Immobilier : une valeur refuge, malgré un rendement locatif net plutôt faible

Mohamed Boughaleb
Expert-comptable
Taux d’intérêt en repli, environnement fiscal à surveiller, marchés en quête de repères… l’optimisation patrimoniale exige des choix avisés. Quels leviers activer entre actifs de placements traditionnels et nouvelles classes d’investissement ? Mohamed Boughaleb, expert-comptable, décrypte les stratégies les plus pertinentes pour piloter efficacement son patrimoine.
L’immobilier a historiquement constitué le socle de la gestion patrimoniale au Maroc. Assiste-t-on à une diversification vers d’autres classes d’actifs, comme les obligations souveraines, le private equity ou les actifs verts ?
L’immobilier demeure une valeur refuge, malgré un rendement locatif net relativement faible (environ 4% à 5% dans le résidentiel). Il offre néanmoins des performances plus intéressantes que d’autres classes d’actifs. Cela étant, on observe un intérêt croissant pour des placements diversifiés, notamment le private equity et les obligations souveraines, qui attirent de plus en plus d’investisseurs fortunés.
Les investissements en private equity connaissent un engouement sans précédent. Quelles précautions fiscales et comptables faut-il prendre avant d’entrer au capital d’une entreprise ?
L’investissement en private equity requiert une évaluation rigoureuse. Il est essentiel de s’assurer de la rentabilité de l’entreprise cible et d’identifier les risques juridiques, opérationnels et fiscaux associés. Un accompagnement par des professionnels, notamment des experts-comptables, est vivement recommandé pour sécuriser l’opération.
Avec la baisse du taux directeur à 2,25%, les conditions de financement deviennent plus favorables. Est-il préférable aujourd’hui d’opter pour une dette à taux fixe ou variable pour un investissement immobilier ou financier ?
Tout dépendra de l’orientation des banques face à cette baisse. Néanmoins, pour les particuliers, un emprunt à taux fixe semble plus avantageux à ce stade, permettant de sécuriser le coût du financement sur le long terme.
Un investisseur souhaitant diversifier son patrimoine doit composer avec de nombreuses obligations fiscales.
Quels véhicules d’investissement offrent, selon vous, le meilleur équilibre en matière de performance et de fiscalité ?
Le choix du véhicule d’investissement dépend du profil patrimonial. Pour un investisseur individuel souhaitant détenir de l’immobilier à petite échelle, l’acquisition en nom propre reste envisageable. En revanche, pour une gestion plus structurée, la création d’une foncière sous statut IS s’avère plus pertinente. Concernant les titres non cotés, une holding permet une meilleure optimisation fiscale, tandis que pour les actions cotées, une détention en nom propre reste souvent la meilleure option.
La refonte de la fiscalité sur les revenus fonciers modifie-t-elle les stratégies d’investissement immobilier locatif? Quels arbitrages sont aujourd’hui les plus efficaces ?
La loi de Finances 2025 introduit un taux libératoire de 20% pour les contribuables personnes physiques, ce qui offre une alternative intéressante à l’ancien régime d’abattement de 40%. L’enjeu réside désormais dans le choix du mode de détention : en nom propre avec une imposition immédiate sur les loyers ou via une société soumise à l’IS, où la fiscalité s’applique sur le bénéfice net. Pour un investisseur individuel, la détention en nom propre peut être plus appropriée, tandis qu’une structuration sous forme de foncière est plus adaptée aux investisseurs souhaitant développer un portefeuille immobilier significatif.
Certains chefs d’entreprise privilégient les sociétés civiles immobilières (SCI) ou les holdings familiales pour optimiser la transmission et la fiscalité. Avec la réforme de l’IS, ces montages conservent-ils leur pertinence ?
Ces structures conservent leur intérêt, bien que les SCI rencontrent certaines difficultés d’acceptation de la part des conservateurs, faute de cadre juridique spécifique au Maroc. La réforme fiscale en cours impose une réflexion approfondie sur ces montages.
Les obligations souveraines offrent des rendements attractifs. Sont-elles une alternative crédible aux placements traditionnels, notamment face à l’inflation ?
Il faut dire que ce type de placement demeure limité pour les petits porteurs. La récente baisse du taux directeur pourrait d’ailleurs réduire leur attractivité.
L’assurance-vie et les fonds dédiés sont souvent présentés comme des instruments patrimoniaux stratégiques. Sont-ils réellement adaptés au contexte local ?
L’un des freins majeurs à ces produits réside dans leurs contraintes temporelles, notamment la durée minimale de détention (8 ans) et l’âge limite de souscription (45 ans). Une flexibilisation des conditions de retrait, notamment pour l’achat d’une résidence principale ou en cas de mariage, pourrait les rendre plus attractifs.
Les placements durables, comme les obligations vertes et les fonds ESG, sont-ils pertinents dans une stratégie de diversification ?
Les placements durables s’imposent progressivement comme une classe d’actifs à part entière. Leur essor repose toutefois sur un cadre fiscal qui reste à clarifier, afin d’en faire un levier pleinement intégré aux stratégies patrimoniales.
Comment orienter l’épargne liquide, majoritairement détenue en dépôts à vue, vers des investissements productifs ?
L’enjeu majeur reste la sensibilisation des épargnants et l’accessibilité aux produits d’investissement. Une combinaison d’incitations fiscales et de dispositifs d’accompagnement pourrait accélérer ce basculement vers une allocation plus dynamique des liquidités.
Quelles mesures fiscales encourageraient les ménages marocains à diversifier leurs placements, notamment vers les OPCVM ?
Avec seulement 23.000 détenteurs de comptes, le marché des OPCVM demeure limité. Un dispositif inspiré de l’épargne salariale en France, associant intéressement et abondement, pourrait stimuler l’adhésion des ménages à ces véhicules d’investissement.
Contrairement à d’autres pays, le Maroc ne taxe pas les successions en ligne directe. Une réforme est-elle envisageable ?
Aucune des recommandations issues des Assises de la fiscalité n’évoque une telle réforme. Une taxation des successions en ligne directe risquerait d’entraver l’investissement et d’affecter la transmission du patrimoine familial, avec un impact économique incertain.
Les accords de transparence fiscale conclus avec l’Union européenne mettent-ils fin aux stratégies d’optimisation via des structures offshore ?
La réglementation marocaine interdit aux résidents de détenir des comptes non déclarés à l’étranger, sous peine de sanctions pouvant atteindre cinq fois les montants concernés. Si les récents accords renforcent les dispositifs de contrôle et l’échange d’informations, ils ne modifient pas en profondeur l’arsenal déjà en place.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO