TPME : l’État au chevet d’un écosystème en difficulté

À l’heure où les très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) cherchent à sortir du brouillard bureaucratique et financier qui freine leur essor, le patronat a organisé le premier Carrefour de la TPME. L’événement a donné lieu à des annonces fortes du gouvernement. Un arsenal de mesures inédites en faveur des petites entreprises a été dévoilé, dans la perspective de soutenir le tissu entrepreneurial et, par ricochet, les créations d’emplois.
Dans une ambiance à la fois studieuse et chaleureuse, entrepreneurs, décideurs publics et représentants du secteur privé se sont réunis à Casablanca jeudi pour poser les jalons d’un nouveau contrat de confiance entre l’État et les très petites, petites et moyennes entreprises (TPME). Un moment d’écoute et de dialogue, à l’heure où ces structures, piliers invisibles mais essentiels du tissu économique national, réclament des réponses concrètes à leurs maux récurrents.
Engagements forts
La première édition du Carrefour de la TPM, sous le thème évocateur «Inspirer pour transformer» par la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) était l’occasion d’exposer les différentes avancées réalisées par le ministère de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, en partenariat avec les différentes parties prenantes. L’occasion aussi pour Younès Sekkouri d’annoncer des mesures concrètes et inédites.
Ainsi, dès l’ouverture de la rencontre, face à un public de chefs d’entreprise, le ministre a dévoilé un nouveau programme d’appui public spécifiquement dédié aux TPME, qui sera lancé dans les trois semaines à venir. Doté d’un budget d’un milliard de dirhams, ce dispositif vise à financer directement une partie des dépenses d’exploitation (OPEX) des petites structures.
Ce financement couvrira des charges souvent lourdes pour ces entreprises, notamment les loyers, les équipements de production, les outils de gestion comptable ou encore les actifs immatériels. L’objectif affiché est de toucher pas moins de 110.000 bénéficiaires regroupant TPME, autoentrepreneurs et coopératives. Autre annonce forte, l’institutionnalisation d’une concertation régulière avec les banques. Cette initiative vise à fluidifier l’accès au financement, perçu comme l’un des principaux freins à la croissance des TPME.
«Malgré les efforts des pouvoirs publics et des garanties de l’État, de nombreux chefs d’entreprise restent confrontés à des refus de prêts ou à des conditions inadaptées à leur réalité. Une réunion sera institutionnalisée avec les banques pour la mise en place d’un mécanisme, qui sera instauré dès la fin du mois, et qui consiste à recueillir les remontées précises d’informations au profit des entrepreneurs dans la perspective de trouver solution au problème persistant», rassure Sekkouri.
Changement de paradigme
La réforme administrative constitue également un axe prioritaire. À partir de la première semaine de juin, un changement de paradigme est annoncé. Les traditionnelles autorisations administratives, lesquelles représentent un obstacle pour les entreprises, seront remplacées par un système fondé sur des cahiers des charges clairs.
Sur le plan réglementaire, des évolutions majeures sont également en préparation. Un nouveau Code du travail, plus adapté aux mutations du monde du travail, sera présenté avant la fin de l’année. Celui-ci intégrera notamment un encadrement du travail partiel, ainsi qu’un cadre clair pour le télétravail, deux pratiques devenues incontournables.
L’emploi des femmes, qualifié de chantier majeur par le ministre, sera également au cœur des ajustements proposés. Côté emploi et compétences, la refonte du programme de l’ANAPEC a été annoncée. Objectif : mieux accompagner les profils non diplômés, souvent éloignés des circuits classiques de formation et d’insertion. Une nouvelle dynamique est également engagée pour la formation professionnelle continue, longtemps paralysée par des blocages administratifs et des difficultés de remboursement. Cette réforme entend répondre aux besoins réels du marché et des entreprises. Au-delà des engagements gouvernementaux, la CGEM affirme son engagement auprès des petites et moyennes entreprises.
«Les TPME représentent plus de 90% du tissu entrepreneurial marocain, 70% des entreprises formelles et assurent 80% des créations d’emplois dans le pays. Et pourtant, elles restent confrontées à un triple mur : accès au financement, complexité administrative et offre de formation inadaptée», insiste Chakib Alj, président de la CGEM.
Parcours inspirants
Plus encore qu’un espace de débat, l’événement s’est voulu un miroir du terrain. À travers une série de témoignages authentiques et inspirants, plusieurs chefs d’entreprise ont pris la parole pour partager leurs parcours, leurs doutes et leurs stratégies. Moncef Belkhayat, PDG de Dislog Group, a raconté l’ascension d’une petite structure devenue champion national, en misant sur la croissance externe et la diversification des financements.
Pour sa part, Nourredine Zine, de Zine Capital Invest, a évoqué le rôle crucial d’une vision long terme, même en partant de très peu. Quant à Mia Filali Lahlou, à la tête de Pharma 5, elle a livré un témoignage vibrant sur les enjeux de transmission dans une entreprise familiale. S’en est suivi un panel d’entrepreneurs issus de secteurs aussi variés que l’industrie, la technologie ou l’innovation. Tous ont décrit avec lucidité les réalités du terrain, la solitude du dirigeant, les démarches chronophages, la difficulté à recruter ou à se financer, mais aussi l’enthousiasme de construire, d’innover et de contribuer à l’économie du pays.
Younes Sekkouri
Ministre de l’Inclusion économique
«Malgré les efforts des pouvoirs publics et des garanties de l’Etat, de nombreux chefs d’entreprise restent confrontés à des refus de prêts ou à des conditions inadaptées à leur réalité. Une réunion sera institutionnalisée avec les banques pour la mise en place d’un mécanisme, qui sera instauré dès la fin du mois, et qui consiste à recueillir les remontées précises d’informations au profit des entrepreneurs dans la perspective de trouver solution au problème persistant»
Chakib Alj
Président de la CGEM
«Les TPME représentent plus de 90% du tissu entrepreneurial marocain, 70% des entreprises formelles et assurent 80% des créations d’emplois dans le pays. Et pourtant, elles restent confrontées à un triple mur : accès au financement, complexité administrative et offre de formation inadaptée»
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO