Éco-Business

Sécheresse : quid du Crédit agricole ?

Les agriculteurs n’ont jamais eu autant besoin de cash pour produire que dans ce contexte de hausse généralisée des intrants et des biens d’équipement. Mais quel est le niveau de confiance des banques envers les producteurs agricoles qui peineraient à rentabiliser leurs investissements à un moment où la sécheresse devient de plus en plus récurrente ? 

Le Maroc fait partie des pays les plus touchés au monde par le stress hydrique alors qu’avec la fréquence accrue de saisons des pluies médiocres, la sécheresse pourrait devenir un défi structurel, impactant sérieusement l’économie à long terme.
Parmi les secteurs les plus menacés, figure l’agriculture qui dépend encore et toujours de la clémence du ciel. Or, lors de la dernière sécheresse, le taux de remplissage des barrages était très faible, menaçant la sécurité hydrique dans certains bassins hydrographiques et conduisant les autorités à adopter des mesures d’urgence. En février dernier, le gouvernement a mis en place un programme exceptionnel visant à atténuer les effets du retard des précipitations, en application des directives royales. Il a été question, notamment, d’un budget de 3 MMDH à titre de contribution du Fonds Hassan II pour le développement économique et social et de 6 MMDH dédiés au financement et à la restructuration des dettes des agriculteurs. Principaux bénéficiaires concernés, les petits exploitants qui recourent à l’emprunt lors de chaque campagne agricole.
Par ailleurs, 1 MMD a été réservé à l’assurance récolte au titre de la campagne agricole en cours. Ce «geste» de la Mutuelle agricole marocaine d’assurances (MAMDA) «a permis à beaucoup d’agriculteurs de souffler un peu et de rembourser une partie de leurs dettes», se félicite le vice-président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (Comader).
Mais une question se pose sur la capacité des agriculteurs à rembourser leurs prêts au vu des résultats décevants des campagnes agricoles et de la récurrence des sécheresses. À ce propos, Rachid Benali sonne l’alerte : «Si jusqu’ici les agriculteurs n’ont pas eu de difficultés majeures à rembourser leurs prêts, ils auront certainement des soucis dans le futur pour honorer leurs engagements vis-à-vis des banques dans la mesure où la sécheresse devient structurelle.», explique-t-il.
Toutefois, nuance-t-il, les banques continuent de faire confiance au secteur. «Jusqu’à présent, nous n’avons pas encore noté des cas de refus de prêts aux agriculteurs du fait de la rareté des pluies», souligne Benali. Mais selon nos informations, certaines banques soignent, aujourd’hui, leurs portefeuilles de prêts en s’orientant vers les grandes entreprises et les prêts au secteur public où les défauts de paiement ont tendance à être plus faibles.
À ce rythme, les chances pour les fellahs de se voir accorder un crédit s’amenuisent au gré des sécheresses. Ce qui pourrait aggraver les baisses des rendements agricoles au Maroc. Si les exportations du secteur agricole et agroalimentaire se sont établies à 50,01 MMDH à fin juillet 2022 contre 40,56 MMDH au titre de la même période de l’année précédente, soit une augmentation de 23,3% ou +9,44 MMDH, «Il est évident que, sans prêts, les agriculteurs auront du mal à produire». Le besoin en cash des producteurs n’a jamais été aussi grand.
Grand besoin de cash
Non seulement la rareté de l’eau implique des investissements plus conséquents chez les agriculteurs, mais également et surtout, avec la hausse des biens d’équipement et des intrants agricoles, les producteurs marocains n’ont jamais eu autant besoin de s’endetter pour produire. En même temps, la garantie sur la rentabilité de leurs investissements n’a jamais été aussi faible au vu du contexte actuel de réchauffement de la planète, soulignent les experts.
Aujourd’hui, de plus en plus de producteurs se tournent vers les solutions agricoles innovantes pour rentabiliser leurs investissements. Pour les conforter face à cette conjoncture défavorable, les acteurs se mobilisent. C’est le cas pour le Crédit agricole du Maroc (CAM). En plus de procéder au traitement de la dette des agriculteurs par des reports d’échéances/rééchelonnements, le groupe a lancé le programme «Istidama», avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD), pour encourager les opérateurs agricoles et agro-industriels à optimiser leurs modes de production et de consommation en investissant dans des solutions d’efficacité énergétique, d’énergies renouvelables et de rationalisation des ressources.
Le CAM qui consolide ainsi son engagement auprès des agriculteurs a renforcé, en mars dernier, sa couverture des risques en portant les provisions à 6,1 milliards de dirhams (MMDH), soit un taux de couverture des créances en souffrance de 72%. Par ailleurs, la banque a constitué des provisions pour risques généraux de 1,5 MMDH au niveau des comptes sociaux, dont plus de la moitié est dédiée à la couverture des risques (notamment liés à la sécheresse) encourus par le secteur agricole et à l’agro-industrie.

 

Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO



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