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Reprise économique : Bank Al-Maghrib pessimiste (analyse)

Les prévisions actuelles sont à prendre avec des pincettes. Tout dépendra de l’évolution de la situation épidémiologique et des mesures qui seront prises. Le Maroc gagnerait à gérer la conjoncture, tout en pensant l’avenir du tissu économique, fragile bien avant la crise. Le recours à la planche à billets est écarté. Le point sur les déclarations phares du wali de Bank Al-Maghrib.

Les prévisions macro-économiques de Bank Al-Maghrib (BAM), qui viennent d’être actualisées, sont plus pessimistes que celles annoncées en juin. Il faut dire que l’évolution imprévisible de la situation épidémiologique a rebattu les cartes, tant au niveau national qu’international. Rien n’est encore tranché, les chiffres devant être régulièrement actualisés à la lumière de l’évolution de l’épidémie, tant au Maroc qu’ailleurs. C’est ce qu’a tenu à souligner, à plusieurs reprises, le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, lors d’un point de presse à l’issue de la réunion du Conseil de cette institution tenue mardi dernier.

Contraction de l’économie nationale
Des doutes persistent sur l’ampleur de la récession au Maroc. Alors que la Banque centrale prévoyait en juin une contraction de l’économie nationale de 5,2% en 2020, elle a dû réviser ce chiffre qui passe à 6,3 %. La baisse serait de 5,3% pour la valeur ajoutée agricole et de 6,3% pour celle des secteurs non agricoles. Rappelons à cet égard que le gouvernement prévoit dans le cadre de la loi de Finances rectificative une baisse de 5% de la croissance en 2020 contre +3,7% prévus par le Budget 2020. On s’attend à ce que cette hypothèse soit revue dans le cadre du projet de loi de Finances 2021 qui sera soumis au Parlement dans moins d’un mois. La Banque centrale s’est appuyée sur plusieurs données lors de l’élaboration de ses nouvelles prévisions, dont un redémarrage plus lent de l’activité économique et la mise en place de certaines restrictions locales ou sectorielles suite à la recrudescence des infections. À cela s’ajoutent la poursuite de la fermeture quasi totale des frontières pour les voyageurs ainsi que la persistance du niveau exceptionnellement élevé d’incertitudes liées notamment à l’évolution de la pandémie et à ses conséquences, aussi bien au niveau national qu’international. Toutes les prévisions, dans la conjoncture actuelle, sont à prendre avec des pincettes, comme le laisse entendre le gouverneur de la Banque centrale qui suit de très près la situation économique aux échelles nationale et internationale. Il faut attendre la réunion du Conseil de BAM fin décembre pour avoir le recul nécessaire et actualiser toutes les prévisions.

Quid de 2021 ?
Faut-il se montrer pessimiste ou plutôt optimiste ? En 2021, Bank Al-Maghrib s’attend à un rebond de la croissance économique à 4,7% avec, d’une part, une augmentation de 12,6% de la valeur ajoutée agricole, sous l’hypothèse d’une récolte céréalière de 75 millions de quintaux, et d’autre part une amélioration de la valeur ajoutée non agricole de 3,7%. Mais là encore, ces perspectives restent entourées d’un niveau exceptionnellement élevé d’incertitudes liées à l’évolution de la pandémie, à l’ampleur de ses retombées ainsi qu’au rythme de la reprise de l’activité économique, au Maroc comme ailleurs. Jouahri est on ne peut plus clair à cet égard: ces perspectives vont devoir être régulièrement actualisées.

Penser l’avenir de l’économie
Plus que jamais les défis sont de taille. L’enjeu, comme le souligne le wali de Bank Al-Maghrib, n’est pas uniquement de trouver des solutions conjoncturelles, mais aussi de penser l’avenir du tissu économique national. À ce titre, Jouahri tient à souligner que ce tissu économique était fragile bien avant la crise sanitaire. Selon le premier rapport de l’Observatoire marocain de la TPME, le tissu économique est composé à 86% de TPE, à 12% de PME et à 1% uniquement de grandes entreprises. L’analyse profonde montre que plus de 90% des TPE ont un chiffre d’affaires de seulement 3 MDH. Aussi, des réponses s’imposent dans le cadre du Nouveau modèle de développement auquel aspire le Maroc. De l’avis de Jouahri, au lieu d’apporter des solutions en aval et de jouer aux pompiers en soutenant les entreprises, il faut des mesures en amont assurant la résilience du tissu économique national afin que celui-ci puisse encaisser les chocs. Il faut ainsi une vision claire, basée sur des priorisations car les moyens du Maroc sont limités. À cela s’ajoutent d’autres considérations de la plus haute importance ayant trait notamment à la gestion politique et à l’harmonie de la majorité, d’après le wali de Bank Al-Maghrib.

Et la planche à billets ?
Pourquoi le Maroc n’a-t-il pas fait fonctionner la planche à billets, à l’instar d’autres pays, pour faire face à la crise actuelle ? Le gouverneur de la Banque centrale a déjà répondu à cette question en juin dernier, mais sa réponse n’a visiblement pas convaincu certains économistes. Jouahri persiste et signe : «il faut se méfier des solutions simplistes», expliquant que quand le volume des importations est le double de celui des exportations (soit un déficit commercial structurel et permanent), le recours à une telle mesure épuise très rapidement les réserves de change. Cela heurtera de plein fouet la capacité du pays à financer ses importations (pétrole, blé, pièces de rechange…). Pour un pays comme le Maroc, «une forte interpénétration existe entre les opérations extérieures et celles intérieures», précise-t-il. Aussi le recours à la planche à billets est-il écarté pour éviter de plonger le pays dans une situation chaotique, comme le démontre l’expérience internationale. Il cite, à ce titre, l’exemple des pays d’Amérique latine comme l’Argentine et le Venezuela. Jouahri estime que tant qu’il aura «cette responsabilité», il conseillera de ne pas céder à cette idée : «On ne peut pas précipiter le pays dans une situation d’insolvabilité qui touchera surtout la classe moyenne.»

Le gouvernement pouvait-il mieux faire ?

«Le choix entre le sauvetage de l’économie et la sauvegarde de la vie de la population est très difficile.» Abdellatif Jouahri estime qu’il faut trouver l’équilibre entre les deux, soulignant que les options sur le plan politique ne sont pas aussi simples que l’on pense. Il s’avère nécessaire, selon lui, de bâtir la résilience de l’économie marocaine sur le long terme pour permettre au royaume de faire face à la bataille extérieure de la compétitivité et de la productivité. «Il faut gérer le conjoncturel sur le plan sanitaire, social, économique et financier et traiter les problèmes structurels», précise-t-il. Jouahri insiste sur la nécessité de tracer des priorités, à l’instar du Registre social unifié qui doit être mis en place.

Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco


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