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Loi sur les syndicats : le CESE corrige la copie du gouvernement

Suite à une saisine du chef de gouvernement, le Conseil économique, social et environnemental a rendu son avis sur le projet de loi 24-19 portant sur les organisations syndicales. Une série de recommandations est proposée en vue d’améliorer la portée de la législation projetée.

Cela fait trois ans que les discussions entre les partenaires sociaux s’enveniment à propos du projet de loi 24-19 et, pourtant, il semble que le retard a de fortes chances de se prolonger étant donné que le corpus de ce texte nécessite encore d’être révisé. C’est le premier constat qui se dégage de la lecture du dernier avis émis par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) à propos de ces dispositions censées encadrer l’action syndicale.

Avant d’entamer le circuit de l’adoption, plusieurs réglages devraient être opérés au niveau dudit texte, préconise le CESE, et nombre de précisions sont à apporter à certaines de ses dispositions, au nombre de 145 articles en tout. La première recommandation émise par le CESE concerne le distinguo entre le statut des syndicats et celui des organisations professionnelles des employeurs, le projet de loi ayant instauré des dispositions communes pour les deux entités.

«La mise en place de dispositions similaires entre les organisations syndicales des travailleurs et les organisations des employeurs suscite la confusion, en raison de la spécificité de chaque organisation et de la faiblesse des moyens qui sont accordés aux organisations patronales», indique le CESE.

La question cruciale portant sur la représentativité «n’a pas été tranchée par le projet de loi qui renvoie à un texte réglementaire à élaborer», souligne ainsi l’avis du Conseil.

Le dialogue social minimisé
Parmi les remarques importantes formulées à ce sujet par le CESE figure l’absence de la dimension stratégique du dialogue social dans la mouture provisoire de la loi sur les syndicats. «Ce sont uniquement 5 dispositions qui encadrent le dialogue social, sachant que ce dialogue repose sur une charte sociale et contractuelle imprégnée d’une dynamique marquée par les changements politiques, économiques et sociaux», indique le CESE.

Le Conseil rappelle, dans ce registre, ses recommandations émises en novembre 2020 et qui se fondent sur l’élaboration d’une loi-cadre relative au dialogue social. Notons que le CESE recommande de réviser plusieurs vocables figurant dans la loi projetée, «pour améliorer la portée du texte». Il insiste aussi sur la nécessité d’insérer les conventions internationales qui ont été approuvées par le Maroc dans le préambule de la loi.

Selon le CESE, aussi, la question de la liberté syndicale n’a pas été suffisamment mise en avant par la loi, car «le projet ne traduit pas le contenu de l’article 29 de la Constitution et n’apporte pas de garantie à propos de l’appartenance syndicale», précise le document rendu par le Conseil.

En effet, l’institution cite 17 à 27 articles qui nécessiteront d’être reformulés et recommande de «réviser toutes les procédures qui forment une limitation infondée de l’exercice de la liberté syndicale».

À propos de la négociation collective et la résolution des conflits collectifs du travail, l’examen du Conseil a ciblé la prescription des mesures destinées à encadrer la négociation entre les partenaires sociaux dans l’objectif de renforcer le travail décent ainsi que l’activation du conseil de la négociation collective.

D’autre part, la problématique de la représentativité des centrales syndicales au sein des deux secteurs public et privé a également besoin d’être revue, essentiellement en raison de la faiblesse de la représentativité des syndicats au sein du secteur public par rapport au privé.

Le Conseil recommande en effet de dépasser la dualité qui marque le statut des syndicats, essentiellement en matière de représentativité des fonctionnaires au sein des collectivités territoriales.

Concernant le patronat, l’avis du Conseil appelle à régler au plus vite la question de la représentativité, sans la reporter à «un autre texte réglementaire, car cela ferait perdurer le vide juridique existant et le cumul des textes réglementaires». Un grand flou entoure aussi les modalités de présentation du cahier revendicatif des centrales syndicales.

Le CESE insiste sur le changement des dispositions provisoires prévues par le projet et qui imposent que les syndicats désignent un seul représentant durant la phase des négociations collectives, ou dans le cadre des pourparlers visant à résoudre certains conflits collectifs du travail.

Enfin, en ce qui concerne la nationalité marocaine qui est exigée afin d’occuper un statut de membre dirigeant au sein d’un syndicat, le CESE considère que cette disposition est contradictoire avec la convention 97 sur les droits des migrants, et devra de ce fait être révisée par le gouvernement avant d’insérer le projet de loi dans le circuit de l’adoption. 

11 recommandations prioritaires

L’examen du CESE du projet de loi portant sur le statut des syndicats a débouché sur 11 recommandations phares à même d’aligner cette législation projetée à la fois avec la Constitution et avec les conventions internationales approuvées par le Maroc. L’une des principales mesures porte sur la suppression des peines privatives de liberté prévues contre les dirigeants syndicaux.

Le CESE insiste sur le renforcement de la confiance dans les rôles joués par les organisations syndicales et patronales, et l’atténuation de la nature répressive des dispositions actuelles. Il s’agit, en effet, d’une condition cruciale pour les centrales qui refusent la version actuelle de la loi en raison de la présence des peines d’emprisonnement dans le volet des sanctions. Les syndicats estiment en effet que de telles dispositions sont en déphasage avec l’évolution des relations de travail dans le pays.

À propos des modalités d’élection des instances dirigeantes des syndicats, le Conseil appelle à mettre en valeur le principe de la parité. Il est aussi considéré que la durée du mandat syndical, fixée à 4 ans sans que ne soit indiqué le plafond des renouvellements, prive les jeunes cadres syndicaux d’accéder aux postes de direction au sein des centrales syndicales.

Younes Bennajah / Les Inspirations Éco



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