibilité.
Ce dialogue institutionnalisé entre le régulateur et les acteurs de marché participe à une régulation plus intelligente, ancrée dans les réalités opérationnelles du secteur. Lancé en 2019, le dispositif a connu une dynamique marquée dès ses premières années. Plus de la moitié des professionnels habilités ont été certifiés entre 2019 et 2021.
La montée en puissance se poursuit avec deux sessions organisées chaque année (hors période Covid), et un nombre croissant de demandes de renouvellement, majoritairement par voie de formation continue. En 2025, une nouvelle session est prévue en décembre, confirmant la volonté de l’AMMC d’inscrire ce processus dans le temps long, avec une logique d’amélioration continue.
Au-delà des chiffres, le dispositif d’habilitation professionnelle traduit une ambition forte de faire du capital humain un pilier de la régulation du marché. En érigeant la compétence en condition d’accès aux fonctions stratégiques, l’AMMC joue pleinement son rôle de garant de l’intégrité et de la transparence du marché.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO