Buika règne sur Tanjazz

Samedi 21 septembre, la Reine de l’afro-flamenco a séduit le public. Lors d’un concert très attendu, Concha Buika a tout donné le temps d’un show habité de deux heures pour les 20 ans d’un festival qu’elle aime et admire tant.
Elle rentre sur scène telle une Reine du flamenco qui n’a jamais oublié ses racines africaines. Née en Espagne, Concha Buika a le sang flamenco et le cœur soul. Elle semble avoir un pouvoir que les autres n’ont pas. Un style à elle, une empreinte, un supplément d’âme qui semble être une vision presque étudiée et pourtant non. «Je n’ai jamais eu d’idée précise de ce que je voulais faire en musique, je n’ai jamais eu cette clairvoyance. J’y suis toujours allée par feeling et par nécessité, je n’ai jamais rien calculé», avoue l’interprète qui chante de toute son âme, de toutes ses tripes.
La chanteuse à «voie»
Lorsqu’elle investit la scène, Buika chante avec quatre musiciennes. Un message fort d’emblée que la chanteuse métissée assume. Pour elle, il s’agit de mettre en avant des femmes talentueuses et fortes, son groupe est exclusivement féminin et dans la diversité : la bassiste et la batteuse sont africaines, la saxophoniste est blonde américaine de l’Oregon et la pianiste est coréenne. «Notre cœur est constamment tiraillé, naître quelque part, vivre autre part, avoir des parents d’un ailleurs. Cela peut souvent brouiller les pistes jusqu’à ce qu’on ne sache plus vraiment d’où l’on vient», confie la chanteuse née de parents de Guinée Équatoriale qui ont fui leur pays pour vivre à Palma de Mallorca. C’est là où la chanteuse a vu le jour tout en n’oubliant pas d’où elle venait, continue l’interprète de «Volver». «Je me suis toujours posé cette question d’appartenance, à laquelle je n’ai pas de réponse. Suis-je africaine ? Suis-je européenne ? Je peux être mondiale tout simplement. C’est ce que je choisis d’être sans me poser de questions».
Un concert à couper le souffle
De morceau en morceau, Concha Buika chantait son âme sans avoir peur d’y laisser sa peau. Entre musiques africaines et flamenco, mouvements de danse entre les deux cultures, chants métissés, la chanteuse a offert un spectacle de toute beauté. Elle commence en douceur histoire d’hypnotiser l’audience avant de proposer un reggae «No more love» plein d’entrain. Elle brouille les pistes avec du flamenco, des chansons aux rythmes afro, du jazz même et se permet une version de «Amores de mis amores» à laquelle on ne croit presque pas tellement elle est parfaite. La voix profonde et singulière est presque déconcertante. Buika peut tout faire avec son instrument fétiche. Nul besoin d’orifices, seule sa présence magnétique compte, ses notes parfaites et ce timbre cosmique sont importantes. Quand elle pose la question de pourquoi l’amour fait autant souffrir (Porque el amor duel tanto), on a envie de souffrir avec elle. Quand sur «Teatro», elle pleure, personne ne peut retenir ses larmes. Quand elle entend son public demander «No habria nadie en el mundo», qui ne faisait clairement pas partie de la set liste, elle chante A Capella d’une manière parfaite. Buika chante comme elle respire, et elle a su tenir en haleine une audience qui a fait le déplacement de différentes villes et de différents pays même pour la voir chanter. Concert plein à craquer, tout le monde debout, ce show habité et passionné restera à jamais dans les annales de Tanjazz. Profondément humaine, Buika ne fait jamais semblant. Elle a tout donné. Pas étonnant, que lors du rappel après une longue standing ovation, elle ne revient pas. La chanteuse ne sait pas faire semblant. Elle a laissé un bout d’elle ce soir, comme tous les soirs où elle joue, à Tanger. Un bout d’elle que Tanger gardera en elle.