Cinéma : un nouveau Superman qui a du chien

Le nouveau «Superman» remplit les salles. Un succès mérité, concocté par un James Gunn triomphant, toujours espiègle, mais pas trop. David Corenswet dans le rôle-titre est sans reproche, de même que Rachel Brosnahan en Lois Lane.
L’on doit à James Gunn la tonitruante arrivée sur grand écran des «Gardiens de la galaxie», en 2014. Surprenante d’irrévérence, l’adaptation était alors une bouffée de fraicheur dans un monde de super-héros qui tendait à se prendre un peu trop au sérieux.
Depuis, la recette a été tellement utilisée (Thor bedonnant et dépressif ayant été un amusant usage de cette approche) qu’elle est quelque peu usée. Le public — et James Gunn — a pu s’en lasser. Pour relancer l’univers de Superman, le scénariste et réalisateur s’est donc attaché à revenir aux basiques : son Superman est quelqu’un de gentil, mais avec des super-pouvoirs. Gentil, comme dans ces vieux films de Frank Capra, où la gentillesse était la supposée marque de fabrique de l’Amérique des gens simples, vrais, humains.
De l’Amérique «great», en somme. L’époque a peut-être un peu changé, puisque l’une des polémiques dont l’Internet a le secret vient de spectateurs qui s’indignent de ce que lors d’un combat, forcément titanesque, l’homme volant prenne la peine de sauver… un écureuil. La scène est pourtant très révélatrice des intentions de Gunn.
Superman contre un milliardaire de la Tech
Le pitch est simple, comme le genre le commande. Alors que Superman se retrouve impliqué dans des conflits aux quatre coins du globe, ses interventions en faveur de l’humanité commencent à susciter le doute. Lex Luthor, milliardaire de la Tech et manipulateur de génie, en profite pour tenter de se débarrasser définitivement de Superman.
Lois Lane, l’intrépide journaliste du Daily Planet, pourra-t-elle, avec le soutien des autres «méta-humains» de Metropolis et le fidèle compagnon à quatre pattes de Superman, empêcher Luthor de mener à bien son redoutable plan ? Poser la question est évidemment y répondre. C’est Superman. Bien qu’il s’agisse d’un «reboot», Gunn fait preuve d’intelligence en se dispensant de raconter l’histoire de l’arrivée du super-héros sur terre. Après tout, la planète entière la connaît déjà (et cela laisse possible un éventuel prequel).
Le film s’ouvre donc sur la chute de Superman, vaincu dans un combat que l’on ne voit pas. L’astuce est habile et amusante. Son sauvetage par un super-chien place le niveau de comique et de légèreté qui animera le long métrage. Les relations de Clark Kent et Lois Lane ont toutefois ceci de déroutant qu’elles sont assez réalistes. C’est encore le bonheur aisé d’une idylle naissante, mais commence à poindre le choc de la rencontre des deux volontés dans le couple : celle de bien faire de Superman et celle de l’éthique journalistique de Lois Lane, plus terre à terre. La relation y survivra-t-elle ?
Lorsque la réalité rattrape la fiction
L’autre polémique autour du film, de taille celle-ci, repose sur le fait que Superman y défend un petit pays très pauvre, le Jarhanpur, menacé d’invasion par une très belliqueuse Boravie, qui dispose d’une armée puissante, à la pointe de la technologie puisqu’alliée des États-Unis et équipée par Lex Luthor. Curieusement, dans la vraie vie, les ardents défenseurs du gouvernement Netanyahou y voient une allusion directe à ce qui se passe à Gaza et appellent au boycott du film. En réponse, sur Internet, se répandent des mèmes (dessinés) d’enfants gazaouis au milieu des ruines, avec une cape de super-héros.
À l’écran, pourtant, le président de la Boravie évoque plutôt une caricature de chef d’État des Balkans, avec des assistants russophones. «Lorsque j’ai écrit ce film, le conflit au Moyen-Orient n’avait pas encore éclaté. J’ai donc essayé de faire en sorte que cela n’ait rien à voir avec», a expliqué Gunn au Times de Londres.
Il précise : «Il s’agit de l’invasion par un pays beaucoup plus puissant, dirigé par un despote, d’un pays dont l’histoire politique est problématique, mais qui n’a aucune défense contre l’autre État. C’est vraiment de la fiction.» Une fiction bien faite, visiblement, puisque les deux parties d’un conflit qui divise le monde entier s’y reconnaissent, d’une façon ou d’une autre. Le rappel, par le scénario, de la condition d’immigré de Superman joue peut-être aussi dans cet accueil haut en couleur.
La culture pop semble avoir ses propres super-pouvoirs. Pour le reste, et sans divulgâcher, ce «Superman» est une version de bonne facture, qui respecte à la lettre les codes de son genre. Il a de quoi ravir ses amateurs. Ce que tend à prouver sa position très estimable au box-office, avec déjà plus de 420 millions de dollars récoltés dans le monde depuis sa sortie. Nul doute que ce nouvel univers va se perpétuer sur les écrans dans les années à venir, d’autant que James Gunn est maintenant co-président des Studios DC, s’assurant ainsi une confortable marge de manœuvre.
M.C. / Les Inspirations ÉCO