Booder (Mohammed Benyamna) : “J’ai vraiment hâte de jouer chez moi devant le public marocain”
Aujourd’hui, Booder, de son vrai nom Mohammed Benyamna, est l’un des artistes les plus appréciés de sa génération. Pourtant, le chemin a été long pour atteindre le haut de l’affiche. La vie de Booder a été une succession de batailles, d’échecs et de victoires depuis sa naissance le 13 août 1978, à Bouarfa, et son enfance difficile. Il a grandi à Paris et, dès l’adolescence, il a été attiré par le monde de la comédie. Le public le suit depuis plus de 20 ans, séduit par son humour, son talent et son physique atypique. L’humoriste et comédien en parle aux Inspirations ÉCO à l’occasion de son spectacle «Booder is back», joué à guichets fermés, le 8 février dernier à Meximieux, dans le sud-est de la France.
Vous êtes actuellement en tournée nationale avec le spectacle «Booder is back». Que racontez-vous au public ?
C’est une tournée nationale et internationale. Je joue en effet en France, en Suisse, en Belgique, au Luxembourg, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Canada. Ce spectacle retrace un petit peu ma vie artistique, ma vie en tant que papa et tout part de ma chambre d’enfant qui en constitue le décor. Cela parle des déboires de mon premier spectacle, de mes premiers pas dans ce milieu artistique, de l’éducation de mon enfant. C’est un petit peu le résumé de ma vie. C’est aussi ma vision de cette société dans laquelle on vit. Le mot d’ordre du spectacle, c’est le vivre ensemble.
Booder est de retour partout mais, au Maroc, ce sera pour quand ? Vos fans vous attendent…
Le Maroc, c’est prévu depuis longtemps. On attend juste que ça s’arrange sur le plan des restrictions sanitaires. Les frontières du pays ont rouvert le 7 février. La culture au Maroc a été, sans mauvais jeu de mot, mise au point mort. Je devais jouer à Casablanca, Rabat et Agadir. Ce qui me rassure, c’est que les spectacles ne sont pas annulés mais seulement reportés. J’ai vraiment hâte de jouer chez moi devant le public marocain.
Avant de monter sur scène, est-ce que vous aveztoujours le trac ?
Non, mais j’ai l’angoisse de la salle vide !
Est-ce qu’il y a eu des soirées où les gens n’ont pas ri ou ont eu de mauvaises réactions à vos sketches ?
Pour moi, ce n’est jamais la faute du public. C’est trop facile de dire que le public n’a pas ri. Notre métier, c’est l’humour. Si les gens ne rient pas, c’est que ce n’est pas drôle.
On vous a connu en tant que comédien dans les films «Neuilly sa mère» et «Beur sur la ville». Avez-vous envie de passer derrière la caméra ?
Tout à fait. Je viens de terminer l’écriture de mon prochain film qui sera tourné l’été prochain. Il sortira dans les salles en 2023. Je me dirige de plus en plus vers le cinéma.
Au fil des années, vous êtes devenu très populaire auprès du public. Est-ce la chance qui a tourné en votre faveur ou le travail qui a payé ?
Pour moi, chacun a sa propre définition du mot réussite. Moi, à partir du moment où il y a 4 personnes qui mettent leur veste et 20 euros dans leurs poches pour venir me voir en spectacle, c’est une réussite. J’ai joué à Meximieux, dans le département de l’Ain, je ne connaissais même pas cette ville. Pourtant, la salle a affiché complet… je suis donc le plus heureux des artistes.
Vous avez eu envie de raconter tout cela dans un livre. Pouvez-vous nous en parler ?
Mon livre s’intitule «Un bout d’air». Il retrace ma vie depuis que je suis né au Maroc, à Bouarfa, jusqu’à aujourd’hui. C’est autobiographique. J’y raconte mes échecs, mes réussites, mes conneries.
Vous dites que vous avez retrouvé votre fils grâce au confinement…
En mars 2020, notre vie a été bouleversée par le confinement. Moi, cela m’a permis de réaliser que j’avais un enfant que je voyais peu à cause du travail. Et quand j’étais à la maison, lui, il était à l’école. Pendant cette période, j’ai appris beaucoup de choses sur mon gosse, qu’il était gentil et qu’il pouvait être chiant. On s’est séduit tous les deux, on a passé beaucoup de temps ensemble. Aujourd’hui, il a 11 ans mais au moment de l’écriture du spectacle, il en avait 8. Il est à la fac, tout se passe bien !
Quelles leçons peut-on tirer de cette crise sanitaire qui a chamboulé nos relations sociales ?
On s’est tous retrouvés égaux face à la maladie. Beaux, moches, grands, petits, gros, maigres… c’est pareil pour tout le monde. Peut-être que les plus riches se sont confinés dans un château mais ils étaient aussi privés de sortie. Privés de liberté. Cela nous a aussi rappelé les vraies valeurs de la vie, de la famille.
En France, la campagne pour les présidentielles a démarré. Êtes-vous engagé aux côtés d’un des candidats ?
Pas du tout. Mais, je dis qu’il faut voter parce que c’est la seule arme dont nous disposons. Quand on n’est pas content, il faut voter. C’est un droit et un devoir. Voter pour qui, ça, c’est une autre histoire.
Pensez-vous pouvoir être le porte-drapeau de la diversité qui réussit ?
Moi, je suis issu de terre et d’argile comme tous les êtres humains. Les frontières n’existent pas, il n’y a pas de Français, Marocains, Algériens, Sénégalais, Russes, etc. Il n’y a que des êtres humains. Je suis de cette diversité-là.
Le Maroc et le monde entier ont pleuré la mort du petit Rayan. Quelle est votre lecture de l’émoi suscité par ce drame ?
C’est un enfant, c’est un ange. Nous avons tous été bouleversés par cette histoire et chacun a considéré Rayan comme un membre de sa famille. Le monde entier a exprimé sa compassion: le pape, de nombreux chefs d’État et des millions d’anonymes. Il faut saluer les secours marocains, les gens du village d’Ighrane et notre Roi Mohammed VI, qui ont tout mis en œuvre pour sortir cet enfant de ce puits. J’estime que si l’on a pu être solidaire pour Rayan, nous pouvons être solidaires avec tous les enfants et faire en sorte que tout aille bien pour eux. Il faut savoir que le petit Rayan est tombé dans ce puits parce que son père était là pour récupérer de l’eau. Il y a des endroits au monde où l’eau est rare et nous, on laisse parfois (voire souvent) le robinet couler en continu. Il faut nous remettre en question et penser aux gens qui n’ont rien.
Fatima El Ouafi / Les Inspirations ÉCO