Maroc

Pesticides : comment la non-conformité impacte la rentabilité agricole

En agriculture, l’emploi de pesticides est une pratique établie destinée à protéger les cultures des maladies et des ravageurs. Les produits phytosanitaires constituent une charge directe et visible, pouvant représenter jusqu’à la moitié des coûts de production.

Cependant, au-delà de cette dépense initiale, l’utilisation de ces intrants génère des coûts cachés, particulièrement sur le marché domestique. La non-conformité aux bonnes pratiques, l’absence de traçabilité et un cadre de distribution peu structuré créent des passifs économiques qui affectent la rentabilité du secteur, la santé publique et l’environnement.

Au Maroc, l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) réglemente le marché des phytosanitaires via un processus d’homologation strict. Cet investissement, qui peut atteindre 40% des coûts de production pour certaines filières, est jugé nécessaire par les producteurs pour sécuriser les rendements.

Pour Kamal Aberkani, expert en sciences de l’agriculture à l’Université Mohammed Ier, les produits phytosanitaires sont une composante majeure des dépenses agricoles, une pression financière assumée par les producteurs pour garantir la viabilité de leur production dans un modèle d’agriculture intensive.

Risques économiques
Alors que le secteur de l’exportation est très contrôlé, le circuit de commercialisation local présente d’importantes défaillances. Cette dichotomie est un point central pour Aberkani qui assure que de nombreux agriculteurs opérant pour le marché intérieur manquent de formation adéquate sur le choix des produits ou les dosages. Selon lui, la distribution s’effectue souvent via des canaux informels où le conseil technique est absent et la traçabilité inexistante.

Contrairement aux exportateurs qui bénéficient d’un encadrement, le producteur local est souvent seul face à ses décisions. Chaque erreur ne se traduit pas seulement par un risque sanitaire mais aussi par une perte économique, transformant un investissement initial en un passif potentiel.

L’impact économique de la non-conformité sur la chaîne de valeur
Les coûts cachés liés à la non-conformité pèsent sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Sur le plan sanitaire, l’augmentation de pathologies liées aux résidus de pesticides engendre des dépenses pour le système de santé.

Sur le plan environnemental, la contamination des nappes phréatiques et des sols dégrade le capital naturel. Face à cette situation, l’expert insiste sur la notion de responsabilité partagée. Il estime qu’il est injuste de culpabiliser uniquement le producteur, qui subit des pressions économiques et climatiques. La rentabilité est ainsi doublement affectée.

sécuriser la rentabilité future
Pour Aberkani, plusieurs solutions structurelles peuvent transformer ces passifs en actifs. La première est de poursuivre l’organisation des agriculteurs en coopératives et associations pour mutualiser les risques et bénéficier d’un meilleur encadrement. Il préconise également la mise en place d’un engagement contractuel entre producteurs, revendeurs et compagnies phytosanitaires, soutenu par un cadre juridique clair.

Enfin, l’expert voit dans la digitalisation une opportunité pour instaurer une traçabilité complète. Des outils numériques pourraient suivre un produit de la parcelle au consommateur, garantissant sa conformité et justifiant sa valeur.

Cette transformation prendra du temps, une dizaine d’années selon l’expert, mais elle est indispensable pour maîtriser les risques, sécuriser la rentabilité et renforcer durablement la compétitivité de l’agriculture marocaine.

Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO



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