À cœur ouvert avec un caméléon de l’écran
De «Le Patriote» à «la chute du Faucon noir» en passant par «Harry Potter» où il incarne l’abominable Lucius Malfoy, Jason Isaacs est un acteur multi-rôles. Charismatique, il switch entre le théâtre, la télévision et le cinéma avec une facilité déconcertante. Présent à la 16ème édition du Festival International du Film de Marrakech, il nous parle de sa carrière, vraiment impressionnante. Confidences d’un grand acteur.
Les ÉCO : Le Maroc, vous connaissez déjà. Vous y avez tourné « Black Hawk Down »…
Jason Isaacs : Oui ! En 2001 à Salé…Je suis revenu en 2007 pour tourner « Green Zone », toujours à Salé, à Sidi Moussa, j’ai revu plein d’amis d’ailleurs. Et là je reviens à Marrakech, avec la délégation américaine de producteurs et professionnels du cinéma. Je redécouvre Marrakech, Ouarzazate, les studios, le festival. Je profite du soleil, de la bonne nourriture et je regarde des films !
Est ce que votre façon de regarder un film a changé depuis que vous êtes acteur professionnel ?
Je ne pense pas…C’est une question difficile ! (Rires). En fait, quand le film est bon, j’oublie tout. Je ne fais pas attention à la mise en scène, aux prises, au jeu d’acteur, je suis fasciné en tant que spectateur tout simplement. Quand je commence à me poser des questions sur un film c’est qu’il est mauvais. Mais s’il est bon, je me laisser aller dans le film sans poser de questions.
Quand on voit votre filmographie, vous enchaînez les tournages, de la télévision au cinéma. Comment choisissez-vous vos projets ?
Je choisis au feeling. Lorsqu’un rôle me parle, une histoire m’émeut, je dis oui. J’essaie de faire des choses que je n’ai jamais faites. Parfois, je suis obligé d’accepter des grosses productions pour faire vivre ma famille parce que si cela ne tenait qu’à moi, je ferai du théâtre de boulevard ou des films à petits budgets ! (Rires). Il y a le facteur lieu et temps, combien de temps je vais être loin de ma famille, où est ce que cela va se passer…Il y a certes plein de questions mais au final c’est le cœur qui prend le dessus. Il y a toujours ce que je dois faire et ce que ma voix intérieure me dit de faire. Ce qui est intéressant, les projets qui font grandir. Des fois, je me sens coupable de faire le métier que je fais parce que je m’amuse beaucoup à le faire…Que ce soit une tragédie, une comédie, je sais qu’au fond de moi c’est le garçon de 5 ans qui aime se déguiser qui va s’exprimer au final…
Est ce que c’est plus facile pour vous de jouer des rôles de méchants ?
Ce ne sont pas vraiment des méchants. Enfin pas selon eux. Je ne joue jamais quelqu’un qui ne pense pas être sur le droit chemin. Il y a deux dimensions : ce qui est écrit sur les pages et ce qui va être joué par la suite pour permettre aux gens de les juger, voire de les détester. Mais pour moi, je joue quelqu’un auquel je crois sinon le public ne me croira pas ! Je pense que le méchant qui a le plus de succès, c’est le méchant de Harry Potter. C’est juste un raciste et un lâche. Il pense que le monde était meilleur il y a longtemps quand des gens comme lui régnaient sur le monde. Le racisme c’est l’ignorance mélangé à la peur et à l’arrogance. Des défauts que je peux comprendre lorsque je campe ce genre de rôles, cela me permet d’être crédible. Donald Trump n’a pas l’impression d’être le méchant dans l’histoire…Il l’est pour beaucoup de gens mais pour lui, il pense faire ce qui est juste. C’est comme cela que j’appréhende mes personnages.
Est ce que des films comme «Soldier» ou «Event Horizons» sont possible à faire aujourd’hui, dans le contexte dans lequel nous vivons ?
Les studios ont changé. Ils ne font plus autant de films qu’avant. Ils choisissent ceux qui vont faire un tabac ou réfléchissent marketing donc je pense que plusieurs des films dans lesquels j’ai joué n’auraient pas été possible à faire aujourd’hui. Mais ils auraient sûrement vu le jour à travers des films à petit budget ou des téléfilms. Leurs réalisateurs auraient trouvé un moyen de s’exprimer. Les films reflètent la réalité du moment, vers quoi les gens ont besoin de se projeter et cette réalité change. Je pense que nous allons vivre des moments difficiles avec les politiques européennes et américaines. Les histoires qu’on va se raconter seront pleines de contractions, de questionnements même si les réponses sont souvent simples. L’avenir nous le dira…
Les acteurs anglais ont un côté shakespearien qui fait d’eux les meilleurs acteurs du monde. A quel point votre côté british vous a aidé dans votre carrière à Hollywood ?
Il y a ce désir chez les acteurs britanniques et même chez les acteurs européens en général de disparaître pour laisser la place au personnage. A Hollywood c’est souvent une question de physique, c’est celui qui a le plus beau sourire ou le plus beau corps à qui on propose de faire du cinéma. Ces gens deviennent des stars parce qu’ils ont quelque chose à l’écran, ils sont esthétiques. Ils sont charismatiques et sexy mais ils sont souvent les mêmes. Ils ont les mêmes qualités à l’écran souvent. Ce n’est pas une critique, c’est une différente ambition. Mes compatriotes et moi sommes intéressés par le lâcher-prise, le laisser-aller pour servir le personnage. Je pense que c’est ce que mon côté anglais et ma formation théâtrale m’ont appris. Construire quelque chose de nouveau à chaque fois.
Quels personnages rêvez vous encore de jouer ?
Je pense que je suis trop vieux pour Hamlet et trop jeune pour le Roi Lear. Mais je veux jouer tous les rôles que j’admire chez les autres et que je ne veux pas imiter parceque je veux proposer autre chose, une autre façon de procéder. Je ne regarde jamais en arrière. J’avance afin de profiter de ce merveilleux métier que je fais tous les jours et qui m’anime…