Marché actions : une croissance bénéficiaire record, tirée par les banques

Portée par une solide dynamique bancaire et énergétique, la Bourse de Casablanca a enregistré en 2024 une croissance bénéficiaire inédite depuis la reprise post-covid. Mais derrière cette performance globale, le marché révèle des contrastes marqués entre secteurs et un recul notable du rendement pour les actionnaires.
Dans un contexte de désinflation progressive et de reprise de la demande publique, les sociétés cotées à la Bourse de Casablanca ont enregistré en 2024 leur plus forte croissance bénéficiaire depuis la reprise post-covid. Une performance qui confirme la dynamique retrouvée du marché actions, tout en soulignant certaines fragilités, notamment du côté du rendement.
Selon le rapport publié par Attijari global research (AGR), la croissance bénéficiaire récurrente des sociétés cotées a atteint 19,3%, dépassant ainsi les prévisions initiales de la société de recherche, qui tablaient sur une progression de 16%.
Ce rythme marque «le niveau de croissance annuelle le plus élevé depuis 2021», précise AGR, et traduit un alignement quasi parfait avec les anticipations (taux de réalisation de 101%).
Une croissance largement concentrée
La hausse des bénéfices n’est toutefois pas généralisée. Elle repose essentiellement sur deux piliers, le secteur bancaire et celui de l’énergie, à l’origine de près de 80% de la progression globale des profits. Les banques ont vu leur capacité bénéficiaire augmenter de +4.085 millions de dirhams (MDH), tandis que les énergéticiens ont contribué à hauteur de 1.165 MDH, dopés notamment par la performance de TotalEnergies Marketing Maroc (+884 MDH).
Ils ont bénéficié en cela d’un effet prix favorable et de l’absence d’éléments exceptionnels négatifs comme l’amende de 2023. Hormis ces deux secteurs, la croissance bénéficiaire du marché ressort à un plus modeste 7,8%, une progression que AGR qualifie néanmoins de «relativement correcte» compte tenu de la base de comparaison et des effets sectoriels.
Revenus en progression, marges en amélioration
Les revenus agrégés des sociétés cotées atteignent 318,6 MMDH, en hausse de 5,9% par rapport à 2023. Cette évolution est notamment portée par la dynamique du crédit et de la consommation, soutenue par les secteurs bancaire, BTP et de la grande distribution.
Parallèlement, le résultat d’exploitation récurrent progresse de 18,9%, grâce à une amélioration généralisée des marges opérationnelles.
AGR souligne une marge opérationnelle moyenne de 25,8%, en hausse de 2,8 points par rapport à l’an dernier. Ce gain s’explique principalement par la baisse des prix des intrants sur les marchés internationaux et les efforts continus d’optimisation des charges d’exploitation.
Un marché dichotomique
Si 56 sociétés cotées, représentant 79% de la capitalisation boursière, affichent une hausse de leur résultat net part du groupe (RNPG), 16 sociétés enregistrent un recul de leurs bénéfices, et sept clôturent l’exercice 2024 sur des pertes. Trois sociétés ont par ailleurs émis un profit warning, et sept autres ont été soumises à un contrôle fiscal, générant des redressements totalisant 318 MDH (hors cas de Cimar).
Au niveau sectoriel, 12 secteurs affichent une croissance des bénéfices, avec des hausses marquées dans l’énergie (+74%), le BTP (+62%) et l’agriculture (+49%). À l’inverse, l’agroalimentaire chute de 29,7%, impacté par les contre-performances de SBM, notamment l’arrêt de la commercialisation de la marque Heineken, le retrait de l’activité Eau et un contrôle fiscal de 76,4 MDH.
Rendement au plus bas
Paradoxe de cette année faste en matière de résultats, la masse globale des dividendes recule de -4,2%, pour s’établir à 17,7 milliards de dirhams (MMDH). En cause, la baisse spectaculaire du dividende de Maroc Telecom, qui passe de 4,20 DH à 1,43 DH par action, soit une diminution de 2,4 MMDH à elle seule. Corrigée de cet effet, la progression serait de 11,2%, portée par 37 sociétés ayant augmenté leur dividende par action (DPA).
Cependant, cette dynamique de distribution n’a pas suffi à soutenir le rendement global du marché (D/Y), qui ressort à 2,2%, «le niveau le plus faible observé durant les deux dernières décennies», souligne AGR. Ce recul s’explique principalement par la forte revalorisation des cours, avec une capitalisation boursière en hausse de 37,8%, atteignant 925 MMDH fin mars 2025.
Une normalisation attendue en 2025
Les perspectives pour 2025 appellent à la prudence. AGR anticipe une décélération du rythme de croissance bénéficiaire, du fait d’un effet de base élevé et d’une possible pression sur les marges dans le secteur de l’énergie, liée au repli des cours des matières premières.
Cette normalisation pourrait remettre en lumière les divergences de trajectoires sectorielles et renforcer les attentes vis-à-vis des fondamentaux. Enfin, la question du rendement demeure centrale. Le marché actions, malgré sa dynamique de croissance, devra concilier attractivité boursière et discipline de distribution pour conserver l’intérêt des investisseurs dans un contexte de repositionnement global des portefeuilles.
Dividendes, un rendement au plus bas historique
2,2%, c’est le niveau de rendement dividende (D/Y) enregistré par le marché actions marocain en 2024, soit le plus faible observé au cours des deux dernières décennies, selon Attijari global research. Cette contre-performance s’explique par deux effets cumulés. D’abord, une baisse de la masse globale des dividendes distribués, qui s’établit à 17,7 MMDH en 2024, en repli de -4,2% par rapport à 2023.
Cette évolution est principalement liée à la chute du dividende de Maroc Telecom, passé de 4,20 DH à 1,43 DH, soit un manque à gagner de 2,4 MMDH. Ensuite, une hausse marquée de la capitalisation boursière, en progression de +37,8% sur les douze derniers mois, pour atteindre plus de 925 MMDH à fin mars 2025. Et ce, malgré le relèvement du DPA par 37 sociétés cotées, représentant 61% de la capitalisation.
À l’inverse, 14 émetteurs n’ont pas distribué de dividende au titre de l’exercice 2024, et six sociétés, dont BCP, Bank of Africa et TotalEnergies Marketing Maroc, n’avaient pas encore communiqué leur DPA à la date de publication du rapport.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO